Benoît Hamon qui présidait aux travaux de la convention Égalité réelle du parti socialiste, donnait, à l'occasion de sa conclusion, une interview au Figaro. Il a sans doute vu là l'occasion de suivre les leçons du visionnaire Michel-Antoine Burnier et son excellent opuscule ''Que le meilleur perde'', dont on trouvera ailleurs un résumé.

Dans le désordre, Benoît Hamon nous gratifie des propos suivants:

Ses partisans revendiquent aussi le terme d'égalité réelle…

C'est vrai. DSK avait écrit un petit livre sur l'égalité réelle. Il n'est pas le premier. Un autre économiste en avait parlé avant lui, il s'appelle Karl Marx.

Belle tentative de s'attirer la sympathie du lecteur du Figaro. L'économiste néoclassique est sans nul doute une des autorités préférées de ces lecteurs, sans doute parce qu'il est, depuis plus de 150 ans, à l'origine de certains des plus grands succès de l'histoire. Benoît Hamon souhaite aussi certainement que l'aura du grand homme retombe aussi sur Dominique Strauss-Kahn, dont il est certainement idéologiquement proche.

L'absence de chiffrage a été critiquée…

Les socialistes ne proposent que ce qu'ils savent pouvoir financer. C'est la droite qui ruine la France. La préoccupation du chiffrage est légitime mais prématurée. Il faut mettre les choses dans le bon ordre. Nos propositions s'inscrivent dans une démocratie de long terme: il y a des mesures d'urgence et des mesures de court, moyen et long terme. Difficile d'additionner une dépense à dix ans et une dépense pour un an.

Benoît Hamon réussit un tour de force notable: il arrive à savoir comment financer ses promesses sans pour autant savoir combien elles coûtent. Ce faisant, il prend toutefois le risque de convaincre les électeurs amateurs de volontarisme. Au cas où ces électeurs potentiels liraient ces propos, il se dépêche de les faire fuir en leur faisant comprendre que si jamais il y avait une erreur d'appréciation financière, nombre de mesures seraient remises à dans dix ans, soit quand le prochain candidat socialiste, s'il l'emporte deux fois de suite, sera forcé de prendre sa retraite.

Votre objectif était-il de remettre le PS sur des rails de gauche?

J'ai lu quelques analyses d'intellectuels très critiques à l'égard de ce texte. Ils adressent régulièrement des injonctions pour que l'on abaisse le modèle social. Mais ils vivent dans un monde où le smic est à 10000 euros par mois! Alors le bon indicateur du fait que le PS est sur de bons rails, c'est que tous ces bavards fatigués n'aiment pas ce texte.

Face à une droite qui met en œuvre l'austérité, le projet du PS ne peut pas être de dire qu'avec la gauche, ce sera «l'austérité autrement». Si c'est cela le slogan de la présidentielle, le verdict est déjà connu. Cette ligne ne peut pas gagner.

Benoît Hamon sait qu'aujourd'hui les électeurs sont suspicieux et ne tombent pas dans le piège: ils savent que les hommes politiques font des déclarations exprès pour perdre les élections. Il a aussi constaté qu'il avait à faire à une forte concurrence en les personnes de Jean-Louis Borloo et Brice Hortefeux. Il décide de dire que lors de la prochaine campagne, pour gagner, il faudra mentir et ne pas se limiter pour de banales considérations d'intendance. En soi, ces tirades ne font guère fuir les électeurs comme l'ont montré les campagnes de 1995, 2002 ou 2007, même s'il est exceptionnel que ce soit dit aussi directement. Cependant, il bénéficie d'un atout de poids avec ses déclarations sur George Papandreou, le premier ministre grec. Un certain nombre de commentateurs avaient alors relevé que Papandreou s'était laissé aller à de dispendieuses promesses lors de la campagne, ce qui prend aussi tout son sel quand on regarde l'interview de son ministre des finances par Jean Quatremer. Il y déclare s'être douté que la situation des finances publiques grecques était grave.
Hamon est ainsi l'incarnation de celui qu'il critique, ce qui est un coup de maître pour qui compte perdre. Il restait alors un détail: Papandreou s'était attelé à la restauration de l'ordre ancien. Il était grand temps de faire appel à Marx pour éviter de convaincre les lecteurs du Figaro...