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24 août 2014

Du bilan de Cécile Duflot

Suite aux municipales et au remaniement qui a suivi, Cécile Duflot a choisi de ne pas rester au gouvernement. À l'époque, on comprenait déjà que c'était par désaccord sur la politique à mener par Manuel Valls, ainsi que dans une certaine mesure avec la politique qui avait été menée par le gouvernement Ayrault dont elle faisait partie. Depuis, elle a écrit un livre où il ressort du titre et des «bonnes feuilles» publiées dans la presse qu'elle est déçue de la politique menée et que son passage au gouvernement a été une désillusion. Cécile Duflot défend aussi régulièrement dans les médias son action de ministre en général, la loi qu'elle a fait voter en particulier (dite ALUR).

La parution de son livre et la rentrée qui s'annonce sont l'occasion pour elle de s'exprimer de nouveau, par exemple dans une interview au Monde. Dans la réponse à la deuxième question, elle y défend son bilan personnel et la politique qu'elle comptait mener. Il s'avère cependant que ses propos ne correspondent pas à la réalité.

  1. Elle commence par louer le contrôle des loyers au prétexte que c'est un engagement de campagne. Elle oppose aussi cette mesure aux solutions d'avant: elle prétend donc que le contrôle des loyers est une idée neuve. Bien sûr, il n'en est rien: la chose est suffisamment connue pour qu'il y ait consensus parmi les économistes sur sa nocivité. C'est ainsi que Paul Krugman en a fait le sujet d'une de ses premières tribunes. Le contrôle des loyers n'est pas non plus un inconnu en France, puisqu'il a été utilisé durant l'Entre-deux-guerres. Il semble qu'avant la 2e Guerre Mondiale, on estimait le manque de logements à 2 millions d'unités et que l'état général du parc de logements était désastreux. Les résultats à attendre du contrôle des loyers sont donc nocifs, surtout pour ceux qui cherchent à se loger. Que ce serait respecter un engagement de campagne ne signifie pas pour autant que les Français ne seraient pas déçus!
  2. Pour Cécile Duflot, il fallait arrêter de doper artificiellement l'immobilier à coups de défiscalisation. Il s'avère que Cécile Duflot a donné son nom à un dispositif de défiscalisation, créé par la loi de finances initiale pour 2013, la première du gouvernement Ayrault. Ce dispositif remplace le défunt Scellier. Il est donc utile des les comparer. Pour faire rentrer plus d'argent, à la fin de la mandature précédente, le Scellier ne permettait plus que de défalquer 13% de la valeur du logement sur 9 ans et 21% sur 15 ans. Le Duflot permet, lui, de défalquer 18% sur 9 ans! Certes, les plafonds de loyers ont été abaissés. Mais il est difficile d'y voir la fin du dopage par la défiscalisation! Si vraiment elle voulait la fin des défiscalisations, elle aurait pu au moins s'arranger pour que le dispositif ne porte pas son nom.
  3. Elle finit sa réponse en affirmant que le problème du logement cher est un problème spécifiquement français. Il s'avère en fait que la situation britannique est encore pire. Le magazine britannique The Economist — que, certes, Cécile Duflot ne lit sans doute pas — publie régulièrement des articles et des infographies sur ce sujet. La cause de ces prix élevés ne fait pas de doute pour The Economist: expansion démographique associée à trop de réglementations et à un zonage qui empêche de construire. Des causes qu'on entend souvent nommées pour expliquer la situation du marché immobilier français. Sous l'égide de Cécile Duflot, la loi ALUR a été votée, on dit qu'elle détient le record de longueur sous la Ve République. On conçoit donc qu'elle ne partage pas ces conclusions.

Depuis le départ de Cécile Duflot, les déclarations gouvernementales se sont succédé pour essayer d'amoindrir l'impact de la loi ALUR. C'est ainsi que Sylvia Pinel a annoncé peu ou prou que certains pans de la loi ne seraient pas appliqués et qu'on allait réduire le nombre de documents demandés lors de l'achat d'un appartement en copropriété. Ce changement d'attitude fait suite à la matérialisation d'une baisse d'activité dans le secteur de la construction. Ce revirement, moins de 6 mois après la promulgation de la loi, ne laisse pas d'étonner: les effets néfastes de la loi ALUR étaient prévisibles et dénoncés depuis l'annonce des lignes directrices. Il montre qu'en fait, de nombreuses personnes au PS pensaient que cette loi allait avoir des effets néfastes, c'est d'ailleurs l'impression qui se dégage à la lecture de certains articles: François Hollande ne paraissait pas bien convaincu par le contrôle des loyers, par exemple. Certaines mesures prévues à l'origine, comme la garantie universelle des loyers, ont vu leur portée être amoindrie de peur des conséquences financières. Il est dommage que les éventuels opposants internes n'aient pas été plus entendus…

Ces péripéties me font penser que la campagne présidentielle n'a fait que renforcer certains illusions au sein de la gauche. Que l'idée qu'un surcroît de règlementations dans le domaine de l'immobilier, comme l'instauration d'un contrôle des loyers, puisse permettre de résoudre les problèmes de manque d'offre n'ait pas été contestée, alors que l'histoire montre le contraire, m'étonne toujours. Plus généralement, cela montre bien que bon nombre de choses promises par le candidat Hollande ne pouvaient se réaliser, parce qu'elles étaient trop irréalistes, et que si jamais certaines promesses étaient honorées, des effets néfastes apparaîtraient rapidement. Je dois aussi admettre ma surprise devant l'aplomb de la défense de Cécile Duflot: elle affirme des choses dont il est facile de vérifier qu'elle sont fausses. Sa défense de son bilan est renversante: soit elle a fait le contraire de ce qu'elle voulait — sur la défiscalisation par exemple —, soit ça n'avait aucune chance de marcher — comme le contrôle des loyers.

