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9 avril 2017

Recomposition

Le système électoral français est dominé par des élections «majoritaires», où le mode de scrutin avantage nettement le parti qui reçoit le plus de voix. Il engrange alors nettement plus d'élus que sa part des suffrages. Ce genre de système est stable et engendre des alternances nettes; il est aussi sujet à des recompositions brutales. Alors que la campagne présidentielle est bien avancée, il semble bien que les candidats adoubés par les 2 principaux partis de gouvernement de 2012 seront éliminés au premier tour. Selon les sondages (voir ici ou ), Emmanuel Macron et Marine Le Pen font la course en tête avec environ 25% des voix chacun. François Fillon est à moins de 20%, tandis que Benoît Hamon est en perte de vitesse aux alentours de 10%. Pourtant ces derniers sont les candidats soutenus par les partis de gouvernement qui ont dominé le paysage politique français depuis 30 ans voire plus. C'est sans doute le signe qu'une recomposition du paysage politique français est en train de s'opérer.

La situation actuelle s'explique bien sûr en partie par des raisons conjoncturelles. Le discrédit général dont souffre François Hollande l'a conduit à renoncer à se représenter. Lors de la primaire de janvier dernier, Benoît Hamon a remporté le plus de suffrages. Mais c'est aussi le représentant des opposants internes au PS qu'a eu à gérer Hollande tout au long de son quinquennat. Plombé par le bilan du quinquennat et les rancœurs internes, Benoît Hamon se retrouve à la peine. François Fillon, quant à lui, souffre bien sûr de ses histoires d'emploi de sa femme et plus généralement d'argent ou d'avantages indus. Il semble qu'il n'ait pas son pareil pour créer des histoires tournant autour de son train de vie. Sa réponse ayant consisté pour l'essentiel à crier au complot et à ne plus parler qu'aux plus militants de son camp, il a naturellement perdu des électeurs potentiels. Il est en effet difficile de voir comment ces histoires n'affecteront pas la légitimité de l'application de son programme social en cas d'élection…

Cependant, cette conjonction d'évènements a aussi des racines plus profondes. Les 2 partis de gouvernement que sont le PS et l'ex-UMP sont des coalitions qui peuvent de défaire quand ce qui les lie n'existe plus. La division du PS entre une aile «idéaliste» de gauche et une «réaliste» plus centriste existe depuis la formation de ce parti au début des années 70. En fait, la raison de l'apparition du parti est justement d'unir des tendances de gauche dispersées pour faire pendant au PCF et espérer un jour exercer le pouvoir. À droite, les composantes ont été analysées, il y a déjà longtemps par René Raymond. Le parti de gouvernement actuel est un mélange d'orléanisme et de bonapartisme.

L'histoire plus ou moins récente montre que le PS a eu des difficultés lorsqu'il est arrivé au pouvoir. À chaque fois, il a été battu aux élections suivantes. Il faut dire que le discours dans l'opposition est celui de l'aile idéaliste alors que la politique économique est après renoncements, plus ou moins celle de l'aile réaliste, sauf sur certains sujets tabous comme les retraites. Le résultat, c'est que les idéalistes sont souvent en rébellion plus ou moins ouverte contre leur propre gouvernement et que de multiples tendances se présentent ou menacent de le faire aux élections suivantes. De plus, dans l'opposition, l'aile réaliste est incapable de reconnaître certaines évidences, comme par exemple, que la réforme des retraites de 2003 correspondait de fait à son positionnement réel.

