Suite aux municipales et au remaniement qui a suivi, Cécile Duflot a choisi de ne pas rester au gouvernement. À l'époque, on comprenait déjà que c'était par désaccord sur la politique à mener par Manuel Valls, ainsi que dans une certaine mesure avec la politique qui avait été menée par le gouvernement Ayrault dont elle faisait partie. Depuis, elle a écrit un livre où il ressort du titre et des «bonnes feuilles» publiées dans la presse qu'elle est déçue de la politique menée et que son passage au gouvernement a été une désillusion. Cécile Duflot défend aussi régulièrement dans les médias son action de ministre en général, la loi qu'elle a fait voter en particulier (dite ALUR).

La parution de son livre et la rentrée qui s'annonce sont l'occasion pour elle de s'exprimer de nouveau, par exemple dans une interview au Monde. Dans la réponse à la deuxième question, elle y défend son bilan personnel et la politique qu'elle comptait mener. Il s'avère cependant que ses propos ne correspondent pas à la réalité.

  1. Elle commence par louer le contrôle des loyers au prétexte que c'est un engagement de campagne. Elle oppose aussi cette mesure aux solutions d'avant: elle prétend donc que le contrôle des loyers est une idée neuve. Bien sûr, il n'en est rien: la chose est suffisamment connue pour qu'il y ait consensus parmi les économistes sur sa nocivité. C'est ainsi que Paul Krugman en a fait le sujet d'une de ses premières tribunes. Le contrôle des loyers n'est pas non plus un inconnu en France, puisqu'il a été utilisé durant l'Entre-deux-guerres. Il semble qu'avant la 2e Guerre Mondiale, on estimait le manque de logements à 2 millions d'unités et que l'état général du parc de logements était désastreux. Les résultats à attendre du contrôle des loyers sont donc nocifs, surtout pour ceux qui cherchent à se loger. Que ce serait respecter un engagement de campagne ne signifie pas pour autant que les Français ne seraient pas déçus!
  2. Pour Cécile Duflot, il fallait arrêter de doper artificiellement l'immobilier à coups de défiscalisation. Il s'avère que Cécile Duflot a donné son nom à un dispositif de défiscalisation, créé par la loi de finances initiale pour 2013, la première du gouvernement Ayrault. Ce dispositif remplace le défunt Scellier. Il est donc utile des les comparer. Pour faire rentrer plus d'argent, à la fin de la mandature précédente, le Scellier ne permettait plus que de défalquer 13% de la valeur du logement sur 9 ans et 21% sur 15 ans. Le Duflot permet, lui, de défalquer 18% sur 9 ans! Certes, les plafonds de loyers ont été abaissés. Mais il est difficile d'y voir la fin du dopage par la défiscalisation! Si vraiment elle voulait la fin des défiscalisations, elle aurait pu au moins s'arranger pour que le dispositif ne porte pas son nom.
  3. Elle finit sa réponse en affirmant que le problème du logement cher est un problème spécifiquement français. Il s'avère en fait que la situation britannique est encore pire. Le magazine britannique The Economist — que, certes, Cécile Duflot ne lit sans doute pas — publie régulièrement des articles et des infographies sur ce sujet. La cause de ces prix élevés ne fait pas de doute pour The Economist: expansion démographique associée à trop de réglementations et à un zonage qui empêche de construire. Des causes qu'on entend souvent nommées pour expliquer la situation du marché immobilier français. Sous l'égide de Cécile Duflot, la loi ALUR a été votée, on dit qu'elle détient le record de longueur sous la Ve République. On conçoit donc qu'elle ne partage pas ces conclusions.

Depuis le départ de Cécile Duflot, les déclarations gouvernementales se sont succédé pour essayer d'amoindrir l'impact de la loi ALUR. C'est ainsi que Sylvia Pinel a annoncé peu ou prou que certains pans de la loi ne seraient pas appliqués et qu'on allait réduire le nombre de documents demandés lors de l'achat d'un appartement en copropriété. Ce changement d'attitude fait suite à la matérialisation d'une baisse d'activité dans le secteur de la construction. Ce revirement, moins de 6 mois après la promulgation de la loi, ne laisse pas d'étonner: les effets néfastes de la loi ALUR étaient prévisibles et dénoncés depuis l'annonce des lignes directrices. Il montre qu'en fait, de nombreuses personnes au PS pensaient que cette loi allait avoir des effets néfastes, c'est d'ailleurs l'impression qui se dégage à la lecture de certains articles: François Hollande ne paraissait pas bien convaincu par le contrôle des loyers, par exemple. Certaines mesures prévues à l'origine, comme la garantie universelle des loyers, ont vu leur portée être amoindrie de peur des conséquences financières. Il est dommage que les éventuels opposants internes n'aient pas été plus entendus…

Ces péripéties me font penser que la campagne présidentielle n'a fait que renforcer certains illusions au sein de la gauche. Que l'idée qu'un surcroît de règlementations dans le domaine de l'immobilier, comme l'instauration d'un contrôle des loyers, puisse permettre de résoudre les problèmes de manque d'offre n'ait pas été contestée, alors que l'histoire montre le contraire, m'étonne toujours. Plus généralement, cela montre bien que bon nombre de choses promises par le candidat Hollande ne pouvaient se réaliser, parce qu'elles étaient trop irréalistes, et que si jamais certaines promesses étaient honorées, des effets néfastes apparaîtraient rapidement. Je dois aussi admettre ma surprise devant l'aplomb de la défense de Cécile Duflot: elle affirme des choses dont il est facile de vérifier qu'elle sont fausses. Sa défense de son bilan est renversante: soit elle a fait le contraire de ce qu'elle voulait — sur la défiscalisation par exemple —, soit ça n'avait aucune chance de marcher — comme le contrôle des loyers.