Pourquoi je ne voterai pas pour Nicolas Sarkozy
Par proteos le 30 mars 2012, 22:14 - Politique - Lien permanent
Alors que les élections approchent, il faut se faire un avis sur les différents candidats, si possible raisonné. Nicolas Sarkozy est un de ceux pour lequel on peut avoir un des avis les plus informés, puisqu'il est au pouvoir depuis bientôt 5 ans. Son action passée permet de se faire une idée de ce à quoi s'attendre s'il reste Président de la République ces 5 prochaines années. En l'occurrence, cela semble suffire, il n'a pas jugé bon de publier un début de plateforme électorale.
Contrairement à ce que voudraient faire croire ses détracteurs, il n'a pas fait acter que des mauvaises choses. La meilleure mesure qu'il ait faite passer est sans nul doute la réforme constitutionnelle de 2008. La question prioritaire de constitutionnalité est déjà un instrument qui permet aux gens de faire valoir leurs droits de façon efficace; le reste de la réforme étant soit des ajustements bienvenus, soit a priori peu néfastes. Le seul point qui pose problème est l'apparition de propositions de lois venant de ministère que le gouvernement ne veut pas faire passer au Conseil d'État ou assumer publiquement en Conseil des Ministres. Parmi les autres points positifs, on peut mettre à son crédit la réforme des universités: l'autonomie qu'il donne va conduire à des résultats divers, mais généralement favorables. L'obligation de négocier et de se déclarer pour les grévistes dans les transports publics va aussi dans le bon sens, même si ça na rien à voir avec le terme de service minimum que Sarkozy a voulu coller sur cette mesure.
Il a aussi pris de mesures qui lui étaient plus ou moins imposées par la situation. C'est le cas de l'adoption du Traité de Lisbonne. Il s'agit ni plus ni moins que de l'adoption du plan B de Laurent Fabius. Que ce traité n'ait rien de fondamentalement différent de celui proposé au référendum en 2005 ne fait que révéler la colossale arnaque que fut la campagne du non
. L'adoption de ce traité n'en est pas moins une défaite démocratique: on a proposé au vote un traité sans qu'il y ait en fait une véritable alternative, le statu quo ayant été reconnu comme intenable et conduit, justement, au traité de 2005. Il a réformé les retraites dans le sens nécessaire mais seulement sous l'effet de la crise et après avoir pris une mesure néfaste de relèvement du minimum vieillesse. Son action dans la crise financière s'inscrit dans cette lignée: le gouvernement a fourni de l'argent aux banques sans prendre de participation au capital, mais cela n'aurait pas été très pratique pour les banques mutualistes qui représentent une part importante du secteur. Le plan de relance ne mérite pas d'être conspué, il était relativement classique et avait l'avantage de pouvoir s'inverser à terme de façon naturelle, ne comprenant pas trop de mesures de dépenses permanentes.
J'ai plus de mal à me faire une idée sur la modification de la taxe professionnelle, désormais découpée en plusieurs parties, dont celle portant sur les immobilisations non immobilières est plafonnée à 1.5% de la valeur ajoutée. C'est favorable à l'investissement en France mais rend les collectivité locales encore plus dépendantes de l'état et ne facilite pas la compréhension de la fiscalité locale. De même la création du conseiller territorial, croisement entre le conseiller général et régional, est difficile à évaluer, même si cela peut en partie être une solution — quoiqu'improbable — au problème de l'enchevêtrement des responsabilités des collectivités locales.
Il y a aussi des ratés qu'il est difficile de lui imputer, comme l'échec de la taxe carbone, retoquée par le Conseil Constitutionnel en des termes qui la rendent impossible avant 2013.
Mais il y a surtout des échecs et des discours qui sont néfastes. Il n'a pas fait grand chose sur la question du contrat de travail, sauf accepter la rupture conventionnelle. Il n'a pas non plus pris de mesures de libéralisation pouvant amener plus de croissance. L'exemple le plus patent de cela est l'épisode de la commission Attali et plus particulièrement ce qui concerne les taxis. Alors qu'il existait divers moyens, du rachat des licences à leur distribution gratuite à tous ceux qui en demandait une, le gouvernement a choisi de renoncer très rapidement. La réforme des régimes spéciaux de retraites est aussi en trompe l'œil, ils resteront éternellement plus favorables que le régime des fonctionnaires, sans parler du privé, et a été achetée au prix de concessions qui effacent une grande partie des gains.