À droite, l'éclatement de l'UDF en 1998 sur la question de présidents de régions élus avec les voix de conseillers FN a ouvert la voie à une domination sans partage des descendants du gaullisme et du RPR. L'essentiel de l'ancienne UDF est absorbé par le RPR en 2002, seuls les plus proches de Bayrou restant en dehors. Depuis, il est clair que la tonalité du discours est de plus en plus à droite, délaissant de nombreuses fois le terrain économique pour se concentrer sur les questions identitaires ou de l'immigration. La logique de départ est sans doute que la politique économique est impopulaire et que la montée du FN signale la capacité mobilisatrice de ces questions dans l'opinion. Mais au final, on constate que le discours actuel reprend à son compte des thèmes incroyables dans les années 90, comme l'hostilité envers les accords de Schengen de libre-circulation, clairement aux antipodes d'un positionnement libéral «orléaniste».

La première raison de ces 2 comportements, c'est que les partis ont besoin de troupes. Dans l'opposition, les partis se concentrent sur l'entretien de leur base militante. Or il n'est pas bien difficile de constater que les recrues du PS ne se font sans doute pas parmi les socio-libéraux. Les sympathisants sont en partie sur la même ligne, on l'a vu lors des dernières primaires. Feue l'UDF a eu une réputation de parti sans militants: mêlée au RPR, il n'est plus guère resté de raison de tenir souvent un discours de centre-droit. L'essentiel des militants est très à droite dès 2002 et c'est ce qu'a compris Sarkozy en préparant les élections de 2007. Une innovation apportée par Sarkozy a été de chercher à cultiver cette base militante tout en étant au pouvoir avec le discours de Grenoble et en initiant les appels à revoir Schengen dès sa présidence. L'agitation sur le mariage gay durant ce quinquennat a aussi renforcé les rangs des militants très à droite. Cette réalité a été bien décrite par Alain Juppé quand il a dit que les militants de droite s'étaient radicalisés.

La structuration en 2 camps vue jusque aujourd'hui est basée sur l'opposition aux communistes: on trouve à gauche des gens qui pourraient possiblement travailler avec eux, comme Mitterrand l'a proposé en créant le PS, à droite les héritiers des gens qui se trouvaient dans la coalition qui soutenait de Gaulle. Ce dernier est mort en 1970, le Mur de Berlin est tombé en 1989 et le PCF a cessé d'être une force politique d'importance. À la place, on a vu l'intérieur des 2 camps des séparations en 2 parties. D'abord sur l'Europe, où la droite (en 1992) et la gauche (en 2005) ont amplement démontré le clivage qui les traversaient sur la question. Il y a clairement des 2 côtés des partisans du projet d'intégration et de l'autre des gens qui s'y opposent, même si à gauche l'hypocrisie veut qu'on parle «d'autre Europe». Chez les 2 catégories d'opposants, on retrouve d'ailleurs la revendication qu'on ne retire pas assez de l'Europe et qu'il suffit de s'opposer pour obtenir plus, en dépit d'exemples récents, comme la Grèce. Des 2 côtés, on retrouve aussi un clivage de politique intérieure entre les tenants d'une approche plus libérale de l'économie face à des dirigistes, avec de longs palabres à chaque fois qu'on veut déréguler, que ce soit sur le travail du dimanche ou sur les autocars. On peut citer le même genre d'opposition sur les finances publiques, où les ailes centristes veulent limiter les déficits, alors que les autres réclament de fait une hausse continue.

Au final, suite à des défaites électorales comme le référendum de 2005, l'offre politique avec une teinte libérale pro-européenne était en voie d'extinction en France. Aux dernières élections présidentielles, un adversaire autoproclamé de la finance et un opposant au halal à la cantine s'étaient opposés au second tour. Globalement au début de l'année dernière, on pouvait constater l'absence de la famille orléaniste de droite dans le discours public et une forte contestation du gouvernement de la part du parti censé le soutenir. Emmanuel Macron est donc venu remplir un vide d'offre politique. Bayrou occupait à peu près le même positionnement en 2007, mais il avait face à lui 2 candidats des familles traditionnelles plus talentueux que ceux d'aujourd'hui. Il n'avait pas su non plus rassembler suffisamment de militants autour de lui. Beaucoup sont aussi partis par la suite, ce qu'on peut comprendre avec l'échec: les citoyens normaux ont autre chose à faire que prêcher dans le désert.

