La campagne pour les présidentielles de 2012 bat déjà son plein, la compétition pour perdre dignement, mais lourdement, fait donc rage. Un putatif candidat socialiste a tenté de se discréditer en organisant une virée dans Paris à bord d'une automobile ostentatoire. Ses alliés de toujours virent là l'occasion: ils renchérirent en déclarant qu'il ne s'agissait point là de son véhicule, rappelant ainsi que l'actuel locataire de l'Élysée ne détenait ni restaurant ni navire. C'était bien tenté, l'atmosphère gauloise favorable aux jeux de mots assurant que la publicité ne serait point passagère.

On se devait donc de répliquer dans le camp gouvernemental. Il se contentait jusque là de tenter de se ridiculiser en proposant des mesures absconses dont le principe sera de faire distribuer une prime sur un critère arbitraire mais auprès des salariés qui sont déjà parmi les plus favorisés. On se décida donc à employer les grands moyens; une manœuvre innovante fut décidée. C'est ainsi que Laurent Wauquiez, chargé des affaires européennes, déclara que les récipiendaires du RSA devaient au moins 5 heures de travail par semaine et que le manque d'écart entre les revenus de l'assistance et ceux du travail était le cancer de la société française. Comme il déclara que le RSA c'est juste essayer de faire en sorte que quand quelqu'un est dans des minima sociaux comme le RMI et qu'il recommence à travailler, chaque heure où il travaille lui rapporte de l'argent ou encore que ce qui n'est pas acceptable, c'est de laisser trois millions de personnes au bord de la route, qu'on a laissé s'enfermer dans une logique d'assistance passive depuis vingt ans, on constate qu'il se contredit à quelques années d'intervalle, même s'il ne fait que rappeler une promesse du candidat Sarkozy.

Le point principal, c'est qu'alors qu'il fut successivement porte-parole du gouvernement lors de la préparation du RSA puis chargé de l'emploi lorsque la loi fut votée, il disait tout bonnement que le bilan du gouvernement auquel il appartient est exécrable. Afin que cet élément ne passe point inaperçu, il fut secondé par le premier ministre et le président de la république qui répandirent en compliments sur le RSA. Cette tactique est particulièrement innovante, elle ne consiste pas seulement à faire fuir les deux côtés de l'électorat, celui qui se scandalise de la stigmatisation des pauvres et celui qui abhorre l'assistanat. Il s'agit bien de rappeler que cette mesure n'a pas atteint son but. On peut d'ailleurs se demander si l'existence-même d'un revenu minimum ne rende pas obligatoire l'existence de récriminations quant au faible écart avec les revenus du travail. C'est un lieu commun de la politique française que de dire que le SMIC permet à peine de vivre dignement, tout revenu minimal est donc condamné à ne pas en être si éloigné pour permettre au récipiendaire de survivre. Cette caractéristique de la solidarité nationale permet ainsi de se discréditer à coup sûr à condition de vouloir souligner sa propre incompétence.

On pourrait croire que Laurent Wauquiez fait fausse route en se faisant passer pour un opposant. Après tout, ce fut la tactique employée par Nicolas Sarkozy jusqu'en 2006 et on put constater qu'elle échoua lamentablement puisque ce dernier fut élu. Mais Laurent Wauquiez soutiendra sans nul doute le président Sarkozy lors de la prochaine élection et c'est ce qui rend sa déclaration inédite: sans se poser en opposant, il conteste une mesure majeure du gouvernement à moins d'un an de l'échéance. Pour compléter le tout, Laurent Wauquiez reste au gouvernement, renforçant ainsi l'aspect contradictoire et bancal de ce gouvernement. C'est cependant la seule faiblesse de cette manœuvre: on pourrait aussi croire que les acteurs sont de mèche et qu'il s'agit là d'une ruse destinée à assurer la défaite. La course à la défaite a besoin d'un certain degré de discrétion, sans quoi les Français sanctionneraient les politiques démasqués en leur accordant leurs suffrages. Mais on peut dire que c'est là un coup de maître auquel je ne connais pas de précédent!