30 septembre 2013

Il n'y a que les imbéciles…

… qui ne changent pas d'avis. C'est ce qu'est en train de nous démontrer le gouvernement à propos de l'ouverture dominicale — ou l'absence d'icelle — des commerces de bricolage, ainsi que pour faire bonne mesure, de l'ouverture nocturne de magasins dans des rues touristiques.

Ce jour, Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, a déclaré:

Il y a des salariés qui ont envie de travailler dimanche, des gens qui ont envie de faire leurs courses le dimanche

Cependant, il y a longtemps, très longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, c'est à dire en France sous le mandat de Nicolas Sarkozy, une loi avait été votée pour permettre à divers commerces d'ouvrir s'ils avaient la chance de se trouver dans une aire géographique particulière (un PUCE), dont la délimitation était, pour faire court, laissée à l'appréciation du maire. Il se trouve que l'opposition d'alors avait exprimé un vif désaccord avec ce projet. Pour preuve, un député de l'Indre-et-Loire, Touraine Marisol avait en ces temps reculés clamé avec éloquence son refus d'une telle dérogation:

À cet égard, l’argument selon lequel le travail le dimanche serait fondé sur le volontariat est une véritable supercherie.

et même:

Par ailleurs, dans certains pays, comme la Chine, on peut faire ses courses sept jours sur sept et presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Est-ce là ce que vous nous proposez ? On peut légitimement se poser la question car, après tout, on pourrait exiger, au nom du développement économique, que les commerces ouvrent tard le soir.

En 4 ans, Madame Touraine paraît donc avoir changé d'avis. Malheureusement, les extraits de son intervention sur France 5 n'en donnent pas les raisons, si elle les a données.

Se pose ici un problème classique en politique: dans l'opposition, tout est simple, on peut se contenter d'être contre tout ce que veut le gouvernement en place. Arrivé au gouvernement, bien sûr, rien n'est simple, d'autant que le temps passé dans l'opposition est l'occasion de moult déclarations imprudentes. Il reste que le citoyen aimerait de temps en temps un peu de sincérité dans les opinions exprimées par leurs représentants et que leurs votes soient le résultat d'un minimum de raisonnement. À défaut, on aimerait à tout le moins connaître les raisons des changements de direction et savoir pourquoi ce qui paraissait mauvais hier devient bon aujourd'hui.

Ce genre de comportement ne fait que renforcer la méfiance, voire le dégoût, que peuvent éprouver les citoyens envers leurs représentants. À titre personnel, je m'étais abstenu lors du dernier scrutin présidentiel en partie parce qu'il m'était bien difficile de croire un mot de ce que disait François Hollande. Un peu moins de postures dans le discours public permettrait aussi de cerner les véritables points de désaccord aussi bien que les points qui font consensus. Et lorsque consensus il y a, on pourrait espérer que les partis de gouvernement travaillent au moins à ce que ce consensus débouche sur quelques mesures assumées comme telles. Il semble toutefois que la nécessité de se montrer guerroyant contre le camp d'en face l'emporte toujours sur l'éventualité de faire quelque chose d'utile pour la société.

5 octobre 2011

Course à la défaite

La campagne en vue des élections de 2012 fait déjà rage, comme le montrent les primaires socialistes et les annonces de forfait avant de monter sur le ring. Comme à leur habitude, les politiques tentent de se décrédibiliser pour perdre dignement à l'aide de diverses tactiques.

Le PS a tenté de se déchirer bien avant l'élection, de manière à ce que les rancœurs empêchent de mener une campagne sans croche-pattes ni coup de poignard dans le dos, à l'aide de la fameuse tactique des primaires testée en 2007. Malheureusement, cette fois-ci, les débats sont feutrés; le favori, François Hollande, a tout d'un candidat classique sans gros défaut. L'UMP et le gouvernement font nettement mieux et ont pris une longueur d'avance. Il faut dire qu'ils sont avantagés par le mauvais état de l'économie en cette fin d'année 2011. Mais ils ne ménagent pas leurs efforts, comme deux évènements viennent nous le rappeler.

L'UMP a bien retenu les leçons que lui a données le PS dans le passé. Contrairement à ce qui était écrit ici même en avril dernier, la construction du vrai-faux programme de l'UMP a toute sa place dans la machine à perdre. On y trouve des propositions tellement dépourvues de sens mais exsudant tellement la mièvrerie qu'on peine à croire qu'un parti sérieux puisse réellement les écrire sur le web, avant qu'on ne s'aperçoive qu'elles sont, pour une part écrasante, destinées aux vieillards, clientèle obligée de la droite quoique ne lisant pas souvent les programmes des partis politiques sur Internet. Dans le registre qui nous intéresse plus, elles permettent de faire fuir l'électeur au près duquel on aurait raisonnablement pu solliciter un suffrage. Dans ses propositions sur la «culture», l'UMP nous donne une vraie leçon en la matière.