Cette recomposition semble avantager les centristes comme Emmanuel Macron … mais aussi les extrémistes. Si les partis traditionnels capturent toujours une partie du vote qui pourrait échoir à Emmanuel Macron, ils capturaient aussi une parti du vote tenté par la radicalité mais plus intéressé par le pouvoir que l'extrémisme. Quand le candidat marqué dans un camp n'a plus de chance de l'emporter, comme c'est le cas de Benoît Hamon, ces électeurs se reportent sur le candidat de la pureté idéologique, ici Jean-Luc Mélenchon. Il faut d'ailleurs dire que les appels du pied de Benoît Hamon dans la direction de Jean-Luc Mélenchon sont dévastateurs et totalement irresponsables, car ils indiquent que ce dernier serait le candidat le plus proche du PS dans ses propositions. Comme Mélenchon s'est emparé de la pureté idéologique, ça indique aux électeurs de la gauche du PS qu'on peut tout à fait voter Mélenchon dès le premier tour. Cela rend aussi le report éventuel sur Macron au second tour plus difficile, les positions de Mélenchon étant parfois proches de celles de l'extrême droite, par exemple sur la sortie de l'euro. À droite, il existe un fort tribalisme lié aux personnes. Jacques Chirac, lui aussi largement le centre d'affaires financières en 2002, avait rassemblé un peu moins de 20% des suffrages, pas si loin des 18% dont François Fillon est crédité dans les sondages. En cas d'élimination (probable) de ce dernier au 1er tour, il n'est pas évident que la tribu ne se fracture pas pour alimenter significativement le vote d'extrême droite. Le discours de ces dernières années sur l'immigration rend cette possibilité crédible à mon avis.

Enfin, même si je me retrouve assez largement dans le positionnement d'Emmanuel Macron, il ne faut pas ignorer la déception dont, inévitablement, ce dernier sera l'objet dans le futur. Des propositions qu'il a faites sont idiotes et reviendront le hanter s'il gouverne. On peut penser à la quasi-suppression de la taxe d'habitation. Dans d'autres domaines, elles seront moins dommageables, mais montrent que la démagogie est bien présente dans son discours: son service militaro-civique d'un mois est affligeant, sa promesse de fermer Fessenheim indique que la raison ne déterminera pas toujours ses choix sur des sujets techniques. Sur le plan de la gestion de son mouvement, il est aussi probable qu'il y ait des déçus et des départs après la séquence actuelle d'élections, quelque soit le résultat. Le risque est alors d'en revenir au syndrome de l'UDF d'un parti de caciques sans militant, qui peut disparaître rapidement après un revers électoral.

Pour conclure, cette élection présidentielle est bien partie pour acter une recomposition du paysage politique français. Dans le pire des cas, les extrémistes vont l'emporter avec un face à face entre Le Pen et Mélenchon, bien que les centristes aient montré qu'il existe encore des électeurs à convaincre entre le PS et l'ex-UMP d'aujourd'hui. Dans le meilleur des cas, c'est une victoire électorale du courant centriste qui le place en très bonne position pour de longues années. Je remarque toutefois que les courants clairement dictatoriaux ont le vent en poupe en France: entre Le Pen, Mélenchon et une bonne partie des «petits candidats», on arrive aujourd'hui à presque 50% des intentions de vote. La question de savoir si le clivage principal de la vie politique française est entre les partisans et les opposants à la démocratie, impensable il y a 5 ans, ne me paraît plus si idiote aujourd'hui.

6 février 2017

L'affaire Fillon et les travers de la politique française

François Fillon et son épouse Pénélope sont au cœur d'une polémique car le vainqueur de la primaire a rémunéré sa femme comme assistante parlementaire pendant de longues années, alors même qu'elle n'était pas connue pour ses activités politiques. Cette affaire a aussi le mérite de jeter la lumière sur des travers indéniables de la politique en France.

