L'avion Solar Impulse s'est posé à Dubai avant le lever du jour le 26 juillet, bouclant ainsi un tour du monde commencé il y a 15 mois. Il est clair qu'il s'agit d'une prouesse technologique, puisque l'avion rassemblait des cellules photovoltaïques à la fois minces et efficaces — avec un rendement de 23% — et des moteurs très performants — avec un rendement de 93%. C'est aussi un exploit d'endurance pour les pilotes qui devaient être capables de rester éveillés pendant une bonne partie des trajets au dessus des océans.

Cependant, Solar Impulse apparaît plus aujourd'hui comme une démonstration de la supériorité du pétrole que du potentiel de l'énergie solaire. En effet, on peut déjà remarquer qu'à la voile, on a déjà réussi à faire le tour du monde en 45 jours en équipage, et 78 jours en solitaire. Il est vrai que Solar Impulse n'est resté en l'air qu'un peu plus de 23 jours, mais le fait qu'il doive s'arrêter est dû aux contraintes de l'avion qui ne peut emporter suffisamment de nourriture et doit être piloté en permanence ou presque. Face au pétrole, on voit que Solar Impulse est en fait inférieur à l'avion de Lindbergh Spirit of St. Louis qui a rallié Paris depuis New York en 33h, contre 71h pour Solar Impulse pour rallier Séville. La raison en est simple: Solar Impulse ne dispose que de 70ch (environ 50kW) contre 223 pour Lindbergh.

Les comparaisons sont encore plus cruelles avec les avions actuels destinés au transport de passagers, qui volent à une vitesse de l'ordre de 800km/h, permettent de voyager dans une cabine pressurisée et climatisée ainsi que d'emmener des bagages. Pour cela, ils sont équipés de réacteurs ayant une poussée de 150 à 400kN: cela signifie que pour faire décoller un A320, il faut au minimum développer 12MW de puissance mécanique; pour un A380, c'est 70MW. Cela est tout à fait possible quand on utilise du kérosène: la densité de puissance d'énergie est de l'ordre de 12kWh/kg, contre 0.26kWh/kg pour les batteries de Solar Impulse. Même en comptant sur l'amélioration des technologies, il existe un gouffre entre Solar Impulse et les avions modernes qu'il sera difficile de combler. À surface couverte de cellules photovoltaïques constante, on ne peut espérer au maximum qu'une multiplication par 4 de la puissance disponible; inversement pour disposer de 70MW avec des cellules efficaces à 100%, l'ordre de grandeur de la surface à couvrir est 70 000 m², sachant qu'un A380 tient dans un rectangle de 6000m² … et ce ne sont que 2 exemples!

On comprend que pour le transport de matériels et de passagers, les énergies renouvelables comme le solaire ne sont pas assez denses. Les bio-carburants constituent la seule alternative viables et ils sont en fait une manière de rassembler en un petit volume l'énergie reçue sur une grande surface. Mais l'énergie solaire permet d'envisager de faire voler des drones pendant très longtemps. Cependant, qu'ils se déplacent n'est sans doute pas la priorité, ce qui leur sera demandé est sans doute des missions d'observation ou de relais télécoms. Pour cela, le dirigeable est nettement meilleur, puisqu'il ne dépense que très peu d'énergie pour rester en l'air. En fait, Piccard a surtout offert un beau joujou aux militaires et aux autres météorologues, pas vraiment une solution pour des transports sans pétrole…