Il a aussi, de façon plus anecdotique, supprimé la publicité sur les chaînes de télévision publique en compensant cela par une hausse de la redevance et des taxes sur les opérateurs téléphoniques, qui n'ont rien à voir avec cela. Le gain pour les spectateurs est proche de 0, la télévision a fait dans le passé la preuve qu'il est possible de la financer uniquement par des recettes publicitaires. Ce n'était que la première mesure d'une longue liste de mesures imbéciles sur le sujet d'Internet. Sous le gouvernement Sarkozy, on aurait dit que ce n'était qu'un instrument qu'il fallait régenter et taxer d'urgence, alors même qu'il s'agit d'un des principaux domaines de développement économique potentiel. Les mesures allaient toutes dans le même sens: favoriser les acteurs déjà en place au détriment des nouveaux venus. Ainsi, la loi Hadopi a pour but de préserver les revenus de l'industrie du divertissement par des moyens disproportionnées de flicage, aucun frein n'est mis à la frénésie taxatrice de cette industrie. La loi LOPPSI contenait diverses mesures pour faciliter le travail de la police et aussi exclure la revente de billets. La taxation des entreprises opérant sur Internet a paru aussi être un sujet de préoccupation majeure, alors qu'elles peuvent facilement localiser leurs recettes où bon leur semble.
Son action sur le plan fiscal, mis à part la réforme de la taxe professionnelle, a été généralement néfaste, surtout en ce qui concerne la taxation des ménages. La loi TEPA n'a quasiment consisté qu'en des mesures nuisibles. Il a créé des impôts improbables, comme sur les crustacés et les poissons. Cette tendance a continué jusqu'à la fin de ce mandat, avec la TVA sociale.
Il y a ensuite le pire de son action, sur les étrangers et la justice. Il a passé son temps à tenir un discours xénophobe de façon plus ou moins claire, avec des «débats» exutoires qui n'ont mené à rien. Associées à ce discours sont donc venues des mesures de plus en plus dures envers les étrangers, l'action administrative étant à l'avenant: les formulaires dans ce domaines sont sans doute les seuls à ne pas être disponibles sur Internet, de longues queues se créent pour accéder à certaines préfectures. Je considère qu'il s'agit d'une véritable faillite de l'administration. J'ai déjà écrit sur le discours et l'action vis à vis de la justice, mais on peut dire que la tactique du toujours plus de répression a échoué et n'a fait qu'aggraver les maux dont souffre la justice en France.
Pour finir, je juge que le Grenelle de l'Environnement est une catastrophe. Les seules mesures positives dont j'ai connaissance portent sur l'isolation des logements, politique poursuivie depuis les années 70. Et encore celles-ci vont-elles peut-être trop loin, rendant les logements neufs peu compétitifs face à l'ancien. Avec le Grenelle de l'Environnement, le gouvernement a de fait invité les associations écologistes dans le processus de décision. Mais cela ne peut déboucher que sur un blocage, car elles n'ont aucun intérêt à faire des concessions sur quoique ce soit. Un exemple typique porte sur l'électricité hydraulique, dont il est supposément question d'augmenter de 3TWh la production. Or, il s'avère qu'on va surtout démolir des barrages, comme le montre l'exemple de la Sélune. Encore plus scandaleuse a été l'action sur les OGMs, où le gouvernement a interdit l'utilisation du MON810 en prétextant du principe de précaution, alors que tout pointe vers un bénéfice global. De fait, ce gouvernement refuse les innovations techniques et la préservation de certaines installations pourtant nécessaires à la croissance. Seul le nucléaire y a échappé, sans doute à cause de son importance dans le mix énergétique français. Je doute donc que la politique menée pour augmenter l'activité économique à long terme donne beaucoup de fruits.
Bref, le bilan du mandat de Nicolas Sarkozy me semble négatif. Voter pour lui en 2007 relevait d'un pari: qu'au pouvoir, il laisse de côté son discours xénophobe et sécuritaire, tout en reprenant le discours de réformes économiques tenu un instant lors du quinquennat de Jacques Chirac. Ce pari, il faut bien le dire, a été largement perdu. Pour sa campagne de réélection, il a de nouveau choisi un discours xénophobe et sécuritaire, mais cette fois-ci plus un signe réel de ce qu'il voudrait faire sur le plan économique, mis à part courir sus à des catégories marginales de la population, comme les exilés fiscaux. Il faut dire qu'il va s'agir de couper dans les dépenses et d'augmenter les impôts, ce qui n'est guère populaire. Alors, vraiment, je ne vois pas de raison d'aller voter pour Nicolas Sarkozy.