La rémunération des politiques

Le système de rémunération des politiques est incompréhensible pour le commun des mortels, et même pour ceux qui s'intéressent en dilettante à ces question, il est difficile d'appréhender les montants en jeu. C'est largement dû à l'organisation même de la rémunération. Pour les députés, on a donc le système suivant:

  1. Une indemnité de base et une indemnité de résidence qui totalisent 5700€/mois bruts et qui sont imposables
  2. Une indemnité de fonction de 1400€/mois bruts, augmentée pour ceux qui ont une fonction spéciale, non imposable
  3. Divers systèmes sociaux sont financés par des retenues sur le salaire (environ 1400€/mois): les députés ne sont affiliés à aucun des systèmes communs en France, ce qui est source d'un soupçon de privilège.
  4. Une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) d'environ 5800€/mois bruts, non imposable.
  5. Des voyages gratuits en train (ou en avion dans les circonscriptions les plus éloignées)
  6. Une enveloppe destinée à rémunérer des collaborateurs pour environ 9600€ bruts par mois

Le système de l'IRFM n'a pas d'équivalent dans le privé, où tous les frais doivent être justifiés d'une part par des factures ou des tickets de caisse et d'autre part par une réelle utilité pour l'entreprise. S'octroyer des faux frais est un des moyens les plus sûrs de s'attirer l'attention du fisc et les comptables y font attention car leur responsabilité peut être engagée. Tous les dirigeants d'entreprise y sont à un moment ou à un autre sensibilisés. Pour ceux qui n'ont jamais l'occasion de pouvoir se faire rembourser leurs frais et les autres qui doivent se justifier, le système de règlement de frais au forfait ressemble à un privilège. Ce système viendrait des pratiques de la haute fonction publique, où certaines fonctions bénéficient de primes non imposables. Le tout se combine au cumul des mandats largement pratiqué jusque récemment: dans le cas d'un député-maire, les fonctions de la permanence électorale pouvaient être remplies par la mairie, l'IRFM constituerait alors juste un complément de revenus.

Le fait qu'on puisse employer son conjoint et les autres membres de sa famille prête foncièrement le flanc aux accusations de favoritisme et de népotisme. Même si on peut rencontrer son conjoint au travail, ce n'est le cas que pour 10% des Français. Or, il semble que la proportion de parlementaires qui emploient une personne de leur famille est plus importante. Le soupçon est renforcé par la difficulté de mesurer le travail effectué tant par le député lui-même que par ses collaborateurs: le fait qu'un député soit réélu ne veut pas dire pour autant qu'il ait beaucoup travaillé, en tout cas à l'Assemblée; l'inverse peut être tout aussi vrai. Ça peut aussi renvoyer à une adéquation idéologique entre le député et les électeurs de la circonscription. Dès lors, un élément supplémentaire a dû s'ajouter: Pénélope Fillon n'était semble-t-il pas connue pour son implication dans le travail de son mari. Les interviews données dans le passé ont dû par exemple laisser un souvenir diffus.

Enfin, les services de l'Assemblée ne sont pas à la hauteur sur ce point: ne créer ni adresse mail, ni badge, c'est vraiment laisser la porte ouverte aux accusations d'emploi de complaisance.

Bien sûr pour remédier au moins en partie à cela il faudrait mettre de l'ordre dans le mode de rémunération et interdire l'emploi de proches. Mais cela supposerait essentiellement de réduire drastiquement le salaire réel des députés au prix d'une augmentation considérable du contrôle: la quasi-totalité du salaire devrait être imposable, les frais payés uniquement sur des justifications en rapport avec le mandat. Inutile d'espérer un débat serein sur le sujet, ce qui se passerait serait une redite de ce qu'on a vu quand Sarkozy a voulu mettre de l'ordre dans les rémunérations du Président et des ministres: la question est restée suffisamment marquante pour que 5 ans après, une des premières actions de Hollande a été de baisser ces mêmes rémunérations. Ici comme dans d'autres domaines, l'opacité contribue à faire marcher le système … est-on par exemple si sûr que la complexité du système fiscale ne rende pas acceptable le haut niveau d'imposition?