L'UMP soutient ainsi l'innovation majeure dans ce domaine de ce quinquennat: l'HADOPI. Il est en effet indispensable de rappeler la création de cette administration particulièrement populaire puisqu'il s'agit in fine de couper l'abonnement internet pour avoir manqué à sécuriser sa connexion, ce que même un professionnel serait bien en peine d'assurer. Sous ce vocable compliqué, il s'agit en fait de, plus prosaïquement, pourchasser les auteurs de contrefaçons d'œuvres culturelles divers, mais seulement quand ils agissent par des réseaux peer to peer. L'astuce principale du procédé consiste à ce qu'il incombe en pratique à l'abonné de prouver son innocence, alors qu'apporter une telle preuve est impossible. C'est ainsi qu'on nous propose de poursuivre la lutte contre le téléchargement illégal et favoriser la coopération judiciaire et policière à l’international, notamment afin de lutter contre l’hébergement et la diffusion de contenus ne respectant pas le droit d’auteur. Mais il y a mieux: l'UMP ne se limite pas à confirmer sa classique réputation de parti favorable à la répression tous azimuts, elle cherche aussi à bien montrer qu'elle est l'ennemie des nouvelles activités menées sur Internet. On trouve ainsi pas moins de 6 propositions consistant à alourdir les impôts pesant sur les citoyens, au profit des acteurs du secteur. Une partie de ces sommes sont en fait redistribuées en fonction des ventes constatées, qui sont très concentrées sur quelques artistes, ce qui fait que l'argent va à des gens qui ne sont pas spécialement dans le besoin. L'autre partie est répartie de façon captive pour «encourager la création», ce qui en fait de véritables fromages. Les taxes proposées semblent devoir frapper des acteurs d'un secteur en expansion, les activités sur internet. Ainsi, le gouvernement de faire profiter de ces taxes des acteurs protégés de la concurrence, en petit nombre, qui touchent déjà pas mal d'argent par ce biais et façon très inégalitaire, dont le principal fait d'armes ces 10 dernières années a été d'insulter leurs principaux clients. Et cela en frappant un secteur en croissance, et donc par là même en ralentissant sa croissance et la rentrée des impôts standards dans ses propres caisses. C'est une idée de génie: on fait profiter un petit nombre de privilégiés de rentrées d'argent au détriment du plus grand nombre, qui bénéficie jusqu'ici de prix bas, et d'activités en développement actuellement, dont on clame urbi et orbi que ce sont des activités d'avenir mais dont on cherche à tout prix à freiner l'expansion.

De son côté, pour décourager les électeurs qui penseraient encore à le reconduire aux prochaines élections, le gouvernement fait montre d'une tactique bien connue: l'utilisation de la mesquinerie qui se couple à l'injustice. C'est ainsi que le gouvernement a décidé de faire payer 35€ à quiconque aurait l'impudence d'introduire une action en justice. Il faut bien dire que la plupart des recettes de cette nouvelle taxe viendront des tribunaux civils qui gèrent l'essentiel des contentieux — et heureusement! — en France: comme le montre le rapport sénatorial (tableau au point C 3), sur presque 3M d'affaires, plus de 2M concernent les tribunaux d'instance et de grande instance. Sur ces 3M d'affaires, le gouvernement estimait que 2.5M seraient redevables de cette taxe. C'est ainsi que tous les petits litiges se voient lourdement taxés: il faut vraiment être très motivé pour payer d'avance 35€ pour un litige de 100€, réglé 6 mois après le dépôt de la demande dans un sens ou dans un autre, même si ces 35€ sont dus par le perdant. Autant dire que les FAIs et les opérateurs de téléphonie mobile peuvent souffler: le nombre de recours des clients mécontents devrait plonger à l'avenir. Il en est de même pour tous les recours divers de voisinage, ce qui devrait consolider la paix civile dans notre pays. Une longue liste d'exceptions, à la logique difficilement discernable au premier abord, est aussi prévue pour bien renforcer le sentiment d'injustice et d'absurdité. Pour résumer, on a donc un gouvernement de droite qui cherche à bien restreindre les moyens de faire respecter ses droits et donc générer une ambiance contraire aux valeurs d'ordre dont il se réclame.

Pour parachever son œuvre, le gouvernement, qu'on ne peut croire sans pouvoir de ce côté-là, a aussi empilé les affaires qui lui sont défavorables: soupçons envers le sortant du temps où il était factotum d'Édouard Balladur et méthodes de barbouzes mal exécutées pour faire taire les sources des journalistes. Cela fait toujours du bien quand on veut passer pour quelqu'un de malhonnête. Avec tout cela, il est difficile de voir comment le parti socialiste va pouvoir remonter la pente et son candidat réussir à se faire dépasser par le sortant actuel, Nicolas Sarkozy. Il semble que la gauche soit condamnée à gagner l'année prochaine, n'ayant pas su susciter le rejet comme il y a 5 ans, où une candidate de grand talent avait été choisie.

