La logique victime du nuage de Tchernobyl
Par proteos le 7 septembre 2011, 18:10 - Divers - Lien permanent
L'actualité nous donne avec le non-lieu prononcé par la Cour d'Appel de Paris d'étudier les effets des retombées du nuage de Tchernobyl sur la presse et le sens logique des journalistes. La Cour a donc au moins estimé qu'il n'y avait pas assez de preuves contre le Pr Pellerin, seul mis en examen dans cette affaire pour tromperie aggravée car il dirigeait le SCPRI lors de la catastrophe de Tchernobyl. En fait, en faisant quelques recherches, on voit mal comment il aurait pu vouloir tromper qui que ce soit. Cela n'empêche pas divers articles de presse de reprendre en chœur l'argumentation de ses détracteurs selon lesquels on est là en présence d'un complot.
D'abord, il faut rappeler que contrairement à une légende tenace, ni le gouvernement français, ni le SCPRI, ni le Pr Pellerin n'ont affirmé que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à la frontière. Ce mythe est démonté consciencieusement sur cette page où les évènements sont décrits pas à pas. S'il semble saugrenu qu'un organisme publiant jour après jour des cartes montrant le survol du territoire français par le nuage radioactif puisse vouloir cacher quoi que ce soit, cela n'a pas gêné certaines personnes. Il faut dire qu'en plus de publier les mesures de rayonnement, le SCPRI les reliait au consensus scientifique de l'époque, à savoir que les risques pour la santé étaient infinitésimaux. Ce consensus a depuis été confirmé par les faits, puisqu'on a bien été incapable de détecter une quelconque influence du nuage de Tchernobyl sur la santé. Les habitudes ont la vie dure, puisque, cette année, le CRIIRAD a tenté de faire croire que l'IRSN — successeur du SCPRI — avait caché le survol du territoire français par les rejets dus à l'accident de la centrale de Fukushima, alors même que les relevés sont tous disponibles en ligne. Cependant, les références à un quelconque mensonge du Pr Pellerin ne se sont plus produites que mezzo voce, la condamnation de Noël Mamère pour diffamation n'y étant sans doute pas étrangère.
Partant du fait que les informations communiquées par le SCPRI étaient exactes et reflétaient le consensus scientifique de l'époque, il est normal que toute poursuite pour tromperie ou coups et blessures ne mène à rien. Une action a tout de même été tentée par une association de malades de la thyroïde qui allègue notamment de l'augmentation du nombre de cancers de la thyroïde. Une petite recherche sur le sujet des cancers de la thyroïde livre des documents intéressants.
- Un livret décrivant les cancers de la thyroïde édité par la Ligue contre le cancer nous informe qu'il y a peu de chances que l'augmentation du nombre de cancers soit lié au nuage de Tchernobyl (p18).
Le nombre des cancers de la thyroïde découverts chaque année en France est d’environ 4 000. Ce nombre augmente régulièrement depuis 1970. Cette augmentation, observée dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, est liée essentiellement à l’amélioration des pratiques médicales qui permet le dépistage de petites tumeurs. (...) En France, la contamination a été beaucoup plus faible, la dose d’irradiation à la thyroïde des enfants ayant très rarement dépassé une dizaine de mGy, aucun effet sanitaire (n')est attribué (au nuage de Tchernobyl).
- Un article dans une revue médicale nous apprend que l'augmentation du nombre de cancers est liée à l'amélioration de la technique et qu'en prime on n'est même pas sûr que cette amélioration de la technique ait de réels bénéfices (p2)
L’augmentation de l’incidence des cancers de la thyroïde observée depuis plusieurs décennies est liée à une augmentation du diagnostic des petits cancers papillaires, permise par l’amélioration des pratiques. D’un point de vue médical, ces petits cancers de la thyroïde ont un excellent pronostic, et les bénéfices de leur détection précoce ne sont pas démontrés.
- Enfin, une étude de l'InVS nous dit (p57)
En effet, l’augmentation de l’ensemble des cancers thyroïdiens vient pour une grande part de l’augmentation des cancers de petites tailles (micros cancers papillaires) et de stade précoce, qui n’évoluent pas toujours vers une expression clinique. (...) Les études d’évaluation quantitatives de risque sanitaire, associées à la surveillance des évolutions temporelles et des répartitions spatiale du cancer de la thyroïde, ont permis d’exclure un impact important des retombées de Tchernobyl en France.
Pour dire les choses simplement, non seulement il n'y a eu aucune tromperie, mais en plus le consensus scientifique de l'époque a été confirmé par les études, ce qui fait que les plaignants ne peuvent même pas se prévaloir des effets du nuage de Tchernobyl. La lecture des documents laisse même à penser que l'amélioration des techniques de détection n'a servi à rien du point de vue de la santé publique!
Passons maintenant à ce qu'en dit la presse. Le Monde se contente d'un court article dont on peut retirer que le Pr Pellerin s'en est tiré grâce à ses puissants appuis
malgré une augmentation significative des affections thyroïdiennes
. Libération nous gratifie d'un article recopié d'une dépêche AFP donnant une large place à la parole des plaignants qui font appel au mensonge d'état
. Mais c'est dans le Figaro qu'on trouve une perle où le sommet est atteint:
Monique Séné, présidente du Groupement des scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN) au moment de l'accident, partage cette analyse. «Le docteur Fauconnier a bien mis en évidence les conséquences du nuage sur la santé des bergers corses, explique-t-elle. Mais il est quasiment impossible, si longtemps après les faits, de faire la part des choses entre un cancer lié à l'influence du nuage ou un cancer venant d'ailleurs.»
Pour résumer, des conséquences sur la santé ont été mises en évidence: l'inexistence de l'effet du nuage. C'est pour cet effet d'ampleur colossale qu'il faut condamner le Pr Pellerin.
Dans aucun article, je n'ai trouvé de référence même courte au fait que l'augmentation des cancers de la thyroïde était due à l'amélioration de la technique, alors qu'on peut sans peine trouver cette information sur le web. La presse laisse donc le champ libre au post hoc ergo propter hoc et reproduit même une déclaration qui réussit l'exploit de se contredire en 2 phrases. D'une certaine façon, si le nuage de Tchernobyl a eu des retombées néfastes en France, la recherche documentaire et le respect de la logique par la presse figurent sans nul doute parmi les victimes.
Commentaires