Ainsi, deux cohortes de la garde prétorienne compagnies républicaines de sécurité ont obtenu à la suite d'un mouvement de protestation de ne point être dissoutes. Des policiers ont donc contourné la loi qui les empêche de se mettre en grève en recourrant à des arrêts maladie et même en faisant la grève de la faim, de façon résolument post-moderne, puisque pour certains, il s'agissait de refuser leurs plateaux-repas pour les offrir à une association pour sans-abris. À la place de la suppression de 2 compagnies, on a appris qu'un effectif équivalent (280 CRS) quitteront cette force pour aller officier en commissariat. Ces suppressions étaient prévues dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, censée améliorer l'efficacité de l'action de l'état et, par là, en diminuer le coût.

Cette décision ne peut que rendre pessimiste sur les objectifs affichés de la RGPP. En effet, il est difficile de croire que les 2 solutions en concurrence aient été équivalentes du point de vue du compromis efficacité-coûts. Soit les compagnies de CRS comptent des effectifs surnuméraires, soit il y a trop de compagnies. Dans le premier cas, il y a des personnes sous-employées dans chaque compagnie, dans l'autre, des compagnies sont sous-employées. On ne se prononcera pas sur le point de savoir quelle hypothèse est la bonne. Il suffit de remarquer que l'état a été soit incapable de faire le bon choix avant que les premiers concernés n'eurent recours à des stratagèmes douteux, soit il a plié et a renoncé à la solution optimale. Il s'en est d'ailleurs suivi une logique réplique au sein de la gendarmerie mobile, dont les missions sont similaires, quoiqu'exercées sans doute de façon un peu différente. Cette dernière a vu la disparition de 8 escadrons en 2010 et de 7 en 2011, dissolutions annoncées parfois cavalièrement. Il semble donc que l'appréciation originelle du gouvernement est qu'il y a trop de brigades de maintien de l'ordre et pas assez de personnes dans les commissariats et que ce dernier a renoncé à supprimer des compagnies de CRS, ce qu'il faisait d'ailleurs parcimonieusement par rapport aux escadrons de gendarmerie mobile. La décision monte que, loin de privilégier les nécessité du service pour réduire les coûts et par là, faire que le citoyen-contribuable soit le mieux servi possible, il s'agit avant tout de réduire les coûts quelqu'en soient les conséquences.

La manière aussi de la contestation — et donc de la reculade — est révélatrice. Des gens dont on attendrait qu'ils soient loyaux et qu'ils ne se soustraient point à leur devoir ont choisi de contourner de façon évidente l'interdiction qui leur est faite de la grève. Cette interdiction se comprend aisément en ce que le maintien de l'ordre est un des premiers impératifs de l'état, pour assurer la sécurité des citoyens et plus généralement de tous ceux qui peuvent se trouver sur le territoire national. Ils ont de plus eu recours à des moyens extrêmes, quoiqu'en l'occurrence surtout mis en scène, comme la grève de la faim. Ils ont aussi utilisé des certificats médicaux de complaisance. Un tel comportement aurait dû conduire, non pas à renoncer à dissoudre des compagnies, mais plutôt à en dissoudre plus et à épargner les gendarmes mobiles qui, eux, se limitent aux formes acceptées de protestation des militaires, par les retraités et les conjoints. Le gouvernement récompense ainsi la déloyauté et punit la loyauté. Il est alors difficile de s'étonner des diverses résistances aux changements en France, puisque, finalement, les gens de bonne volonté se retrouvent forcément victimes de ces réformes, les fourbes et autres tricheurs pouvant espérer être bien traités et récompensés. Leur usage de certificats de complaisance montre aussi que les CRS ont fait un grand usage des petites et grandes déviances de la société française. Cette action est un exemple éclatant de la fameuse société de défiance. Comme nous le chante Polinesso dans Ariodante:

Voir que la duperie peut si bien réussir
m'incite à renier la vertu à jamais.
Quiconque n'aspire qu'à ce qui est licite
finit toujours ici-bas par s'en repentir

On ne peut toutefois s'empêcher de noter que par la succession des événements, le gouvernement réussit l'exploit de mécontenter ses propres électeurs tout en étant sûr de n'en rallier aucun. L'effet de ses mesures d'économies ont été exposés, thème éminemment favorable à l'opposition surtout au vu de la façon dont il a été géré: par le renoncement à l'efficacité. Le gouvernement a aussi cédé à des grévistes, et pas à n'importe quel syndicaliste de la CGT, mais à des policiers, ce qui a certainement été apprécié à sa juste valeur par les amateurs d'ordre. Il a traité des situations très similaires de façon visiblement injuste, ce qui a certainement plu au plus grand nombre. C'est donc certainement un grand chelem sur le baromètre de Que le meilleur perde!