Le projet de loi sur l'énergie de ce quinquennat va être étudié à l'assemblée dans l'hémicycle à partir de ce mercredi 1er octobre. Le projet original est passé en commission où plus de 2000 amendements ont été étudiés pour arriver à la version approuvée par la commission parlementaire sur le sujet. Pour l'occasion, Ségolène Royal a fait un passage à la radio ce dimanche pour défendre cette loi.

J'écrirai peut-être d'autres articles sur le sujet de ce projet de loi dans les prochains jours. Pour commencer, cet article porte sur l'article 5, qui modifie l'article de loi qui permet au gouvernement d’édicter la règlementation thermique. La nouvelle rédaction va donner pouvoir à l'état d'édicter l'obligation d'effectuer des travaux d'isolation lorsqu'on ravale une façade ou rénove une toiture.

Ce faisant, on s'engage de plus en plus vers un régime de rénovations obligatoires. C'est clairement une idée qui fait son chemin. C'est par exemple ce que soutient cette vidéo (The Shift Project): il est clairement proposé dans cette conférence d'obliger à faire des travaux d'isolation à la vente de certains logements. C'est aussi ce qui transparaît dans le paragraphe sur le bâtiment de ce billet d'Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans ce types de questions énergétiques.

À mon sens, cette idée est à double tranchant. Dans le meilleur des cas, elle peut effectivement atteindre son but d'accélérer le rythme de rénovation des bâtiments. Dans le pire des cas, elle peut freiner d'autres travaux — ceux qu'on veut lier à des travaux d'isolation — ou renforcer les blocages sur le marché immobilier, en agrandissant la différence entre la somme reçue par le vendeur et celle payée par l'acheteur. Le blocage peut s'opérer de plusieurs façons:

  1. La plus immédiate est celle du coût: en liant des actes qui n'étaient pas a priori liés jusque là, on impose une dépense supplémentaire à des gens qui n'en ont pas forcément les moyens ou l'envie. Une réponse très simple est alors de ne pas faire de travaux ou de faire des travaux qui ne tombent pas sous le coup des obligations. Par exemple, dans le cas d'une rénovation de toiture, on peut décider de ne plus faire que remplacer les ardoises ou les tuiles en trop mauvais état pour éviter l'obligation d'isolation imposée en cas de rénovation complète.
  2. Une autre est qu'il n'est pas évident que le coût de ces travaux imposés puissent être répercutés sur les locataires: on renforce donc la faiblesse des rendements locatifs en France … ce qui a normalement pour contrecoup de moindres dépenses d'entretien ou d'amélioration.
  3. La plus insidieuse est qu'on va vers un système normatif où il va falloir se justifier. Une justification a toujours un coût. De plus la normalisation de ces travaux peut les complexifier notablement. Pour en revenir à mon billet précédent, entre la règlementation thermique de 2005 et celle de 2012, il y a eu une multiplication par 5 de la longueur de la norme.

Sur une note plus polémique, ce type d'article contredit aussi directement les propos de Ségolène Royal lors de son passage radio où elle a souvent affirmé que les économies d'énergie imposées par cette loi allaient rapporter de l'argent. Pourquoi imposer aux gens des rénovations par la loi, si elles sont véritablement rentables pour eux? Dans ce cas, édicter des normes peut se révéler totalement contreproductif en les obligeant à se justifier de ce qu'ils auraient fait naturellement. Au contraire, de tels articles de loi montrent que les prix de l'énergie ne sont pas suffisamment élevés pour justifier d'investir fortement pour réaliser des économies d'énergie. Les travaux visés sont toutefois ceux qui sont le plus proches de la rentabilité, voire déjà rentables aux prix actuels: une étude de l'UFE de 2012, le lobby des électriciens, montrait que l'isolation des combles et l'isolation par l'extérieur avaient au moins des taux de rentabilité positifs dans la plupart des cas.

Pour conclure, je suis partagé sur ce genre d'articles de loi: d'un côté ils sont relativement limités dans leurs conséquences immédiates et concernent des rénovations raisonnables, mais de l'autre la pente sur laquelle le gouvernement s'engage est très glissante. Ces obligations de rénovations peut d'abord se traduire par moins de rénovations. Mais la mesure peut rencontrer un succès certain et la tentation deviendra grande pour l'utiliser pour forcer toute sortes de travaux, nettement plus loin de la rentabilité. On aurait alors une réglementation qui aurait pour effet de freiner les rénovation à cause de l'obligation d'effectuer des travaux très loin du seuil de rentabilité et qui deviendrait sans doute aussi de plus en plus tatillonne pour parer à ceux qui tenteraient de la contourner. De plus, pour les locations, il faut accepter que les investissements se traduisent par une hausse des loyers, ce qui est tout sauf assuré!