Les Échos de ce mercredi 25 mai publient un article sur les réactions à la prime «dividendes» imposée par le gouvernement. On y trouve les habituelles précisions de dernière minute: ainsi ceux qui auraient déjà négocié une prime dépendant du dividende seront exonérés de l'obligation de rouvrir les négociations. Figurent aussi en bonne place les profession de bonne foi, comme quoi s'interroger sur le partage de la valeur ajoutée est légitime ou encore qu'on est prêt à jouer le jeu, quoique pour une durée limitée, le passage des élections devant entraîner la fin de la plaisanterie. Mais la véritable substance de cet article est de constituer une illustration des conséquences de l'imposition par la loi de dispositions contraires aux forces de l'économie de marché.

Ainsi nous parle-t-on des contre-mesures prévues pour ne pas payer. La plus basique est de s'efforcer de ne pas remplir les conditions obligeant au versement de la prime. Pour bon nombre d'entreprises cotées, il était trop tard en avril, le montant du dividende est annoncé dans les 3 premiers mois pour le plus grand nombre qui clôt ses comptes à la fin de l'année calendaire. Pour les autres, on assiste évidemment à une manœuvre d'évitement. On paiera ainsi ce qu'on comptait payer, mais en procédant par rachat d'actions au lieu d'augmenter ces dividendes. La théorie la plus basique de la finance d'entreprise prétend que cela revient au même, les mêmes montants revenant à la communauté des actionnaires et la valeur totale de l'entreprise restant la même. Cependant, force est de constater que cette pratique est encore plus symbolique du «capitalisme financier» que la distribution du très classique dividende: le rachat d'actions n'est devenu pratique courante que dans les années 90... De plus, on peut s'interroger sur si leurs effets sont si neutres que cela: il semble au contraire que ce soit une manœuvre profitant principalement aux dirigeants ainsi que propice à camoufler la performance réelle de l'entreprise — et de ces mêmes dirigeants.

Pour les années suivantes, ceux qui se sont faits piéger cette année entendent bien que cela ne se reproduise point. Cette prime sera donc intégrée à la politique salariale des entreprises. Ce n'est pas une surprise, le partage de la valeur ajoutée entre les salaires et le capital s'est caractérisé par une grande constance dans le temps. Tout avantage coercitif a donc vocation à intégrer la politique salariale classique des entreprises, de même que les augmentations d'impôts sur les salaires finissent rapidement par être payés par les salariés. D'où les déclarations sans surprise pointant les modifications possibles dans les formules fixant la participation ou celles visant à intégrer cette prime dans les négociations annuelles à budget constant.

Tout ceci n'est guère étonnant. Comme dans d'autres sujets économiques, tel le contrôle des loyers, ce n'est pas parce que les connaissances accumulées mènent à un consensus ou que la logique classique permettent de dresser des conclusions qu'elles ont un quelconque effet sur les décisions politiques. En l'occurrence, il fallait sans doute montrer que le gouvernement était capable de faire quelque chose, même si — on serait tenté de dire particulièrement si — c'est idiot. La conclusion, c'est que le gouvernement n'a sans doute ramené aucun vote supplémentaire mais s'est attiré l'hostilité de son électorat habituel tout en prétendant distribuer de l'argent, une performance.