La gauche apocalyptique
Par proteos le 30 janvier 2017, 22:17 - Politique - Lien permanent
Ce dimanche, Benoît Hamon a remporté la primaire socialiste. Écoutant le débat de l'entre-deux-tours, j'ai été frappé par les prémisses qui servaient à justifier les mesures emblématiques qu'il propose. En effet, elles étaient souvent fausses et apocalyptiques, quoique probablement répandues — puisqu'il l'a emporté.
Le revenu universel qu'il propose est basé sur la prémisse suivante: il y aura de moins en moins de travail à l'avenir, à cause de la robotisation ou, plus généralement de l'automatisation. C'est un point de départ fondamentalement différent de la proposition libérale du revenu universel, qui est plutôt celui de simplifier radicalement le système de protection sociale, en éliminant la plupart, si ce n'est tous, des systèmes de redistribution existant. Benoît Hamon est d'ailleurs cohérent, puisqu'il annonce aussi vouloir favoriser la baisse du temps de travail hebdomadaire, l'augmentation de l'emploi agricole à la faveur d'une baisse de la mécanisation du secteur, ou encore vouloir taxer les robots! Ce point de départ du raisonnement n'est pas très étonnant: après tout, les préretraites instituées dans les années 80 étaient basées sur une idée similaire, de même que la semaine de 35 heures lui doit beaucoup. Mais il a aussi été démontré comme faux, tant théoriquement qu'en pratique. La théorie économique prévoit surtout une baisse du temps de travail si le revenu s'élève suffisamment pour que les gens préfèrent les loisirs. Historiquement, la mécanisation n'a pas entraîné de perte d'emploi global. Personne ne dénoncerait les machines à laver comme détruisant de l'emploi, or il s'agit de l'exemple typique du robot. Elle est fausse aussi de nos jours: en fait rien ne permet de dire qu'il y aura moins de travail à l'avenir. La baisse du temps de travail hebdomadaire pour les salariés à temps plein est finie depuis les années 80. S'il existe en France un fort chômage, ce n'est pas le cas ailleurs, y compris dans des pays assez comparables comme l'Allemagne.
Un autre de ses chevaux de bataille est l'environnement et la pollution. Il dénonce dans un même souffle la pollution atmosphérique et les perturbateurs endocrinien comme les éléments parmi les plus morbides. On voit bien la convergence qu'il peut y avoir entre une partie du PS et les écologistes. Cependant, cette prémisse est fausse elle aussi. Les facteurs environnementaux sont largement minoritaires parmi les causes de cancer. Les Français n'ont jamais eu une espérance de vie aussi longue que de nos jours. Si les décomptes de morts dus à la pollution augmentent, c'est sous la pression conjuguée de la baisse des seuils et de modèles permettant de larges doubles comptages. Quant aux perturbateurs endocriniens, il suffit de se rendre compte que nombre de femmes en prennent régulièrement sous la forme de la pilule contraceptive. D'ailleurs, certains perturbateurs sont en odeur de sainteté, comme le montre le cas du resvératrol: il est dûment listé par l'ANSES comme perturbateur endocrinien tout en étant vendu comme supplément alimentaire sans soulever l'indignation de quiconque… On peut simplement rappeler que lors de la primaire des écologistes, 40% des votants ont choisi Michèle Rivasi, qui a des positions ouvertement hostile aux vaccins: on peut se demander où s'arrêtera la reprise des idées fausses et délétères des écologistes.
Bien sûr, être scandalisé par l'état perçu de la société est un moteur de l'engagement en politique. Cependant, avoir une idée correcte des problèmes sous-jacents et non pas seulement avoir des préjugés me semble important pour prendre des mesures bénéficiant au plus grand nombre. On l'aura compris, je ne voterai pas pour Benoît Hamon, car il prend comme prémisses de ses raisonnements à peu près toutes les mauvaises idées à la mode à gauche en ce moment. Je constate qu'il fera partie de la cohorte de candidats dont la vision du monde est basée sur des idées clairement fausses. Cette cohorte de candidats rassemblera sans doute plus de la moitié des suffrages en avril, malheureusement!
Commentaires
Mais la mécanisation a fait baisser l'emploi... des chevaux ! CGP Grey a fait une vidéo sur ce sujet que je trouve vraiment excellente. Je n'y ai pas vu d'erreur factuelle ou de raisonnement, c'est pourquoi je suis enclin à penser que ses inférences sont correctes. Après avoir perdu la compétition pour le travail physique face aux animaux et aux machines, les humains ont créé des emplois intellectuels. Si les IA commencent à tailler dans ceux-ci, où se réfugieront les emplois des humains ?
Qxotl,
Il y a quand même une différence énorme entre les chevaux et les hommes: les chevaux étaient l'équivalent du tracteur. Finalement, on peut considérer qu'une machine a remplacé une autre sorte de machine. En allant, plus loin et en étant plus scabreux, je remarque aussi que la mécanisation a fait cesser le travail des enfants. Là l'explication est celle de l'arbitrage avec les «loisirs»: une fois passé un certain niveau de vie, on peut faire des arbitrages avec des activités qui ne rapportent rien ou qui mettront des années avant d'avoir des effets bénéfiques, sans certitude de réussite.
La difficulté pour répondre à votre question est bien entendu qu'on ne peut prédire l'avenir. Entre autres, il est possible que les Cassandre aient raison et que les emplois finissent par disparaître, sans que les travailleurs n'aient voulu plus de loisirs. Mais même dans le domaine des travaux intellectuels, ça fait un moment que les machines remplacent des êtres humains. Il fut un temps où certains calculs étaient faits par des humains; maintenant, ce sont généralement des machines. Il existe quand même une réponse qui va au-delà de la prolongation du passé: après tout, les machines utilisées le sont parce qu'elles rendent un service. En somme, elles sont toujours commandées par quelqu'un. Ce quelqu'un peut le faire pour son compte propre ou pour quelqu'un d'autre: il s'agit alors d'un emploi. Si l'acheteur n'a pas les moyens de le payer, cet emploi n'existe pas et donc la machine non plus… Donc quelque part, machine ou pas, il y aura toujours du travail qui consiste à rendre service aux autres contre rémunération.
Merci pour cet article
En 1831 les canuts se sont révoltés et ont brisé les machines qui leur prenaient leur travail
dans les années 50 les petits commerçants et les artisans ont vu leurs emplois disparaitre
depuis 1974, le nombre d'emploi a augmenté en France de 4 millions ! Par exemple, l'emploi du personnel hospitalier a augmenté de 70%
la théorie économique est que le nombre d'emplois s'ajuste au nombre d'actifs et tous les changements majeurs d'actifs ont montré que c'est bien ce qui se passe. On l'a vu encore récemment en France avec la suppression de la dispense de recherche d'emploi : en 4 ans, la proportion des personnes de 58 ans en emploi est passée de 50 à 70 %
Le discours sur les robots n'est pas différent de ce qui s'est dit dans les décennies précédentes
Le discours de Hamon sur la fin du travail ne repose que sur sa méconnaissance des mécanismes économiques
http://verel.typepad.fr/verel/2006/...