25 août 2011

Jansénisme fiscal

Le gouvernement a dévoilé un plan de hausses d'impôts. En effet, même si le house paper du gouvernement déclare qu'il s'agit de 12G€ d'économies, on constate que sur 11G€ d'amélioration du solde budgétaire prévu en 2012, 10 viennent de mesures fiscales dont plus de la moitié sont des hausses d'impôt pures et simples et ne peuvent en aucun cas être repeintes en élimination de niches fiscales.

On y trouve des mesures sur la fiscalité du patrimoine, comme la hausse du prélèvement social sur les revenus du capital ou encore de la taxation sur les résidences secondaires. Ces mesures sont accompagnées d'une taxe additionnelle pour les revenus fiscaux de référence dépassant 500k€. Il est vrai que la dernière loi de finances rectificative traitant de ces sujets remonte à des temps antédiluviens, puisqu'elle a été publiée au Journal Officiel le 29 juillet dernier et votée le 5 juillet. Un aspect important de cette loi de finances était le réforme de l'ISF, sous le paravent plus général de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Les parlementaires ont suggéré une taxe sur les hauts revenus, certes bien différente de celle proposée par le gouvernement, mais ce dernier n'a pas voulu faire de contre-proposition. Ces mesures sur la fiscalité du patrimoine ne sont pas négligeables: à elles deux, elles devraient représenter 3.5G€. La taxation des plus-values sur les résidences secondaires représente une nouveauté: pour la première fois, on tiendra compte de l'inflation dans le décompte des plus-values. Mais cette politique va à l'encontre des mesures prises quant aux valeurs mobilières qui, elles, doivent officiellement être exonérées de plus-values en cas de détention longue à partir de 2013. L'autre disposition, l'augmentation des taxes sociales sur les revenus du capital est nettement plus classique depuis l'invention de la CSG. Le taux forfaitaire d'imposition sur les revenus du capital passe à 32.5%, alors qu'il était de 16% au début des années 90. On se rapproche de plus en plus du taux de l'IS, ce qui augure peut-être de quelques montages artistiques.

Quant à ce qui est de la politique fiscale vis-à-vis des salaires, le gouvernement augmente la CSG de façon silencieuse, en modifiant son assiette. En effet, seuls 97% du salaire brut étaient inclus dans l'assiette, ce sera désormais 98%. De fait, c'est une hausse de 1% du produit de la CSG venant des salaires, alors que le gouvernement fait profession de préserver les salaires des hausses d'impôts. Dans un registre différent, le «forfait social» est augmenté, alors que le gouvernement a fait adopter la «prime dividendes» au printemps dernier et prétend encourager la participation et l'intéressement. On peut au contraire prévoir que cette innovation de l'année 2009 va peu à peu rejoindre le niveau des cotisations sociales, entraînant sans doute une demande de suppression des obligations dans ce domaine de la part des entreprises.

Le gouvernement a fait profession d'aligner l'impôt sur les sociétés (IS) sur ce qui se pratique en Allemagne. Il a commencé par annoncer une mesure qui va peser sur la trésorerie des entreprises. On pourra sans doute attendre longtemps les mesures favorables aux entreprises. Ces mesures devraient être majoritaires: l'IS allemand rapporte deux fois moins que l'IS français (source: rapport de comparaison de la fiscalité française et allemande, p158). L'alignement des deux fiscalités relève donc de l'argument de façade. C'est au contraire une idée qui plane depuis un certain temps au vu des rapports de la Cour des Comptes (cf rapport public annuel 2011 p63).

Enfin, le gouvernement finit par ce qu'il fait quand il ne trouve rien d'autre: augmenter les droits d'accises sur le tabac et l'alcool. On peut subodorer que la TIPP suivra bientôt, les justifications sont déjà connues. Mais on voit là une nouveauté: l'état va taxer les boissons avec du sucre ajouté au profit de la sécurité sociale sous prétexte de leur participation à l'augmentation du poids des français. C'est une grande nouveauté: jusqu'ici, seuls étaient taxés des produits dont la dangerosité directe est connue, comme le tabac et l'alcool. Désormais, l'état va aussi taxer quelque chose qu'on accuse, certainement à tort, de provoquer un surpoids, d'ailleurs véritablement gênant uniquement dans des situations de fort surpoids. En d'autres termes, l'état va taxer une consommation de quelque chose qui a mauvaise presse dans l'opinion au prétexte de faire changer les comportements, alors qu'il n'y a pas de risque patent. On trouve là une des expressions du nanny state les plus éclatantes, on infantilise les citoyens et on distingue les «bons» produits des mauvais sur des critères purement moraux. C'est en fait peut-être là qu'il faut trouver l'essence de la politique fiscale de ce gouvernement: il a déjà institué le «bonus-malus» automobile comme succédané d'une taxe sur les carburants, alors même que ce n'est pas acheter une voiture de forte cylindrée qui émet des gaz à effet de serre mais bien le fait de rouler avec. Ce bonus-malus est plus une expression d'un certain jansénisme, selon lequel on est prié d'adopter des apparences modestes, peu importe qu'elles reflètent la réalité.

