Envoi au congélateur
Par proteos le 6 février 2013, 23:16 - Politique - Lien permanent
Ce jeudi 31 janvier venait en discussion une très prévisible proposition de loi écrite par le groupe écologiste à l'Assemblée Nationale. Il y était donc prétendûment question de faire jouer le principe de précaution en matière d'émission d'ondes électromagnétiques.
On a déjà abordé la question dans le passé, on peut résumer la situation ainsi:
- Il existe une recommandation internationale qui donne comme limite une superbe formule croissante dans la zone de fréquence du GSM de 61V/m à 137V/m puis constante au-delà, zone où on trouve notamment les bandes de fréquence du Wifi. À 900MHz, bande de fréquence originelle du GSM, la recommandation est de 90V/m. La recommandation est fixée en estimant la densité d'énergie du champ pour augmenter la température du corps de 1°C, puis divisée par un facteur 50 (p16).
- la réglementation française fixe des seuils encore plus bas, puisqu'ils représentent moins de 50% de la recommandation en termes de champ électrique — donc 4 fois moins en densité d'énergie. À 900MHz, le champ maximal autorisé est d'environ 41V/m.
- des mesures effectuées en Angleterre n'ont jamais réussi à détecter plus de 0.2% de la recommandation en densité d'énergie.
- par contre les téléphones portables peuvent émettre nettement plus, jusqu'à 50% et plus de la recommandation, comme on peut le constater avec les informations données par les fabricants. Mais il s'est avéré extrêmement difficile de démontrer un effet nocif de l'usage intensif du téléphone portable du fait du rayonnement électromagnétique: dans mon post sur le sujet, j'avais pu estimer le pire cas à 60 cas de cancers par an.
- le rapport de l'ANSES de 2009 ne laissait aucun doute sur le fait que les fameux électro hypersensibles relevaient de la psychiatrie. On trouve ainsi dans l'avis le passage suivant (p13):
les seuls résultats positifs obtenus à ce jour sur le plan thérapeutique sont ceux obtenus par des thérapies comportementales ou des prises en charge globales
- ce même avis se montrait surtout préoccupé par les téléphones et pas du tout par les antennes. Quant à la réduction de l'exposition, c'était le service minimum: il estimait
que dès lors qu’une exposition environnementale peut être réduite, cette réduction doit être envisagée
.
Les écologistes ont profité de leur niche parlementaire pour déposer une proposition de loi sur ce sujet. Étant donné l'utilité réelle de ces niches, qui servent à donner des gages à son électorat quand on n'est pas le parti majoritaire, ils ont, comme prévu, abordé tous les sujets sans impact sur la santé — les antennes, le Wifi, les électro-hypersenibles — et ignoré le seul qui aurait à la rigueur mérité qu'on y passât 5 minutes — le téléphone lui-même. Ce n'est pas un hasard, puisque la partie la plus bruyante de leur électorat n'est absolument pas préoccupée par le combiné, mais veut surtout disposer d'armes juridiques pour s'opposer à l'implantation d'antennes. Ainsi, on aurait obligés les opérateurs à une tracasserie administrative de plus — une étude d'impact — dont on se doute que la non-réalisation ou une réalisation en dehors des formes aurait valu annulation du permis de construire. Ou encore à une baisse du champ maximal autorisé à 0.6V/m — valeur déterminée de façon arbitraire, c'est 1/100e du champ maximal autorisé au delà de 2GHz — obligeant à la multiplication des antennes et, incidemment, à une augmentation des émissions des téléphones. Pour finir, on voit bien quel potentiel peut offrir la reconnaissance du trouble des électro-hypersensibles ainsi que la désignation d'une cause officielle, totalement disjointe de celles déterminées par la science. Les écologistes pouvaient compter sur leurs relais habituels pour faire connaître leur action, aidé en cela par les caractéristiques de l'histoire qu'on peut raconter: un procédé technique mystérieux car invisible, des morts insaisissables mais des malades très visibles, un document à charge sorti opportunément, des industriels forcément mus par leurs seuls intérêts financiers repoussant d'un revers de main les arguments d'activistes bien organisés mais sans gros moyens autres que symboliques.
Lors du débat, les défenseurs de la proposition se sont reposés sur des topos de l'écologie politique ainsi que sur des déformations de faits relevés ailleurs, au grand dam de l'auteur d'un rapport sur la question. Les autres parlementaires semblèrent, en gens de bonne compagnie, presque s'excuser de vouloir vider la proposition de son contenu, ne se laissant aller à des piques qu'à quelques moments comme lorsqu'on demanda à l'auteur de la proposition si elle possédait un téléphone portable. Mais, plus que les mots de la ministre, ce qui montre l'attitude du gouvernement envers cette proposition, c'est que le groupe socialiste, certainement en toute indépendance, a déposé à la dernière minute une motion de renvoi en commission, équivalente à un renvoi au congélateur. Cette mauvaise façon a permis d'abréger les débats et de montrer que, finalement, mieux valait subir jusqu'au bout l'obstruction clairement affichée de l'opposition et appuyée dans l'hémicycle sur des arguments douteux sur un autre sujet que les complaintes des écolos et leur opposition à ce qui est, sans doute, une des plus utiles inventions des 25 dernières années.
Commentaires
Je ne comprends vraiment pas l'approche du principe de précaution des anti-Wifi/3G/4G concernant les "EHS"...
Puisqu'il y a des gens capables de détecter les ondes "transportant de l'information", la chose évidente à faire est de les identifier. Il faut faire un grand casting national pour les trouver, et alors personne ne pourra plus nier l'électro-sensibilité. (Tout ça organisé de façon absolument irréprochable sans que les opérateurs puissent mettre le souk, perturber les candidats ou faire je ne sais quoi.)