Commentaires
Je partage à peu près toutes les remarques
Le problème est que notion de bilan mise à part (ce qui n'est pas rien), on se retrouve à n'avoir sérieusement envie de voter pour personne
Ce matin, sur France Culture, dans l'esprit public, Sylvie Kauffmann du Monde a dit qu'une étude du CEVIPOF prévoyait une abstention inhabituelle parmi les "classes moyennes supérieures" pour cause d'offre insatisfaisante. Je dois dire que ça ne m'étonne pas, c'est l'aboutissement d'un long processus d'insatisfaction chez des gens informés mais sans allégeance partisane produit par des discours n'ayant aucun égard pour les faits.
Un fait saillant de cette élection présidentielle, c'est qu'il n'y a plus vraiment une trace de libéralisme chez aucun candidat. Non que ce courant ait jamais eu un grand succès récemment en France, mais c'est significatif.
Je partage à peu près toutes les remarques sauf deux :
1. «on peut mettre à son crédit la réforme des universités: l'autonomie qu'il donne va conduire à des résultats divers, mais généralement favorables.»
Ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout ce que dit le milieu universitaire, qui dénonce au contraire des réformes qui pose en principes :
-> la concurrence là où le système a avant tout besoin de coopération : quiconque connait un minimum la manière dont fonctionne la recherche sait que la coopération entre labos est au moins aussi importante que la compétition. Toutes deux n'interviennent pas au même moment du processus de recherche, et privilégier l'une dans les phases où l'autre est plus efficace est contre-productif, et c'est pourtant ce que les réformes récentes mettent en place.
-> un utilitarisme à tout crin là où il aurait besoin d'un mix équilibré entre recherche fondamentale et recherche appliquée (le pire, c'est que pour exister, la seconde a besoin de la première !). La présentation toute récente de Tara Océans par Oceanomics, totalement orientée promesses d'applications futures et occultant totalement le volet connaissances du projet (pourtant très important), en est un exemple symptomatique.
2. Le Grenelle de l'environnement.
Que du point de vue des journalistes ou des écologistes politiques, ce processus puisse finalement apparaître comme un échec, je peux le comprendre. Les décisions que ce gouvernement a prises ou même proposées suite au Grenelle (à part peut-être feu la taxe carbone) n'ont jamais été à la hauteur de l'enjeu.
Mais ce que ces commentateurs et autres faiseurs d'opinion semblent ignorer, c'est que ce processus a lancé une vague de fond dans les entreprises sur le sujet. Aujourd'hui, il n'existe pas d'entreprise un tant soit peu importante qui n'ait sa direction du développement durable, située au même niveau hiérarchique que, par exemple, la direction des systèmes informatiques ou des ressources humaines, et au sein de laquelle on discute concrètement des questions d'impact carbone, de volumes de déchets, de consommation d'énergie et de ressources. C'est certes une conséquence que n'attendaient sans doute pas les initiateurs du Grenelle de l'environnement, mais c'en est une conséquence directe malgré tout. Et comme toutes ces questions sont des questions de fond qui ne peuvent se résoudre en deux temps, trois mouvements, que le Grenelle ait suscité ce mouvement ne peut qu'être apporté au crédit de ses initiateurs.
Pour terminer sur un 3ème point, il me semble qu'il manque quelque chose à la liste que propose ce billet : la réforme de la formation des enseignants appelée «mastérisation».
Même si elle partait d'un principe qui semblait assez généreux, elle s'est révélée être une véritable catastrophe, non seulement du fait de la manière dont elle a été mise en œuvre, mais même du fait de son principe (en l'occurrence, obliger les candidats à faire 2 années d'études supérieures valorisables uniquement dans le secteur éducatif, avec le risque d'être retoqué de ce secteur par le concours d'entrée que l'on passe en fin de cursus, le tout pour un salaire futur très inférieur aux emplois proposés à qualification équivalente dans le secteur privé).
Le nombre de candidats aux concours d'entrée s'est littéralement effondré suite à cette réforme, au point d'être devenu inférieur aux besoins de renouvellement de postes dans certaines matières, par exemple en mathématiques ou en sciences physiques (et ce, malgré le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux !) Quant aux jeunes reçus, à peu près tous dénoncent leur absence quasi totale de formation et leur désemparement face à la fois aux objectifs exigeants que l'administration leur fixe et à un public objectivement difficile. Or c'est de la formation initiale (collège et lycée) de tous nos enfants dont nous parlons ici...
Hollydays,
Tout d'abord, j'ai forcément oublié plein de choses qui se sont passées ces 5 dernières années.