Au final, on s'aperçoit une nouvelle fois que ce gouvernement s'est révélé incapable de trouver de véritables économies budgétaires, celles-ci étant limitées à 1G€, soit environ 1‰ des dépenses de l'état. Celles-ci représentent pourtant plus de 56% du PIB! Au contraire, la politique adoptée semble n'être en fait que l'application du programme du PS, mâtiné de préjugés moraux. Pour combler le déficit, il n'est que de taxer tout ce qui est moralement répréhensible: les bénéfices des entreprises, les revenus du capital, les entrées dans les parcs d'attraction, les plaisirs certainement coupables que s'offre la population. De plus, la morale change vite, s'il y a à peine un an il était immoral de prendre plus de 50% des revenus de quiconque, cette époque paraît bien lointaine.

26 mai 2011

Conséquences logiques de la prime dividendes

Les Échos de ce mercredi 25 mai publient un article sur les réactions à la prime «dividendes» imposée par le gouvernement. On y trouve les habituelles précisions de dernière minute: ainsi ceux qui auraient déjà négocié une prime dépendant du dividende seront exonérés de l'obligation de rouvrir les négociations. Figurent aussi en bonne place les profession de bonne foi, comme quoi s'interroger sur le partage de la valeur ajoutée est légitime ou encore qu'on est prêt à jouer le jeu, quoique pour une durée limitée, le passage des élections devant entraîner la fin de la plaisanterie. Mais la véritable substance de cet article est de constituer une illustration des conséquences de l'imposition par la loi de dispositions contraires aux forces de l'économie de marché.

Ainsi nous parle-t-on des contre-mesures prévues pour ne pas payer. La plus basique est de s'efforcer de ne pas remplir les conditions obligeant au versement de la prime. Pour bon nombre d'entreprises cotées, il était trop tard en avril, le montant du dividende est annoncé dans les 3 premiers mois pour le plus grand nombre qui clôt ses comptes à la fin de l'année calendaire. Pour les autres, on assiste évidemment à une manœuvre d'évitement. On paiera ainsi ce qu'on comptait payer, mais en procédant par rachat d'actions au lieu d'augmenter ces dividendes. La théorie la plus basique de la finance d'entreprise prétend que cela revient au même, les mêmes montants revenant à la communauté des actionnaires et la valeur totale de l'entreprise restant la même. Cependant, force est de constater que cette pratique est encore plus symbolique du «capitalisme financier» que la distribution du très classique dividende: le rachat d'actions n'est devenu pratique courante que dans les années 90... De plus, on peut s'interroger sur si leurs effets sont si neutres que cela: il semble au contraire que ce soit une manœuvre profitant principalement aux dirigeants ainsi que propice à camoufler la performance réelle de l'entreprise — et de ces mêmes dirigeants.

Pour les années suivantes, ceux qui se sont faits piéger cette année entendent bien que cela ne se reproduise point. Cette prime sera donc intégrée à la politique salariale des entreprises. Ce n'est pas une surprise, le partage de la valeur ajoutée entre les salaires et le capital s'est caractérisé par une grande constance dans le temps. Tout avantage coercitif a donc vocation à intégrer la politique salariale classique des entreprises, de même que les augmentations d'impôts sur les salaires finissent rapidement par être payés par les salariés. D'où les déclarations sans surprise pointant les modifications possibles dans les formules fixant la participation ou celles visant à intégrer cette prime dans les négociations annuelles à budget constant.

Tout ceci n'est guère étonnant. Comme dans d'autres sujets économiques, tel le contrôle des loyers, ce n'est pas parce que les connaissances accumulées mènent à un consensus ou que la logique classique permettent de dresser des conclusions qu'elles ont un quelconque effet sur les décisions politiques. En l'occurrence, il fallait sans doute montrer que le gouvernement était capable de faire quelque chose, même si — on serait tenté de dire particulièrement si — c'est idiot. La conclusion, c'est que le gouvernement n'a sans doute ramené aucun vote supplémentaire mais s'est attiré l'hostilité de son électorat habituel tout en prétendant distribuer de l'argent, une performance.

13 mai 2011

Coup de maître

La campagne pour les présidentielles de 2012 bat déjà son plein, la compétition pour perdre dignement, mais lourdement, fait donc rage. Un putatif candidat socialiste a tenté de se discréditer en organisant une virée dans Paris à bord d'une automobile ostentatoire. Ses alliés de toujours virent là l'occasion: ils renchérirent en déclarant qu'il ne s'agissait point là de son véhicule, rappelant ainsi que l'actuel locataire de l'Élysée ne détenait ni restaurant ni navire. C'était bien tenté, l'atmosphère gauloise favorable aux jeux de mots assurant que la publicité ne serait point passagère.

On se devait donc de répliquer dans le camp gouvernemental. Il se contentait jusque là de tenter de se ridiculiser en proposant des mesures absconses dont le principe sera de faire distribuer une prime sur un critère arbitraire mais auprès des salariés qui sont déjà parmi les plus favorisés. On se décida donc à employer les grands moyens; une manœuvre innovante fut décidée. C'est ainsi que Laurent Wauquiez, chargé des affaires européennes, déclara que les récipiendaires du RSA devaient au moins 5 heures de travail par semaine et que le manque d'écart entre les revenus de l'assistance et ceux du travail était le cancer de la société française. Comme il déclara que le RSA c'est juste essayer de faire en sorte que quand quelqu'un est dans des minima sociaux comme le RMI et qu'il recommence à travailler, chaque heure où il travaille lui rapporte de l'argent ou encore que ce qui n'est pas acceptable, c'est de laisser trois millions de personnes au bord de la route, qu'on a laissé s'enfermer dans une logique d'assistance passive depuis vingt ans, on constate qu'il se contredit à quelques années d'intervalle, même s'il ne fait que rappeler une promesse du candidat Sarkozy.

