Pour ceux qui l'auraient manquée, il y a en ce moment une offensive médiatique des tenants de l'obsolescence programmée. Une association de consommateurs a publié une brochure prétendant dénoncer cette nouvelle plaie d'Égypte. L'information est relayée sur le blog d'une journaliste consommation du Monde où on apprend que la brochure est largement basé sur un mémoire réalisé dans le cadre d'un Master. L'auteur de ce mémoire était invitée ce matin sur Europe1. Par le plus grand des hasards, c'est aujourd'hui que l'inénarrable Jean-Vincent Placé, auteur d'une proposition de loi sur ce sujet, a posé une question orale accompagnée d'un débat.

Qu'importe apparemment qu'il ait déjà été brillamment démontré que l'obsolescence programmée était un mythe complet, basé au fond sur une théorie du complot, sa propagation est apparemment inarrêtable, les médias en considérant les tenants comme suffisamment crédible pour mériter une large audience. On peut tout de même remarquer une nouveauté: les tenants du concept ne prennent même pas le temps de nous démontrer que les exemples qu'ils prennent relèvent de ce qu'ils dénoncent. Aucune trace d'un tel lien dans la brochure, aucun des exemples ne fait l'objet d'une démonstration pour essayer de démontrer qu'il s'agit d'un acte de conception qui ne fait que réduire la durée de vie du produit. On répertorie juste des pièces d'usure ou pouvant casser et on nous assène quelles ont été placées là de façon à réduire la durée de vie du produit. Même chose dans le mémoire: l'argumentation du billet d'Alexandre Delaigue est rappelée … mais l'auteur s'arrête là. Elle ne tente même pas de réfuter la thèse adverse.

C'est encore plus éclatant lors de l'interview à la radio: elle affirme notamment qu'il est pratiquement impossible de prouver qu'un produit a été conçu pour ne plus fonctionner avant la fin de sa durée de vie «normale». Autrement dit, pour elle, il est impossible de prouver une quelconque application de concept en réalité. C'est fort pratique et c'est une tactique qui relève clairement de la théorie du complot: on ne peut rien prouver puisque c'est un complot très bien organisé. Bien sûr aucun mot sur les nombreuses personnes qu'il faut embaucher pour développer un produit qui se taisent toutes ou n'arrivent jamais à publier une spécification interne où une telle intention est mentionnée. Plus loin, elle prend l'exemple des batteries d'un célèbre smartphone et elle affirme qu'au bout de 400 cycles de charge, elles ne fonctionnent plus. Or le site du fabricant mentionne tout autre chose: au bout de 400 cycles, la capacité de la batterie est réduite de 20%. Elle affirme aussi que le besoin de recharger plus souvent un smartphone qu'un un simple combiné portable, combiné à la limite du nombre de cycles de charge est un exemple de l'obsolescence programmée. Aucun mot sur le fait que la taille de l'écran a augmenté, que la puissance de calcul des smartphones est bien supérieure à celle des simples téléphones. Il est d'ailleurs remarquable que les simples téléphones coûtent nettement moins cher que le célèbre smartphone dénoncé … mais semblent moins populaires. À part cela, on entend Bruce Toussaint introduire l'interview avec tous les poncifs du genre: les appareils modernes qui ne tiendraient que 4 ans alors que ceux de nos ancêtres duraient 10 ans, etc. Aucune mention, bien sûr, de l'augmentation continue de l'âge moyen de certains produits, comme les automobiles. On voit donc la fabrique des nouvelles à l'œuvre: une association fait du lobbying, qui a miraculeusement lieu concomitamment à une offensive politique, elle est reprise par divers média. Si le locuteur est considéré comme crédible ou sympathique, il ne risque guère la contradiction. On imagine bien par contre qu'un quelconque industriel venant se défendre se verrait assaillir de questions et sommé de se justifier. Bref, on nous raconte une histoire avec des bons et des méchants.

Tout ceci ne serait pas très grave si, en agissant de la sorte, les médias ne favorisaient pas de fait une tendance politique qui va dans le sens exactement contraire au but officiellement poursuivi, la satisfaction des consommateurs. En effet, les consommateurs cherchent des produits qui ont un bon rapport qualité/prix et non un produit indestructible. D'ailleurs, les tenants de l'obsolescence programmée ne cessent de prôner un certain nombre de remèdes à implémenter. Il faut que les produits durent longtemps, soient longtemps disponibles dans le commerce, qu'il y ait peu de nouveautés pour éviter l'«obsolescence esthétique» et que les produits soient facilement réparables — par exemple, en remplaçant un simple condensateur pour rallumer sa TV. Le revers accepté est que peu d'innovations technologiques sont introduites. Force est de constater que de tels produits ont déjà existé; l'archétype en est sans doute la Trabant.