L'indépendance des universités ce n'est pas que de la concurrence. C'est aussi faire en sorte qu'elles puissent avoir plus de liberté dans leur offre de formations ... ce qui peut aussi leur apporter des financements. Actuellement, bon nombre de lycée offrent des formations continues financées entièrement par des associations professionnelles qui sont très heureuses de trouver là un moyen de former des salariés. C'est une pompe à finances pour ces établissements et permet de financer des achats divers, mis sur le compte de ces formations, mais qui servent à tout le monde. Ça me semble particulièrement important en France, où une bonne part de la recherche a lieu ailleurs que dans les universités.
La concurrence est aussi un fait qui apparaît automatiquement dès qu'il y a plusieurs universités en France. La concurrence n'a jamais aussi totalement exclu la coopération: des entreprises peuvent coopérer sur certains domaines mais se faire concurrence ailleurs. Qu'ils le veuillent ou non, les chercheurs sont en compétition entre eux et avec d'autres domaines pour l'obtention de fonds publics limités. Ce qu'il faut faire c'est mettre en place des critères les moins idiots possibles. Si elles le veulent vraiment, les universités peuvent coopérer entre elles, je ne pense pas qu'on le leur interdise: il ne tiendrait qu'aux gens à la base à s'organiser dans ce sens pour présenter des dossiers clefs en mains, surtout dans les domaines où ils se connaissent. Je pense que c'est possible à partir du moment où il y a une certaine indépendance institutionnelle et une volonté de trouver des accords de la part des profs et des chercheurs.
Pour ce qui est du Grenelle de l'Environnement et des directions "développement durable", il y a 2 aspects. Le premier: quels résultats? Quand on voit qqn comme Fatih Birol de l'AIE dire qu'il ne voit aucune entreprise ne changer de comportement suite aux négociations internationales, il faut bien se dire que le cadre légal a un impact très fort en effet. Mais par exemple, les tarifs de rachats de l'électricité ont été actés il me semble à la fin du quinquennat de Chirac. Le 2e point c'est que le prix des matières premières a beaucoup augmenté en 10 ans, c'est devenu un véritable enjeu de les économiser dans l'industrie. Bref, je me demande si le Grenelle est pour qqch dans tout cela. Et puis les grands groupes sont aussi les premiers à aller investir dans les pays émergents, en partie à cause des réglementations plus laxistes là-bas.
Ce qui me pose réellement problème, ce sont les objectifs poudre aux yeux qu'on s'est fixés tout en faisant tout pour qu'ils ne se réalisent pas. On détruit des barrages mais on veut plus d'hydroélectricité. On veut moins de pesticides mais on interdit le MON810 et les OGMs en général, etc.
«Qu'ils le veuillent ou non, les chercheurs sont en compétition entre eux et avec d'autres domaines pour l'obtention de fonds publics limités. Ce qu'il faut faire c'est mettre en place des critères les moins idiots possibles. Si elles le veulent vraiment, les universités peuvent coopérer entre elles, je ne pense pas qu'on le leur interdise: il ne tiendrait qu'aux gens à la base à s'organiser dans ce sens pour présenter des dossiers clefs en mains, surtout dans les domaines où ils se connaissent.»
Ben justement, les critères se révèlent inadaptés. Par exemple, ils sont très orientés applications assez proches (dans le temps), ce qui fait que par exemple, les labos, pour pouvoir financer un projet dont ils savent qu'il ne pourra pas durer moins de 5 ou 6 ans, sont aujourd'hui obligés de construire un dossier sur un (voire plusieurs !) projet déjà très avancé et proche de l'aboutissement, sachant pertinemment que le projet bien avancé n'a pas besoin de cet argent, et que celui-ci va en fait servir à financer le nouveau projet à peine démarré, pour lequel on ne sait pas encore quelles applications on trouvera à l'avenir, et donc, dont on sait d'avance que le financement serait refusé, parce qu'il ne rentre pas assez bien dans les cases. (Du coup, c'est malhonnête, car on ment au bailleur de fonds !)
Ensuite, ces critères montrent clairement que le politique cherche systématiquement à contrôler l'orientation de la recherche, plus encore que l'enveloppe de son financement. Or l'expérience a montré à d'innombrables reprises que les résultats de projets dans des secteurs a priori peu porteurs se sont révélés absolument indispensables pour mener à bien d'autres projets dans des secteurs bien plus porteurs (ou ont eu des applications inattendues et extrêmement utiles à la société). Ainsi fonctionne la recherche. Il serait bien plus efficace d'attribuer des enveloppes globales à la recherche publique et de laisser celle-ci les gérer en se contentant de faire des contrôles a posteriori, que de contrôler à ce point la manière dont chaque euro sera dépensé (au passage, toutes ces procédures administratives de contrôle, cela consomme aussi beaucoup d'argent, qui ne sert pas à financer aucun projet proprement dit, mais qui est quand même compté dans le budget de recherche !)