Le point principal, c'est qu'alors qu'il fut successivement porte-parole du gouvernement lors de la préparation du RSA puis chargé de l'emploi lorsque la loi fut votée, il disait tout bonnement que le bilan du gouvernement auquel il appartient est exécrable. Afin que cet élément ne passe point inaperçu, il fut secondé par le premier ministre et le président de la république qui répandirent en compliments sur le RSA. Cette tactique est particulièrement innovante, elle ne consiste pas seulement à faire fuir les deux côtés de l'électorat, celui qui se scandalise de la stigmatisation des pauvres et celui qui abhorre l'assistanat. Il s'agit bien de rappeler que cette mesure n'a pas atteint son but. On peut d'ailleurs se demander si l'existence-même d'un revenu minimum ne rende pas obligatoire l'existence de récriminations quant au faible écart avec les revenus du travail. C'est un lieu commun de la politique française que de dire que le SMIC permet à peine de vivre dignement, tout revenu minimal est donc condamné à ne pas en être si éloigné pour permettre au récipiendaire de survivre. Cette caractéristique de la solidarité nationale permet ainsi de se discréditer à coup sûr à condition de vouloir souligner sa propre incompétence.

On pourrait croire que Laurent Wauquiez fait fausse route en se faisant passer pour un opposant. Après tout, ce fut la tactique employée par Nicolas Sarkozy jusqu'en 2006 et on put constater qu'elle échoua lamentablement puisque ce dernier fut élu. Mais Laurent Wauquiez soutiendra sans nul doute le président Sarkozy lors de la prochaine élection et c'est ce qui rend sa déclaration inédite: sans se poser en opposant, il conteste une mesure majeure du gouvernement à moins d'un an de l'échéance. Pour compléter le tout, Laurent Wauquiez reste au gouvernement, renforçant ainsi l'aspect contradictoire et bancal de ce gouvernement. C'est cependant la seule faiblesse de cette manœuvre: on pourrait aussi croire que les acteurs sont de mèche et qu'il s'agit là d'une ruse destinée à assurer la défaite. La course à la défaite a besoin d'un certain degré de discrétion, sans quoi les Français sanctionneraient les politiques démasqués en leur accordant leurs suffrages. Mais on peut dire que c'est là un coup de maître auquel je ne connais pas de précédent!

6 avril 2011

30 raisons de ne pas voter socialiste l'année prochaine

L'UMP dispose d'énormes avantages pour perdre les prochaines élections présidentielles. Elle est au pouvoir depuis 10 ans, la France vient de traverser la pire crise économique depuis la seconde guerre mondiale, sa figure de proue, Nicolas Sarkozy, se fait remarquer par son impopularité, ses caciques trouvent de bonnes idées de débats, à mille lieues des préoccupations de l'homme de la rue ou font des déclarations qui leur aliènent peu à peu l'électorat acquis du centre droit. Largement distancé par l'UMP dans la course à la défaite aux présidentielles de 2012, le parti socialiste se devait de réagir.

Quoi de mieux que ce classique socialiste qu'est le programme? L'UMP est bien en mal d'écrire un programme formel. Certes, elle dit organiser divers colloques dont c'est le but mais, lorsque le scrutin se fera proche, tout le monde y sait bien que c'est la personne du chef qui sera mise en avant et qui décidera ce qu'on dira. Le parti socialiste, lui, prétend se refuser aux dérives personnelles et se veut ontologiquement plus collectif. Le programme y occupe ainsi une place traditionnelle dans la défaite, du Programme Commun aux 100 propositions de Ségolène Royal. Certes, les gens vivant de plus en plus longtemps, ils se souviennent des stratagèmes utilisés lors des élections antérieures pour perdre, mais le programme conserve une certaine efficacité. Commençons par la plus évidente: n'ayant pas encore choisi de candidat, le programme est censé leur convenir à tous, mais tout le monde sait bien que c'est faux. En prenant les gens pour des idiots, on lance classiquement mais efficacement la machine. Une conséquence immédiate est que le candidat choisi reniera certaines des promesses du programme avant même que d'arriver en vue de l'élection, un atout indéniable.

Sans plus attendre, étudions la dernière livraison.

1. Pour muscler la compétitivité de la France, nous créerons une Banque publique d’investissement, qui investira dans la recherche et l’innovation, soutiendra les PME-PMI, prendra des participations dans les activités stratégiques et les filières industrielles d’avenir, et dont les moyens seront mobilisés sous la forme de fonds régionaux en copilotage avec les régions et leurs élus.

On commence mollement. Le PS se propose dans le plus grand classicisme de gaspiller de l'argent en prétendant changer l'orientation d'institutions financières existant déjà et reconnaître les secteurs d'avenir. De façon plus nouvelle, le PS propose de faire en sorte que ces subsides soient accordés par le cacique local, pour qu'on puisse bien soupçonner que le favoritisme joue un grand rôle dans la distribution. Il y a toutefois plus novateur: le programme veut muscler la compétitivité de la France, ce qui impliquera parfois de restructurer les entreprises qu'on rachète et donc de procéder à des licenciements, surtout quand il s'agira de canards boîteux, alors même que les salariés n'attendent en fait qu'une chose de ce rachat par l'état: la sécurité de l'emploi.

