Le 6 avril dernier, le gouvernement a dévoilé les résultats de l'appel d'offres sur les premiers champs d'éoliennes en mer. Cette annonce a été précédée de fuites dans la presse sur l'avis que donnait le régulateur: tout confier au consortium emmené par EDF qui aurait été très offensif sur les prix. Finalement, le gouvernement a choisi d'attribuer 3 des lots à EDF, un autre au consortium emmené par Iberdrola et de laisser un dernier lot sans preneur.

Le gouvernement nous donne la puissance prévue sur chaque champ, le montant total des investissements (7G€), le nombre de gens embauchés de ce fait (10000). Il manque toutefois des informations d'importance: combien cela va-t-il coûter en impôts, en l'occurrence connu comme la Contribution au Service Public de l'Électricité ou CSPE et quelle est la production d'électricité prévue. À peine nous précise-t-on combien aurait coûté l'attribution du lot laissé vacant (500M€) en nous disant que c'était le plus cher. On pourrait estimer la production d'électricité prévue par la donnée du nombre de foyers alimentés par la réalisation de l'objectif de 6GW d'éolien. On peut en inférer que les quantités mises en services permettront une production équivalente à la consommation annuelle de 1.5M de ménages. Dans le bilan énergétique pour 2010, on lit (p49) que la consommation électrique résidentielle est d'environ 170TWh, il y a environ 27M de ménages en France, ce qui mène à un facteur de charge de 54%, totalement incroyable pour de l'éolien. Cela ne fait prouver, s'il en était besoin, que donner les productions électriques en nombre de ménages relève de l'enfumage pur et simple.

Pour obtenir ces renseignements, il faut se tourner vers la presse sans confirmation officielle et donc sans moyen de vérification. Pour des investissements financés par l'impôt, c'est totalement anormal. Toujours est-il que la subvention versée au titre de la CSPE serait de 1.1G€ par an pour les champs totalement construits. À noter qu'un post de Sauvons le climat — qui inspire largement ce billet — donne une subvention de 1.2G€ par an, différente de celle donnée par Les Échos, ce qui montre bien qu'il y a un problème de transparence, même si les ordres de grandeur sont les mêmes. La donnée de cette subvention permet de faire quelques calculs sur le prix de l'énergie produite. La CSPE prélevée est reversée à EDF comme différence entre le prix de l'énergie produite et le prix moyen qu'elle aurait valu sur le marché spot. Le prix moyen sur le marché spot est estimé à un peu moins de 57€/MWh (p9 de l'annexe 1 de la délibération sur la CSPE pour 2012).

Au total, on trouve qu'avec un facteur de charge de 35% — élevé pour de l'éolien — le prix moyen de l'électricité produite pour les lots alloués est de 243€/MWh. Pour le lot laissé sans preneur, il est de 290€/MWh. On peut comparer cela à quelques éléments:

  • Le tarif de rachat donné dans la loi — hors appels d'offres, donc — pour l'éolien en mer est de 130€/MWh.
  • Le tarif de rachat pour l'éolien terrestre est de 82€/MWh pour les installations nouvelles. Le prix moyen pondéré de rachat est de 87€/MWh selon la CRE (p6 de l'annexe sur la CSPE)
  • Selon les chiffres donnés à la Cour des Comptes pour son rapport sur la filière nucléaire (p220), le coût pour l'EPR de Flamanville, reconnu comme étant un échec industriel, est compris entre 70 et 90€/MWh. Contrairement aux éoliennes, il est pilotable et peut tourner à pleine puissance plus de 75% du temps.

Le prix payé est donc 3 fois plus élevé que pour l'éolien au sol ou que l'EPR de Flamanville. Il faut dire que les appels d'offres ne sont pas favorables à la maîtrise des coûts. Il y a aussi régulièrement des appels d'offres pour le solaire photovoltaïque pour des installations supérieures à 100kW. Le dernier a débouché sur un prix moyen de 229€/MWh; le prix officiel du photovoltaïque pour de telles installations est légèrement supérieur à 110€/MWh.

La commission Énergies 2050 attendait une réduction des coûts de l'ordre de 25% d'ici à 2030 (cf annexe, p196), ce qui laisserait l'éolien en mer à des niveaux de prix rédhibitoires. Il vaudrait mieux donc se tourner dorénavant vers d'autres sources d'énergies bien plus fiables et ne produisant pas de gaz à effet de serre, comme le nucléaire ou même ne continuer qu'avec l'éolien au sol. On peut même s'interroger s'il ne vaudrait pas mieux dépenser 1.1G€ de subventions annuelles sur d'autres secteurs que l'électricité pour réduire les émissions de CO₂. En dehors du manque de transparence du secteur, il faut bien constater que les prix de l'énergie produite sont affolants. Par dessus le marché, cela concerne des moyens de productions inutiles en France, où la production d'électricité est largement décarbonnée: mieux vaudrait réserver l'argent public à d'autres actions, immédiatement efficaces dans la réduction d'émissions de CO₂.

Ajout du 14 mai 2012: La CRE a publié sur son site son avis début mai. Il en ressort qu'il est prévu un facteur de charge de 40% et que le prix soit d'environ 228€/MWh dont 162€/MWh de subvention.