Aujourd'hui, l'Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a publié une dépêche à propos du volume d'émissions de gaz à effets de serre provenant de la demande en énergie de l'humanité. Le titre en rend bien compte: les perspectives sont sinistres. En effet, pour éviter des changements trop importants et imprévisibles du fait du réchauffement climatique, l'objectif d'une augmentation de 2°C de la température moyenne mondiale par rapport à 1990 a été retenu, par exemple à Cancun (point 4.). Or pour arriver à limiter l'augmentation des températures à ce niveau, il faut stabiliser la concentration de gaz à effet de serre à l'équivalent d'une concentration en CO2 de 450ppm, comme le montre cette abaque du GIEC. En retour, cela a des conséquences sur les émissions annuelles. Le scénario de l'AIE pour arriver à maintenir la concentration en deçà des 450ppm prévoit ainsi que les émissions industrielles soient limitées à 31Gt d'équivalent CO2 entre 2015 et 2020 et qu'elles décroissent ensuite. Ce n'est pas le seul scénario possible, mais la vitesse d'élimination du CO2 par la nature oblige à une baisse plus rapide ensuite au cas où les émissions seraient durablement plus élevées que les 31Gt. Scénario 450 de l'AIE L'AIE estime qu'en 2010, 30.6Gt équivalent CO2 ont été émises. En d'autres termes, il faut que dès l'année prochaine les émissions n'augmentent plus, ou alors que cette augmentation soit très limitée pour atteindre 32 Gt en 2020! Soit seulement 5% d'augmentation en 8 ans. Pour dire les choses clairement, il s'agit d'un doux rêve. On s'achemine plutôt vers le scénario de base qui voit les émissions s'accroître d'environ 15% d'ici à 2020, et encore celui-ci apparaît comme bien en deçà de la réalité. Ce scénario représente peu ou prou les engagements pris lors des sommets de Copenhague ou de Cancun dont on estime qu'il vont entraîner une hausse de la température moyenne entre 2.6 et 4°C, l'AIE prévoyant explicitement une stabilisation à 650ppm d'équivalent CO2 soit une augmentation de température de 3.5°C.

Les causes premières de cette augmentation sont connues: il s'agit de la croissance des pays en développement comme la Chine ou l'Inde. Leur enrichissement leur permet d'acheter plus de biens de consommation impliquant une consommation de combustibles fossiles comme les automobiles. L'augmentation de la demande en électricité y est satisfaite par la construction de centrales au charbon. Ces tendances sont naturelles, l'enrichissement provoquant une demande légitime de confort, les centrales au charbon sont aussi les plus faciles et les moins chères à construire. Même si l'intérêt de ces pays pour des moyens de production d’électricité sans émission de CO2 est important, cela ne suffit certainement pas à contrebalancer la vitesse de leur croissance. De l'autre côté, on ne peut que constater que les objectifs du protocole de Kyoto n'ont été atteint que grâce à la chute du communisme. La lecture de la publication 2010 de l'AIE sur les émissions de gaz à effet de serre est édifiante (p13). Tous les pays d'Europe de l'Ouest ont manqué leur cible en 2008, laissant peu d'espoir pour 2012. Les écarts sont certes parfois faibles, de l'ordre de 5%, mais parfois très élevés comme pour l'Espagne qui a augmenté ses émissions de plus de 50% contre une augmentation cible de +15% seulement! La totalité du respect du protocole vient donc de l'autre partie de l'Europe qui a ratifié le traité, l'ancien bloc communiste dont la baisse des émissions s'explique avant tout par l'arrêt d'énormément d'usines et la modernisation de celles qui sont restées en service. Ces gains «faciles» sont aujourd'hui épuisés, ce qui rend essentiel l'atteinte des objectifs par les pays qui firent partie du bloc de l'Ouest dans le futur!

Pendant ce temps-là, les pays occidentaux continuent sur une pente politique qui conduit à la perpétuation du statu quo. Les États-Unis refusent de faire quoique ce soit d'ambitieux sur ce plan du fait d'une défiance envers la science, d'autant plus forte qu'elle va à l'encontre d'un mode de vie. Les pays d'Europe occidentale se détournent de l'électricité nucléaire pour des peurs principalement infondées contre cette énergie, alors que c'est certainement un des moyens les plus économiques de réduire les émissions. Suite à l'accident de Fukushima, l'Italie a gelé ses projets, un référendum y est prévu ce mois de juin; la Suisse a annoncé la fin du nucléaire sur son sol; l'Allemagne vient de confirmer peu ou prou les objectifs affirmés par le gouvernement Schröder en 1998. D'autres pays avaient annoncé au cours du temps leur abandon de cette technologie, comme l'Autriche, la Suède, l'Espagne ou encore la Belgique. Cet abandon est problématique car certaines technologies réduisant les émissions de gaz à effet de serre n'ont de sens que si la production d'électricité n'en émet pas. Ainsi, quel peut bien être l'intérêt des voitures électriques si elles sont alimentées par des centrales au lignite? On met souvent en avant les énergies dites renouvelables, mais comme l'a dit un intervenant devant une association de pétroliers du Colorado: ce sont en fait des centrales au gaz!

On ne peut donc que partager le pessimisme de l'AIE. Une augmentation de la température moyenne du globe de 3.5°C paraît presqu'inévitable, c'est même devenu un scénario optimiste. Les gens de ma génération verront donc sans nul doute de grands changements climatiques s'opérer durant les 50 prochaines années. On peut s'attendre à des catastrophes climatiques importantes, il faut rappeler à ce propos que les catastrophes naturelles sont les événements parmi les plus meurtriers sur terre. Le séisme du 11 mars au Japon a fait 15000 morts et 8500 disparus; la rupture du barrage de Banqiao et ses 171k morts ont été provoqués par un typhon.