Aujourd'hui, lever des impôts sur les salaires est un des moyens les plus efficaces qu'ont les états comme la France pour financer l'action publique. L'obligation de payer les salaires soit par chèque soit par virement sur un compte en banque et l'obligation pour les entreprises de tenir une comptabilité donne au fisc des moyens crédibles et rapides de vérification, ce qui assure un faible nombre de fausses déclarations. On a pu vérifier de façon anecdotique l'importance des vérifications aisées dans le recouvrement de l'impôt par l'exemple grec: les commerces ne délivraient pas toujours de factures et les déclarations de revenus étaient parfois baroques. La montée du salariat et la généralisation de l'usage de la monnaie scripturale expliquent ainsi pour une bonne part la faculté qu'ont eu les états d'augmenter la dépense publique et de mettre en place des états-providence.

Les dépenses publiques en France sont importantes: avec 52.8% du PIB en 2008 et 55.6% en 2009, la France a suivant les années le deuxième ou le premier niveau de dépenses publiques de l'Union Européenne. En conséquence, comme on va le voir, les impôts sur le travail y sont lourds. L'imposition sur le travail se distingue aussi par sa complexité: on distingue ainsi de nombreux impôts ou cotisations sociales. Cette complexité s'explique en partie par l'histoire car ces prélèvements sont en général liés directement à leur usage et aussi car le processus de décision démocratique est souvent fait de compromis, modifiant les impôts par touches successives. Mais cette complexité est aussi un outil pour masquer en partie l'importance des impôts levés. Il est ainsi à noter qu'en fait les cotisations dites patronales sont en fait payées par les salariés et font partie du salaire. C'est naturel: elles dépendent directement du salaire brut versé, aucun employeur ne peut les ignorer lorsqu'il paie son salarié. Ce fait est confirmé par la grande stabilité du partage de la valeur ajouté sur une longue période, alors que les cotisations sociales, notamment patronales, ont énormément augmenté depuis les années 70 comme cela est indiqué dans l'article sur l'incidence fiscale d'écopublix.

Les différents impôts

Pour simplifier, dans la suite on ne considère plus que le cas d'un célibataire, cadre travaillant dans une entreprise de plus de 20 salariés qui ne relève pas d'un secteur ayant une situation particulière vis-à-vis des allègements de charges patronales.

Impôt Limite Taux
«salarial»
Taux
«patronal»
Remarques
Retraite,
régime général
PMSS 6.65%8.3% La retraite de base, liquidée elle vaut au maximum 50% du PMSS
- 0.1%1.6%
Retraite,
AGIRC/ARRCO
PMSS 3%4.5% Retraite complémentaire, par points
entre PMSS
et 8 PMSS
7.7%12.6%
CET 8 PMSS 0.13%0.22% Contribution Exceptionnelle et Temporaire, depuis 1997
AGFF PMSS 0.8%1.2% Financement de la retraite à 60 ans.
4 PMSS 0.9%1.3%
Maladie - 0.1%13.1%
Allocations Familiales - -5.4%
0.3% Raffarin - -0.3% De son vrai nom Contribution Solidarité Autonomie,
le «lundi de Pentecôte»
FNAL - -0.1%1% logement
PMSS -0.4%
Effort de construction - -0.45%
Chômage 4 PMSS 2.4%4%
AGS 4 PMSS -0.4%
APEC entre PMSS
et 4 PMSS
0.024%0.036%
Accidents du travail - -1.2% En fait variable suivant les secteurs, beaucoup de taux.
Taxe d'apprentissage et
de formation professionnelle
- -2.28%
Prévoyance et
taxe sur la prévoyance
PMSS -1.5%+0.12% Eh oui... Une taxe sur un prélèvement obligatoire!
CSG -2.4%+5.1%- Seule une partie de la CSG (5.1%) est déductible du salaire pris en compte pour
le calcul de l'impôt sur le revenu. La CRDS devait initialement cesser en 2009.
CRDS -0.5%-
Impôt sur le revenuLa base est le salaire brut moins les prélèvements précédents, sauf CSG/RDS.
Barème progressif

Les cotisations sociales ont des parties plafonnées et non plafonnées. Les retraites par points (AGIRC/ARRCO) ont un plafond final à 8 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS), l'assurance chômage à 4 PMSS. Un bon exemple de la complexité est le calcul de la CSG et du RDS. Alors qu'il s'agit d'un impôt très simple a priori, la base de calcul est en fait égale à 97% du salaire brut augmenté des cotisations à un plan de prévoyance (dont le montant est de 1.5% de la portion sous le PMSS). Cet impôt se décompose par ailleurs en deux parties déductible et non-déductible de la base de l'impôt sur le revenu.

Des graphes donnant le taux moyen d'imposition en fonction du salaire brut étaient donnés dans un autre article d'écopublix, mais il négligeait l'influence des allègements de charge pour les bas salaires, la PPE et la décote de l'impôt sur le revenu. Les taux moyens se présentent en fait comme suit: tx_moyen_30k_2010_2.png

On constate aussi que l'imposition devient dégressive — le taux moyen diminue — au-delà de 8 PMSS, lorsque les cotisations retraite s'arrêtent. Le taux moyen d'imposition atteint ainsi 50% pour 1.6 SMIC, le salaire de fin d'allègements de charges patronales, il est minimal au niveau du SMIC à environ 30%. Le taux marginal se présente comme suit: tx_marginal_30k_2010_2.png

Les allègements de charges et les divers dégrèvements comme la PPE ont un impact énorme sur le taux marginal, il atteint 75% pour les bas salaires. Le salarié ne touche réellement que 25 centimes lorsque l'employeur augmente son salaire «superbrut» de 1€. De plus, le taux marginal n'est jamais inférieur à 50%.

Quelques conclusions

Les graphes ci-dessus montrent que les impôts sur le travail sont lourds, mais de façon logique au vu du poids des dépenses publiques en France. D'autre part, les cotisations sociales représentent l'essentiel de l'imposition sur le travail. Cela a pour conséquence d'atténuer voire d'inverser la progressivité de l'impôt sur le revenu ainsi que de concentrer la progressivité sur les salaires en bas de l'échelle.

La complexité du système rend l'ensemble obscur. Il y a un tel empilement de prélèvements différents qu'il est presqu'impossible de savoir à quoi sert chacun d'entre eux. Leur mode de calcul est parfois déroutant et même s'ils semblent posséder une logique interne, la logique d'ensemble est difficile à saisir. L'ampleur des cotisations patronales masque aussi la progressivité réelle du système et concentre la progressivité sur le bas de l'échelle des salaires. Ramener la fin des allègements de charges à 1.3 SMIC, comme l'avait recommandé la Cour des Comptes (suivi des recommandations de 2009), engendrerait une progressivité encore plus forte qu'aujourd'hui. Les taux marginaux atteindraient probablement alors les 85% voire plus. Cette progressivité est d'ailleurs encore renforcée pour ceux qui touchent des aides sociales dont le montant diminue à mesure que le salaire augmente. Pour ceux là, il est déjà possible que des taux marginaux effectifs de l'ordre de 85% soient déjà constatés. L'intérêt de voir son salaire augmenter peut alors devenir assez douteux, surtout si cela doit s'accompagner d'une charge de travail plus importante.