Le 16 décembre dernier, le COR a présenté une actualisation de ses projections sur l'état des finances des systèmes de retraites français. Comme il apparaît qu'elles prévoient toujours un retour à l'équilibre en 2020, le gouvernement s'est proposé de ne rien faire de plus que les dernières modifications, présentées en 2013. Malheureusement, ces prévisions comportent un énorme biais optimiste.

Les résultats des projections financières dépendent bien sûr d'hypothèses économiques. Quand elles sont optimistes, les résultats laissent penser que la situation financière des régimes de retraite est meilleure qu'elle ne le sera en réalité. Pour les projections à court terme, le COR dépend d'hypothèses actées par les projets de loi de finances pour la sécurité sociale. À plus long terme, il est plus libre de décider, mais les prévisions ne sont pas forcément plus réalistes. Il y a 5 scénarios de long terme, dénommés A', A, B, C et C', du plus optimiste au plus pessimiste.

Pour être jugées réalistes, les hypothèses économiques doivent à mon avis respecter a minima une première contrainte, qui est de s'être réalisée dans un passé relativement récent. Ce n'est pas le cas des hypothèses de chômage: dans les scénarios A', A et B, le COR prévoit un taux de chômage de long terme de 4.5%. Dans les scénarios C et C', le taux de chômage est de 7%. Il faut bien noter qu'il s'agit de taux de long terme, qu'on peut approximer par des moyennes sur longue durée, par exemple 10 ans. En effet, le COR ne fait pas vraiment l'hypothèse que le taux de chômage soit constant à un certain niveau, mais plutôt qu'il oscille autour de cette valeur. Si on regarde le taux de chômage en France sur une longue durée, on s'aperçoit que le taux de 4.5% a été dépassé pour la dernière fois en 1978. Quant au chômage de long terme, les données de l'INSEE permettent de tracer ce graphe: chomageLT.jpg On y voit que le taux de chômage moyen sur 10 ans est supérieur à 7% depuis 1987, soit plus de 25 ans. Le vrai taux de long terme semble être aux alentours de 9% depuis le milieu des années 90, soit à peu près 20 ans. Le COR évalue quand même une hypothèse de 10% de chômage: le surcroît de déficit en 2040 est de 0.3% du PIB dans le scénario C' … sachant que le déficit prévu avec 7% de chômage est déjà de 1.2% du PIB. Même si ce n'est pas le déterminant principal, le surcroît de déficit est tout de même notable.

Une deuxième contrainte me semble devoir être respectée pour que les scénarios soient réalistes: que le scénario central soit cohérent avec la tendance récente et, aussi, que les scénarios pessimistes représentent une situation mauvaise qu'on voit ailleurs. Sur le plan de la croissance économique, cela voudrait dire qu'une stagnation soit sérieusement envisagée. De même, la croissance moyenne sur 10 ans réellement constatée devrait servir de scénario central. Si on regarde la situation française, on constate que depuis 2008, la moyenne est plutôt aux alentours de 1%, soit l'hypothèse du scénario C', le plus pessimiste. CroissanceLT.jpg Quant à la masse salariale, source principale de ressources du système de retraites, elle suit désormais à peu près le PIB. L'expansion du salariat est terminée, les marges des entreprises sont plutôt basses en France en ce moment. Bref, le scénario C ou C' devraient être le scénario central et des scénarios plus pessimistes de stagnation économique devraient être présents parmi les scénarios étudiés. Bien sûr, le scénario C' prévoyant déjà de graves problèmes financiers pour les systèmes de retraite, des scénarios encore plus pessimistes seraient simplement catastrophiques sur ce plan. Cependant, ils ne seraient pas totalement dénués de sens, vu ce qui se passe dans certains pays vieillissants comme le Japon ou l'Italie.

D'ici 2020, grâce à l'intarissable optimisme du gouvernement — qui prévoit jusqu'à 4% de hausse annuelle de la masse salariale — le COR conclut que le déficit du système de retraites diminuera et que l'équilibre financier sera atteint aux alentours de 2020. En conséquence, le gouvernement prévoit de ne rien faire. Mais quelle crédibilité accorder à ces prévisions dont la réalisation semble hors d'atteinte aujourd'hui? Le moins qu'on puisse dire c'est qu'un tel optimisme ne sert qu'à se mettre la tête dans le sable et ne rend absolument pas service aux salariés actuels, qui sont les futurs retraités.