Le cas des OGMs et du MON810 a déjà été évoqué sur ce blog, pour montrer que c'est un exemple de l'application dévoyée du principe de précaution et pour dire qu'en la matière, l'action du gouvernement durant le mandat de Nicolas Sarkozy est tout simplement désastreuse. En activant la clause de sauvegarde pour interdire la culture du MON810 début 2008, le gouvernement a provoqué une plainte de Monsanto pour faire annuler cette décision. Comme il n'y avait strictement aucune raison d'invoquer la clause de sauvegarde, sauf, bien sûr, des motifs d'opportunité politique, la réponse de la CJUE puis celle du conseil d'État ne faisaient guère de doute. Il est donc de nouveau possible de semer du MON810.

Cette décision, que même les écologistes de Greenpeace attendaient, donne lieu à une intéressante expérience sur le niveau du débat public en France. Rappelons en effet qu'il n'y a guère que 28000 publications scientifiques à propos des OGMs, dont 5000 sur les plantes résistantes aux insectes, cette catégorie concernant certainement pour une part très importante les plantes Bt comme le MON810. Les effets de ces plantes sont ainsi parmi les mieux documentés qui soient. Quant à la décision elle-même, elle ne laisse aucun espoir sur la légalité d'un nouveau moratoire. Ce n'est pas tant l'illégalité qui va gêner le gouvernement, mais plutôt le fait que le Conseil d'État l'ait déjà reconnu, ce qui ouvre la porte à une censure express.

Quelle a donc été la réaction des hommes politiques? Comme on pouvait s'y attendre, on a entendu un chœur incluant l'ensemble de la classe politique pour vouloir un nouveau moratoire. Les Verts, accompagnés de toutes les associations écologistes, ne pouvaient pas passer à côté de cela, l'opposition farouche aux OGMs étant une des bases idéologiques du mouvement. Le PS et son candidat, François Hollande, ne furent pas en reste. Quant au gouvernement, profitant d'un déplacement à vocation agricole, il disait qu'il reste encore trop d'incertitudes sur les conséquences pour l'environnement — on aurait aimé savoir lesquelles — et Nathalie Kosciusko-Morizet se disait plus déterminée encore qu'en 2008 à activer la clause de sauvegarde — on aimerait savoir sur quels éléments. Les politiques ont donc choisi, dans la plus pure tradition française, d'ignorer une décision de justice limitant l'arbitraire gouvernemental. Ils ont aussi choisi d'ignorer l'ensemble des études scientifiques sur le MON810 et ont invoqué de mystérieuses incertitudes, un homme politique ne s'abaissant pas à détailler ces points techniques, les faits recelant un grand potentiel de dangerosité pour leur crédibilité. Cependant, on peut parier avec les représentants du secteur que ces menaces seront efficaces.

Quant à la presse, et plus particulièrement le journal dit de référence, Le Monde, nous gratifie d'un article étudiant la possibilité d'un nouveau moratoire. Comme d'habitude sur ces sujets, la possibilité que le maïs MON810 ne soit pas dangereux n'est pas évoquée. On se contente de citer les attendus du jugement et sa formulation négative selon laquelle le ministre n'a pas apporté la preuve de l'existence d'un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l'environnement. Au contraire, une large place est laissée aux membres des associations d'opposants aux OGMs, pour lesquels cette dangerosité ne fait aucun doute, réclamant encore et toujours que les études soient faites et refaites. Ils sont toutefois bien embêtés, car il est évident qu'aucune évaluation des risques, même totalement bidon, ne pourra être menée dans les temps et que la consultation de la Commission européenne va encore rallonger les délais. Pour dire les choses clairement, ce journal fait l'économie de rapporter complètement les faits pour donner une perspective totalement biaisée. Aucune question n'a été posée à un homme politique sur la façon de procéder pour activer correctement la clause de sauvegarde et sur quels faits elle va se baser. Les ministres se sont aussi vus épargner la peine de répondre à une question sur l'indigence de la justification de l'activation de la clause de sauvegarde de 2008, qui rendait inéluctable la décision du Conseil d'État.

Une fois de plus, on ne peut que constater le manque de sincérité des politiques et l'absence de tout rapport honnête aux faits dans la presse. Il a été dit que la France était une société de défiance. Vraiment, on se demande pourquoi.