Nicolas Sarkozy a péniblement ânonné un discours défilant sur un prompteur dimanche soir. Une platitude certaine frappe le lecteur, pour preuve, le Président déclare notamment:

Ainsi les fonctions régaliennes de l'État se trouveront-elles préparées à affronter les événements à venir dont nul ne peut prévoir le déroulement.

Mes chers compatriotes, c'est mon devoir de prendre les décisions qui s'imposent quand les circonstances l'exigent.

On attend impatiemment un discours annonçant l'impréparation du gouvernement face aux évènements prévus et des décisions données comme hors de propos.

Mais au delà de la platitude du discours, l'élément majeur de ce discours, c'est que le Président de la République insiste surtout sur ce qui pourrait mal tourner, afflux d'immigrants, terroristes surgissant d'une quelconque guerre civile ou encore rechute dans la dictature. Il exhorte à ne pas avoir peur de la nouvelle situation, mais on voit mal a priori quelle peur pourrait inspirer la fin de dictatures, sauf à en détailler comme il le fait donc des conséquences après tout peu probables: l'histoire récente contient que peu d'exemples de pays retombant dans la dictature. Le Président insiste ainsi sur la nécessité de la stabilité des choses, telles que vues de ce côté-ci de la Méditerranée. Mais comme le déclara jadis un visionnaire:

Ceux qui se disent adeptes de la realpolitik ne sont pas si réalistes que cela. Ils cantonnent l'action diplomatique à un effort pour ne rien changer à la réalité du monde. La stabilité est leur mot d'ordre. L'immobilisme leur obsession.

Le discours du président se résume en grande part à la fameuse maxime du roman de Giuseppe Tomasi, prince de Lampedusa, pour que tout reste tel que c'est, il faut que tout change. Cela dit, il n'est pas Tancrède et ne peut le dire aussi clairement. Il ne dispose malheureusement pas non plus de Tancrède dans son entourage, et pour changer son gouvernement, il appelle des hommes d'expérience, autrement dit, de vieux rogatons. La diplomatie française doit ainsi prendre un nouveau départ avec celui qui l'a dirigée de 1993 à 1995, peu après la fin du communisme. À l'époque aussi, la diplomatie française devait prendre un nouveau départ, s'étant signalée par un fait d'armes démontrant sa capacité visionnaire et son sens de l'histoire: l'opposition quasi-publique de François Mitterrand à la réunification allemande.

Cependant, tous les espoirs sont permis. Les dictatures représentent au fur et à mesure des diverses révolutions de moins en moins des gouvernements avec lesquels nous devons traiter. Un jour peut-être, lorsque toutes les dictatures notables auront disparu, la diplomatie et le gouvernement français se sentiront obligés de défendre la liberté d'expression et de condamner les régimes tirant sur des manifestants. Ce sera, au moins, compatible avec la fameuse stabilité.