À une époque aujourd'hui révolue, c'est-à-dire au mois d'avril dernier, la France vit le nombre de morts sur les routes augmenter après plusieurs années de baisse continue. La cause en était toute trouvée, il s'agissait du retour de comportements kamikazes provoqué par un aréopage d'irresponsables qui a décidé de faire acte de clémence en rendant leur point perdu au bout de 6 mois à ceux qui ne les perdent qu'un par un. Le gouvernement se crut alors obligé de reprendre son gourdin habituel sur la question, de décider de revenir sur les engagements pris lors de la pose des radars automatiques de mettre des panneaux pour les annoncer, de museler les appels de phares modernes, d'agrandir les plaques des motos.

En ce mois de novembre, une autre nouvelle fait un peu moins de bruit: il n'y a finalement, malgré cette hausse printanière, jamais eu aussi peu de morts sur les routes. Il semble difficile de mettre cela sur le compte des effets de nouvelles mesures prises par le gouvernement. Le cumul sur 12 mois du nombre de morts sur les routes a toujours été inférieur à son homologue de l'année antérieure, sauf au mois de juin dernier. Le cumul des accidents corporels a, lui, été quasiment identique en début d'année à ce qu'il était en début d'année 2010, avant de diminuer à nouveau. De plus, certaines mesures ont dû être abandonnées. Quant aux radars, ils sont toujours indiqués dans les GPS. On peut certes invoquer qu'une parole forte a permis de redresser une situation compromise, mais alors pourquoi se fatiguer à aller démonter les panneaux indiquant les radars? En démonter un seul sous l'œil des caméras aurait suffi et permis de réutiliser cette menace la fois suivante. La cause qui était dénoncée comme de l'augmentation de la mortalité mensuelle est toujours en vigueur. Il faut dire que payer 45€ de façon relativement certaine doit suffire à dissuader nombre d'amateurs de flirts avec les limites de vitesses.

Ce que montrent ces péripéties, c'est que le gouvernement a fait sur cette question preuve de sectarisme. Depuis 2002, les résultats obtenus sont spectaculaires. Au delà de l'habituelle amélioration des routes et des véhicules, la politique menée a principalement consisté à poursuivre les excès de vitesse à l'aide des radars automatiques. Ne visant qu'une seule cause d'accident, il est clair qu'au bout d'un certain temps, ses effets ne peuvent que s'amenuiser et la tendance baissière diminuer, laissant la place à une érosion plus faible, si aucune autre politique n'est menée. Pour espérer retrouver une baisse aussi rapide ou même l'amplifier, peut-être faudrait-il étudier de nouveau quelles sont les causes d'accidents mortels sur les routes. C'est ainsi que sur autoroute, la somnolence est impliquée dans un tiers des morts. Plutôt que d'enlever des panneaux, de museler des automobilistes et de redécorer des motos, il aurait sans doute mieux valu voir quelles étaient désormais les causes sur lesquelles on pouvait le plus facilement agir. Certes, l'état est devenu totalement impécunieux et il lui est devenu difficile de résister à vouloir augmenter le rendement de ce qui constitue désormais un tiers des amendes collectées. Mais sur ce sujet où l'appartenance partisane n'a aucune importance, on aurait pu espérer mieux, que la raison préside un peu plus que l'émotion et le militantisme à la prise de décision.