On a là une hypothèse exceptionnellement facile à tester, donc si on y croit sérieusement, il faut évidemment se donner les moyens de régler cette question.
Il y a assez peu de questions controversées liées à la santé publique qui soit aussi facile à tester en pratique. (On pourrait aussi "facilement" tester les faibles doses de radioactivité sur l'homme en distribuant une source placebo ou une source radioactive à de nombreuses personnes, mais je doute qu'on trouve des centaines de milliers de volontaires pour ce genre d'expérience.)
Concernant l'explication des mécanismes biophysiques des faibles CEM sur les cellules, est-ce que les "anti-CEM-transportant-de-l'information" proposent des réponses claires? Je n'ai pas tellement entendu les Verts demander qu'on fasse de recherche sur ces questions (au contraire des OGM où le principe est de continuer la recherche jusqu'à ce qu'on prouve que les OGM sont tous des poisons).
J'ai lu quelques notions sur ce que les CEM perturbent dans les cellules, mais :
- soit c'est hyper-vague ("communication entre cellules", mais encore?)
- soit le mécanisme d'action des CEM n'est pas décrit, même pas une vague explication (après exposition, l'ADN est altéré, on ne sait pourquoi)
- on ne comprend pas si c'est un effet du champs électrique ou du champs magnétique (même en très basse fréquence, les "anti-ondes" ne l'indiquent pas toujours clairement)
- l'effet n'est pas décrit comme fonction de la fréquence (on ne sait pas à quelles fréquences il se manifeste le plus)
- si l'interaction physique des CEM avec les ions ou des molécules comme H2O est explicable (même si on ne comprend pas immédiatement quelles peuvent être les conséquences biologiques), la nocivité spécifique des ondes "pulsés" (si j'ai bien compris, une onde est dite "pulsée" si sa puissance est une fonction rectangulaire) n'est pas du tout expliquée physiquement ou biologiquement, sauf en disant... qu'une onde EM modulée ou "pulsée" à très très basse fréquence est (est équivalent à?) une onde EM très basse fréquence, ce qui est vraiment très drôle si on généralise l'idée (un clignotant de voiture émettrait donc une onde EM de très très basse fréquence).
Simple-touriste,
pourquoi s'embêter à tout cela? Certains sont convaincus que leurs malheurs viennent des ondes émises par les antennes relais, à partir de là produire un modèle n'est pas nécessaire. Un modèle est nécessaire à partir du moment où vous pensez qu'il y a quelque chose à prouver.
Le fait est d'ailleurs que la radio est connue depuis à peu près un siècle. S'il devait vraiment y avoir des électro-hypersensibles, on en aurait sans doute trouvé parmi le personnel d'entretien des antennes radio...
Juste pour rire :
- charger la vidéo suivante, http://www.youtube.com/watch?v=1i-S...
- se positionner à 22 secondes !!
Quelle cohérence, mais quelle cohérence de la part du type qui déclare en interview : http://www.liberation.fr/evenements...
"C’est lamentable. Des études ont montré que les ondes magnétiques pouvaient représenter un danger pour les plus fragiles, les petits enfants notamment."
C'est le même problème qu'a rencontré Laurence Abeille, auteur de la proposition de loi. En possédant un téléphone portable — et en l'utilisant — ils montrent qu'ils ne sont absolument pas inquiets des effets des ondes électromagnétiques sur leur santé. Le plus drôle dans l'histoire, c'est quand on sait comment ce genre de séquence d'ambiance sont faites. Il a peut-être dû marcher plusieurs fois sur ce pont et mettre son téléphone à l'oreille, même sans coup de fil, bien sûr.
Par contre, Yannick Jadot est un adulte, alors il peut s'en faire un petit, comme on dirait dans certain film.
Mais c'est tout de même dommage que Yannick Jadot ait dû être victime d'une barbouzerie pour qu'on le voie avec un téléphone portable à la TV.
"Le fait est d'ailleurs que la radio est connue depuis à peu près un siècle."
La radio analogique est purement "analogue". C'est une fonction continue. Les anti-CEM expliquent que le continu n'est pas dangereux, mais que le discontinu l'est (en très gros enfin bref c'est ce que j'ai cru comprendre).
En revanche, la télé "analogique" est "numérique" ou plutôt discrétisée. Déjà, le cinéma photographique est un découpage arbitraire du temps, la télé "analogue" est un découpage arbitraire de l'image en bandes horizontales. (Par contre sur un signal N&B, chaque bande horizontale est bien un signal analogue.)
Le signal télé PAL (même d'une image constante) peut faire apparaître des basses fréquences audibles via un câble Péritel non blindé, ce qui est très désagréable.
La signalisation de début de trame et de début de ligne en PAL/SECAM n'est pas un signal analogue à quelque chose, c'est juste un symbole (c'est pourquoi je considère la vidéo analogique comme en partie numérique).
Tout ça pour dire que la vidéo n'étant pas un signal purement analogue, elle pourrait causer des problèmes spécifiques (si on accepte les arguments des anti-CEM, même s'ils sont confus).
L'argument devrait donc être reformulé :
"Le fait est d'ailleurs que la télé radiodiffusée est connue depuis longtemps."
Mais le discours anti-CEM me gène parce qu'il utilise toujours des unités de puissance, tout en expliquant que ce n'est pas l'effet "four MO" qui pose problème, mais l'information transmise. L'information transmissible étant liée à la largeur de bande de fréquence utilisée (ce qui n'est jamais discuté par les anti-CEM), l'information étant codée par des variations en phase ou en amplitude (ou les deux), ce qui n'est jamais discuté...
Si c'est le cas, une norme en V/m ou mW/m² n'a aucun sens!
Les arguments anti-CEM me plongent dans des abîmes de perplexité.