À défaut de faire perdre, cette initiative peut permettre de quitter le pouvoir aussi vite que possible, en exposant au grand jour les échecs qu'une telle politique ne manquera pas d'engendrer.

2 .Pour relancer l’investissement, nous baisserons l’impôt sur les sociétés de 33 % à 20 % pour les entreprises qui réinvestissent intégralement leurs bénéfices et, pour compenser les pertes de recettes pour l’État, nous l’augmenterons jusqu’à 40 % pour celles qui privilégient les dividendes des actionnaires.

Une mesure promise à un grand succès. On remarque d'abord que le PS ne pense pas qu'elle soit si incitative que cela puisque l'augmentation et la réduction d'impôt ne sont pas symétriques. Cependant, on peut déjà voir qu'une telle mesure ne peut qu'être exploitée dans des buts qui n'ont rien à voir avec le but initial. Le premier réflexe peut être de bêtement délocaliser les bénéfices ailleurs, ou bien encore le domicile fiscal de la société. Mais cela n'est pas le plus probable. Par contre, la théorie financière classique affirme que les rachats d'actions sont relativement équivalents aux dividendes, au sens qu'en dépensant de l'argent pour racheter ses propres actions, une société augmente la valeur de celles qui restent sur le marché, chacune emportant alors une part plus importante des profits. Il est sans doute possible de faire passer de tels rachats, via un montage astucieux, pour des investissements. À défaut, il y a un autre écueil qui se présente: ce type de disposition favorise les dirigeants de l'entreprise par rapport aux actionnaires. Les dirigeants sont incités à se construire des empires personnels. Non seulement faire grossir leur entreprise par des rachats extérieurs ou des diversifications leur permet d'augmenter leur salaire, mais le taux d'imposition des bénéfices diminue aussi, ce qui permet de diminuer les éventuelles contestations des actionnaires.

C'est ainsi que le PS peut ici réaliser un excellent accord. Non seulement il va mécontenter les électeurs de droite, attachés, on s'en doute, à la liberté de faire ce qu'on veut et à leurs dividendes, mais aussi leur propre électorat qui verra s'accroître les rémunérations des dirigeants ainsi que les échecs des aventures industrielles se soldant bien souvent par des licenciements. Notons que cet accord se produit dès la deuxième proposition.

3. Pour que l’Europe puisse innover, nous proposerons à nos partenaires d’émettre des emprunts européens (eurobonds) afin de financer les investissements du futur (réseaux de transport d’énergie, réseaux numériques, biotechnologies...) et les champions industriels de demain.

C'est ici un grand classique: la promesse qu'on ne tiendra pas, simplement parce que sa réalisation repose sur d'autres que soi et dont on subodore l'opposition à de telles mesures. L'électeur ne peut que flairer l'irréalisme des ces propositions et se dire que, décidément, on se moque de lui. On peut ajouter là quelques remarques supplémentaires sur les secteurs d'investissement envisagés. Tout d'abord les biotechnologies: on connaît le grand succès des OGMs en France, auquel le PS est opposé. On se propose donc sans doute d'investir dans ces technologies dont on a tenté d'empêcher l'application. Ensuite les réseaux numériques dont il se trouve que les investissements sont en grande partie supportés par des intervenants privés, il ne semble donc pas qu'il y ait besoin d'un soutien public. Quant aux réseaux électriques, on sait la joie des riverains à accueillir ces si jolis pylônes habituellement financés par leur facture électrique. Pour finir, on peut constater que la France est plutôt bien équipée en infrastructures et que, ayant une vocation européenne, il y a donc peu de chances que ces investissements soit principalement effectués en France.

Cette promesse allie donc une non réalisation quasi-certaine à une certaine inutilité, ce qui n'est pas mal. À noter que la droite avait fait mieux avec la TVA réduite dans la restauration, où non seulement la réalisation paraissait fort incertaine, mais on savait aussi que sa réalisation poserait des problèmes aux finances publiques pour un résultat sans doute médiocre.

4. Pour l’emploi des jeunes, nous créerons 300 000 « emplois d’avenir » dans les domaines de l’innovation environnementale et sociale.

Quoi de mieux que de ressusciter une mesure qui a déjà mené à la défaite? Celle-ci commence à être assez ancienne mais chacun peut encore se souvenir ce qu'il est advenu des bénéficiaires de la mesure, ce qui un avantage indéniable: on bénéficie de gens qui font campagne contre soi sans trop forcer.

5. Pour protéger les salariés, nous dissuaderons les licenciements boursiers par des pénalités financières pour les entreprises qui en même temps versent des dividendes à leurs actionnaires.

Autre proposition à succès: promettre de vainement protéger ceux qui bénéficient déjà d'avantages tout les empêchant d'en profiter. En effet, les seules entreprises qui pratiquent les soi-disant licenciements boursier sont les entreprises cotées qui sont en bonne santé financière. Ce sont donc de grandes entreprises, souvent industrielles, où les salaires sont ainsi supérieurs à la moyenne, où les syndicats sont plus implantés qu'ailleurs et où par voie de conséquence, les plans de licenciements sont plus généreux qu'ailleurs. Notons qu'attendre d'être en mauvaise santé financière ne permet plus autant de largesses... Mais le point véritablement important, c'est que ces licenciements sont certainement très minoritaires parmi les licenciements économiques et que rien d'autre n'est proposé aux chômeurs ou même seulement aux licenciés économiques.

