Conséquences à long terme de Fukushima
Par proteos le 23 décembre 2011, 00:40 - Divers - Lien permanent
Le 16 décembre, le gouvernement japonais a annoncé que la centrale de Fukushima Daiichi était en «arrêt à froid». L'eau à l'intérieur du réacteur est à moins de 100°C depuis septembre dernier, mais les problèmes techniques dans le traitement de l'eau et, certainement aussi, la prudence du gouvernement japonais ont retardé l'annonce officielle. Les rejets à l'extérieur de la centrale seront à l'avenir minimes; à partir de maintenant, il s'agira surtout de commencer à démolir la centrale, ce qui prendra du temps: à 3-Mile Island, on avait attendu 6 ans avant de récupérer la charge d'uranium qui avait partiellement fondu.
Dans la foulée, le gouvernement japonais a annoncé des modifications importantes pour les zones d'évacuation. Dorénavant, les zones ne seraient pas principalement basées sur la distance à la centrale, mais sur l'importance de la radioactivité. Les zones où la dose est inférieure à 20mSv/an seront habitables immédiatement, celles où elle est de moins de 50mSv/an devront subir des travaux de décontamination, celles où elle est supérieure à 50mSv/an resteront inhabitées. Des mesures de radioactivité ont été régulièrement effectuées, ce qui a permis l'élaboration d'une carte (si vous tombez sur une page semblant expliquer les précautions à prendre, après l'avoir lue attentivement, vous signifierez votre accord en cliquant, en bas de la page, sur le bouton de gauche marqué 同意する — «d'accord»).
La carte donne le débit de dose horaire, avec des intervalles donnés dans le cartouche à droite. On peut voir sur cette carte que les retombées sont concentrées sur un panache orienté vers le nord-ouest, une zone relativement peu peuplée, puisqu'il s'agit essentiellement de la chaîne de montagnes côtière. Il n'y a pas de données présentées pour les 10 premiers km autour de la centrale, mais on peut supposer que les retombées — et donc la radioactivité — y sont importantes et qu'elle sera pour la majeure partie inclue dans la zone inhabitée.
Pour effectuer son décompte de dose annuelle, le gouvernement japonais compte sur une personne qui passe 8h à l'extérieur, où le débit de dose est celui donné par les couleurs de la légende à droite et 16h à l'intérieur, où le débit est estimé à 40% de celui à l'extérieur. C'est ainsi qu'un débit de dose de 1µSv/h donne environ 5mSv/an. C'est ainsi que toutes les zones en nuances de bleu ou de vert pourront être réoccupées assez rapidement, la partie en jaune devant faire l'objet de travaux.
En regardant, les communes évacuées, on peut constater que les 3 communes les plus proches de la centrales (Futaba, Okuma et Namie) comptaient environ 40k habitants avant le séisme, que les communes dans la zone qui doit subir des travaux (Iitate, Katsurao, Tomioka) comptaient 20k habitants. À terme, ce sont donc la moitié des 80k évacués qui vont pouvoir revenir s'ils en ont le désir.
Quant aux personnes travaillant à la centrale, environ 100 personnes ont dépassé le seuil des 100mSv et 6 celui des 250mSv, les décès prévisibles de ce fait sont donc limités à quelques unités. Il n'y a pas eu d'autres décès liés à l'accident autres que les 2 noyades causées par le tsunami. Du fait de la distribution de pastilles d'iode et de la faible consommation de lait au Japon, les conséquences parmi la population seront limitées à l'évacuation.
Ainsi, on peut dire que l'accident nucléaire de Fukushima montre que l'industrie nucléaire ne présente pas un grand risque sanitaire pour les populations: les décès à prévoir sont minimes. Par contre, les mesures de précaution sont contraignantes et onéreuses avec l'évacuation, même temporaire, de dizaines de milliers de personnes en cas d'accident grave. Les dégâts économiques sont graves: les réacteurs sont chers à construire, un accident rend inutilisable celui qui en est victime et empêche au surplus de réutiliser le terrain pendant plusieurs dizaines d'années.
Commentaires
Si on compare avec le tsunami et ses conséquences (hors nucléaires évidemment) l'accident de Fukushima aura un bilan humain environ 10 000 fois plus faible (voire nul) mais un coût économique aussi voire plus important....
Les dégâts économiques du tsunami sont très importants. Sur une bonne centaine de km, toutes les infrastructures et habitations côtières ont été détruites. Cela inclut par exemple la raffinerie de Sendai; une raffinerie doit coûter pas loin de 1G€ à l'heure actuelle.
Mais c'est vrai que si on inclut l'arrêt de tous les réacteurs nucléaires au Japon, les dégâts économiques du seul accident de Fukushima sont très importants.
Les irradiés japonais vont voir en réalité leurs chances d'avoir un cancer réduites...
http://www.europeanenergyreview.eu/...
Rouget,
comme vous renvoyez vers un site où il faut s'identifier et que je suis flemmard, parlez-vous des observations récentes de réparation d'ADN sous faible irradiation?
Pour ceux qui est des faibles irradiations, le cas de Tchernobyl montre des phénomènes qui sont difficilement réconciliables avec les données des retombées des bombes nucléaires. Par exemple, on attendait un pic de leucémies qui ne s'est toujours pas produit. Mais de toute façon, le modèle linéaire sans seuil prédit un très faible nombre de cancers parmi le public à Fukushima. C'est quasiment indétectable.
Par contre pour ceux qui ont travaillé à la centrale et qui ont reçu plus de 100mSv, c'est sur une courte durée et ils courent un faible risque.
Proteos,
Effectivement il faut s'inscrire. Je l'ai oublié car il suffit de s'inscrire à la newsletter pour y avoir accès. Dans son ensemble le site vaut le coup : peu d'articles mais toujours de bonne tenue.
L'article est excellent : accessible, référencé et passionnant.
On y apprend de nombreuses choses notamment comment la LNT (linear no-threshold model) est calculé pour être conservateur, qu'une étude sur les liquidateurs montre qu'ils ont connu 20% de moins de cancer que le reste de la population, etc. Mais surtout il traite de de l'hormésis et ses derniers développements, notamment son rôle dans le cancer, dans l'irradiation mais pas seulement (l'oxygène notamment). Un indispensable.
L'expérience du Berkeley Lab vient approfondir le sujet en donnant les mécanismes qui permettent aux cellules de se reconstruire. L'article l'évoque, le papier du BL poursuit les découvertes : la science avance.
En conclusion l'auteur aborde la radioprotection et ses conséquences pour l'industrie nucléaire.
PS: Mon message sur le billet du démantèlement n'est pas passé et pourtant il est complémentaire du votre.
Pour les commentaires qui ne passent pas, j'ai un problème avec l'anti-spam bien trop sévère. Il va falloir que je regarde ça plus sérieusement.
Rouget,
j'ai lu l'article que vous recommandiez. C'est une bonne défense de l'hypothèse de l'hormèse causée par de faibles irradiations. Cela dit, la sévérité de l'hypothèse généralement utilisée en radioprotection, le linéaire sans seuil, se comprend bien: dans une centrale, la radioactivité se doit d'être concentrée dans le cœur du réacteur, là où elle est utile, pas ailleurs. Les employeurs cherchent aussi à se couvrir contre toute accusation de mise en danger de la vie des salariés, c'est le cas aussi dans d'autres industries comme la chimie.