Les sponsors

Il est de notoriété publique que certaines des personnes les plus riches du pays «sponsorisent» l'activité politique, soit en finançant des partis, soit directement leur poulain. On en a déjà eu l'illustration avec les affaires autour de Liliane Bettancourt: apparemment des sommes importantes étaient versées en faveurs de partis politiques, en l'occurrence, l'UMP (ex-RPR) semblait la plus concernée. Aujourd'hui, il semble que la campagne d'Emmanuel Macron soit aussi en partie financée par des gens fortunés: on se demande autrement comment il a pu monter son parti entre le printemps dernier et l'automne! Il se trouve que l'affaire concerne aussi le salaire reçu par Pénélope Fillon (5000€ bruts pendant 20 mois) pour une contribution qui semble bien maigre: 2 articles dans une revue dont la caractéristique première semble être une danseuse pour un riche industriel.

Aux États-Unis, de telles pratiques sont institutionnalisées, soit par des associations de financement annexes, soit par l'organisation d'évènements comme des repas, où on peut côtoyer son idole politique contre une somme sans rapport avec le coût réel de l'évènement. En France, c'est nettement plus mal vu. Cela pose aussi en France des questions sur les contreparties, car les grandes fortunes gèrent souvent des entreprises bénéficiant de contrats publics. Mais cela n'empêche pas non plus le financement par proximité idéologique: sur certaines questions — comme les OGMs — on voit fleurir les accusations de conflits d'intérêts, alors que ce qui semble déterminer l'action des intervenants dans le débat public est bien l'ensemble des croyances de chacun.

Il n'y a aucune solution en vue pour ce type de problèmes. En effet, la réforme du financement politique du milieu des années 90 donne une grande prééminence aux partis installés en leur donnant l'essentiel des finances autorisées. Pour créer quelque chose en dehors ou acquérir une certaine indépendance, il faut ruser — micropartis … — ou trouver un sponsor.

Les hommes de paille

La politique française paraît aussi parsemée d'homme de paille, c'est-à-dire de personnes semblant ne faire que ce qu'on leur dit de faire. Il est difficile d'expliquer autrement le versement de la quasi-totalité du crédit collaborateur à Pénélope Fillon par le suppléant de ce dernier. Il ne semble pas avoir été effrayé par le montant du salaire, à des niveaux qu'on ne rencontre en France qu'à des postes avec pas mal de responsabilités. Dans un autre registre, on a pu constater que la gestion de l'ex-région Poitou-Charente s'était caractérisée par un laissez-aller certain. Le responsable officiel était le président de la région, un certain Jean-François Macaire. Dans les comptes-rendus dans la presse, il est fort peu apparu, sauf pour dire qu'il n'avait pas vu grand chose … mais par contre, Ségolène Royal est largement intervenue. Bref, il semble que la région était toujours gérée de fait par Ségolène Royal … même si le président officiel de la région devait assumer les responsabilités pénales!

Que ce genre de choses soient possibles provoque chez moi un certain trouble. D'abord, ça semble montrer l'existence de groupies prêts à prendre de gros risques juridiques. Ensuite, ça remet fondamentalement en cause les règles de non cumul des mandats: si c'est pour échanger des gens qui assument publiquement contre des ectoplasmes qui servent de conduit au grand manitou local, il n'est pas sûr que la démocratie y gagne. Une nouvelle fois, il n'y a pas de solution puisque le soutien d'une figure connue est une aide notable pour être choisi par le parti et se faire élire!