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«Pour ce qui est du Grenelle de l'Environnement et des directions "développement durable"»
Sur l'aspect légal et réglementaire, je suis d'accord avec vous. Le résultat est plutôt mince. Si une taxe carbone progressive dans le temps avait été instituée, ou si un programme massif d'isolation du bâti ancien avait été enclenché, on aurait pu considérer que, tous comptes faits, le quinquennat n'avait pas été totalement perdu. Mais à la décharge de Sarkozy sur la question de la taxe carbone, le PS et les écolos ont été d'une irresponsabilité monstrueuse, et le Conseil d’État politicard comme on l'a rarement vu (les raisons qu'il a invoquées pour la retoquer ne tenant pas 2 secondes à l'analyse). Quant à la question de l'isolation, le gouvernement a choisi la facilité en se focalisant sur le bâti nouveau alors que de telles mesures ne concernent qu'une toute petite partie du bâti (ah, la tyrannie de la visibilité des décisions !).
Sur l'aspect des entreprises, comme je le disais précédemment, c'est un mouvement largement invisible, et pourtant indispensable. Beaucoup plus d'entreprises qu'on ne le croit sont prêtes à un changement d'ampleur sur ces questions, même si pour l'instant, elles doivent toujours fonctionner avec les règles en vigueur, ce qui, au demeurant, ouvre la porte à nombre de comportements schizophrènes, ou, au mieux, à une contradiction flagrante entre les discours et certains actes (ce qui nous ramène à l'impact très fort du cadre légal, comme vous dites, qui, seul, sera à même de réduire ces grands écarts).
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«Ce qui me pose réellement problème, ce sont les objectifs poudre aux yeux qu'on s'est fixés tout en faisant tout pour qu'ils ne se réalisent pas.»
C'est l'autre face de la démocratie d'opinion. Comme la population veut un peu de vert mais pas trop (en fait, pas à une échelle à partir de laquelle ça pourrait commencer à compter), nos dirigeants ont tendance à faire la même chose. Tocqueville l'écrivait déjà il y a 170 ans : le système démocratique a tendance à rendre myope, et à faire privilégier le confort et les plaisirs de court terme à la résolution de problèmes de long terme ; et il a tendance à faire privilégier les résultats faciles et immédiats à la réflexion lente et profonde.
Les journalistes grand public ont aussi leur part de responsabilité. Ainsi, par exemple, ils ont eux aussi descendu la taxe carbone sans informer correctement sur cette question (je me suis fait une revue de presse le jour où le projet du gouvernement est sorti, la mal-information voire la désinformation que j'y ai trouvée était impressionnante !) ; ils persistent à résumer la question de l'énergie à celle du nucléaire (alors que l'énergie est derrière tous les circuits économiques, et aussi que l'énergie ne se résume pas à l'électricité, loin s'en faut) ; ils persistent à ignorer les questions de pic pétrolier (et lorsque des gens informés et reconnus pour leur expertise du domaine essaient d'informer le grand public, ils se font barrer la route par la presse, cf. par exemple la tribune récente de Pierre-René Bauquis, Yves Cochet, Jean-Marc Jancovici, Jean Laherrère, Yves Mathieu sur http://www.lemonde.fr/idees/article... que la rédaction du Monde a refusé de publier dans le journal papier, au motif que ce sujet «n'est pas au cœur de l'actualité»...) ; etc.
Je serai moins sévère que vous sur le conseil constitutionnel. En effet, il n'y connaît rien en matière économique, mais l'argument qu'il faille que tout le monde paie un peu a un peu de poids. Mais avec la décision qu'ils ont prise, la taxe carbone peut revenir en 2013: ce n'est peut-être que partie remise.
Quant aux objectifs contraires aux actes, ça va plus loin que la simple myopie et de la préférence pour le loisir. La désinformation a un plus grand rôle, mais le problème est aussi l'idéologie des intervenants qui mène au résultat inverse à celui souhaité, associé à un refus de voir la réalité. Et ce n'est pas limité aux écolos: si le gouvernement avait voulu des OGMs, il aurait pu les laisser se développer et pourchasser les vandales. Mais non.