30 janvier 2017

La gauche apocalyptique

Ce dimanche, Benoît Hamon a remporté la primaire socialiste. Écoutant le débat de l'entre-deux-tours, j'ai été frappé par les prémisses qui servaient à justifier les mesures emblématiques qu'il propose. En effet, elles étaient souvent fausses et apocalyptiques, quoique probablement répandues — puisqu'il l'a emporté.

Le revenu universel qu'il propose est basé sur la prémisse suivante: il y aura de moins en moins de travail à l'avenir, à cause de la robotisation ou, plus généralement de l'automatisation. C'est un point de départ fondamentalement différent de la proposition libérale du revenu universel, qui est plutôt celui de simplifier radicalement le système de protection sociale, en éliminant la plupart, si ce n'est tous, des systèmes de redistribution existant. Benoît Hamon est d'ailleurs cohérent, puisqu'il annonce aussi vouloir favoriser la baisse du temps de travail hebdomadaire, l'augmentation de l'emploi agricole à la faveur d'une baisse de la mécanisation du secteur, ou encore vouloir taxer les robots! Ce point de départ du raisonnement n'est pas très étonnant: après tout, les préretraites instituées dans les années 80 étaient basées sur une idée similaire, de même que la semaine de 35 heures lui doit beaucoup. Mais il a aussi été démontré comme faux, tant théoriquement qu'en pratique. La théorie économique prévoit surtout une baisse du temps de travail si le revenu s'élève suffisamment pour que les gens préfèrent les loisirs. Historiquement, la mécanisation n'a pas entraîné de perte d'emploi global. Personne ne dénoncerait les machines à laver comme détruisant de l'emploi, or il s'agit de l'exemple typique du robot. Elle est fausse aussi de nos jours: en fait rien ne permet de dire qu'il y aura moins de travail à l'avenir. La baisse du temps de travail hebdomadaire pour les salariés à temps plein est finie depuis les années 80. S'il existe en France un fort chômage, ce n'est pas le cas ailleurs, y compris dans des pays assez comparables comme l'Allemagne.

Un autre de ses chevaux de bataille est l'environnement et la pollution. Il dénonce dans un même souffle la pollution atmosphérique et les perturbateurs endocrinien comme les éléments parmi les plus morbides. On voit bien la convergence qu'il peut y avoir entre une partie du PS et les écologistes. Cependant, cette prémisse est fausse elle aussi. Les facteurs environnementaux sont largement minoritaires parmi les causes de cancer. Les Français n'ont jamais eu une espérance de vie aussi longue que de nos jours. Si les décomptes de morts dus à la pollution augmentent, c'est sous la pression conjuguée de la baisse des seuils et de modèles permettant de larges doubles comptages. Quant aux perturbateurs endocriniens, il suffit de se rendre compte que nombre de femmes en prennent régulièrement sous la forme de la pilule contraceptive. D'ailleurs, certains perturbateurs sont en odeur de sainteté, comme le montre le cas du resvératrol: il est dûment listé par l'ANSES comme perturbateur endocrinien tout en étant vendu comme supplément alimentaire sans soulever l'indignation de quiconque… On peut simplement rappeler que lors de la primaire des écologistes, 40% des votants ont choisi Michèle Rivasi, qui a des positions ouvertement hostile aux vaccins: on peut se demander où s'arrêtera la reprise des idées fausses et délétères des écologistes.

Bien sûr, être scandalisé par l'état perçu de la société est un moteur de l'engagement en politique. Cependant, avoir une idée correcte des problèmes sous-jacents et non pas seulement avoir des préjugés me semble important pour prendre des mesures bénéficiant au plus grand nombre. On l'aura compris, je ne voterai pas pour Benoît Hamon, car il prend comme prémisses de ses raisonnements à peu près toutes les mauvaises idées à la mode à gauche en ce moment. Je constate qu'il fera partie de la cohorte de candidats dont la vision du monde est basée sur des idées clairement fausses. Cette cohorte de candidats rassemblera sans doute plus de la moitié des suffrages en avril, malheureusement!