C'est donc une promesse brillante, puisqu'avec un peu de chance, elle démontrera l'impotence voire la duplicité de celui qui l'a formulée, tout en faisant penser au plus grand nombre, qui ne peut de toute façon en profiter, qu'on ne se préoccupe pas de ses problèmes mais de ceux qui ont déjà certains avantages. Le message est aussi clair, au cas où ces grands groupes auraient l'intention, par extraordinaire, d'embaucher en France: surtout ne faites pas ça!

6. Pour protéger les intérêts de l’Europe, de ses savoir-faire et de ses salariés dans la mondialisation, pour mieux réguler le commerce, nous agirons pour augmenter les droits de douane sur les produits provenant de pays ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, sanitaire ou environnementale.

Dans la même veine que la proposition 3, on nous propose une mesure qui n'a aucune chance d'aboutir. On y ajoute le parfum habituel du protectionnisme, ce qui permet de faire de la publicité aux extrémistes et passer pour impuissants. Une nouvelle fois le message est clair: nous sommes envahis par des produits estrangers, faits dans des conditions dignes de Zola. Pour leur peine, ces pauvres devront le rester, puisqu'on ne leur achètera rien.

7. Pour réduire l’endettement de la France, nous affecterons à la réduction de la dette la moitié des marges financières que nous dégagerons.

Excellente proposition: on est bien en peine de trouver dans ce projet une hausse nette des impôts ou une baisse nette des dépenses, au contraire, dès la proposition 2. tout indique que les recettes seront moindres. On se demande donc quelles sont ces marges financières. C'est tout l'intérêt de cette promesse dont les tenants passent pour de sympathiques comiques. Ce serait pourtant une bonne chose que de savoir comment le PS compte réduire le déficit public, en ce moment à des niveaux records.

8. Pour encourager les comportements écologiques, nous rendrons la TVA « éco-modulable » (diminuée sur les produits non-polluants et augmentée sur les produits polluants).

Le PS évite bien de dire ce que sont ces comportements écologiques. On peut penser que c'est là l'idée: la TVA est un impôt notoirement idiosyncrasique: les délimitations entre le taux réduit et le taux plein sont souvent arbitraires. On subodore donc qu'il en sera de même ici, le PS promettant d'augmenter ou baisser les impôts à la tête du client, toujours une idée populaire. Cela rappelle aussi le bonus-malus automobile qui devait s'autofinancer pour finalement coûter relativement cher à l'état. Autant pour les «marges financières».

9. Pour que notre alimentation soit plus saine et pour que les agriculteurs vivent de leur travail, nous orienterons les achats alimentaires des collectivités locales vers l’agriculture et la pêche de proximité (lait et laitages, viandes, fruits et légumes).

Pour augmenter la qualité des produits, il faut donc devenir captif d'un fournisseur, c'est bien connu. De même, on paiera mieux les agriculteurs mais on se doute que la cantine ne coûtera pas plus cher!

10. Pour sortir de la dépendance du nucléaire et du pétrole, nous développerons massivement les économies d’énergie et les énergies renouvelables et nous proposerons à nos partenaires la mise en place d’une Communauté européenne des énergies.

Pour échapper à nos dépendances, nous allons donc vivre sans électricité. Les énergies renouvelables n'ont aucune crédibilité pour produire l'électricité dont nous avons besoin au moment où nous en avons besoin. De plus, les fameuses énergies renouvelables développées actuellement, l'éolien et le solaire, ont besoin d'énergies d'appoint, en l'occurrence des combustibles fossiles. On voit donc mal en quoi la dépendance serait réduite. Proposer de vivre moins bien et pour plus cher qu'avec une technologie ayant fait ses preuves, y compris pendant les accidents, voilà une proposition pour gagner!

11. Pour alléger la facture énergétique des Français, nous réinvestirons une partie des superprofits des groupes pétroliers dans des aides à l’isolation, le développement des énergies renouvelables et la mise en place de tarifs sociaux pour le gaz et l’électricité.

Juste après avoir proposé de faire monter en flèche le coût de l'électricité, le PS propose de faire baisser la facture énergétique des Français. Se contredire en 2 propositions consécutives, c'est un moyen efficace de montrer qu'on est incompétent et qu'on dit n'importe quoi. On peut donc en rajouter. On va taxer les profits des groupes pétroliers qui n'en font plus en France, puisque leurs profits sont concentrés dans l'extraction du pétrole. On propose des tarifs sociaux qui existent déjà. Tout cela ruine la crédibilité et augmente la probabilité de la défaite.

12. Pour stopper l’envolée des loyers, nous plafonnerons leur montant lors de la première location ou à la relocation, notamment dans les zones de spéculation immobilière.

Enfin une mesure dont on est sûr qu'elle sera contreproductive. Cela a déjà été évoqué ailleurs, mais on peut encore en dire un mot. Pour augmenter l'offre les élus locaux et notamment les maires jouent un rôle crucial puisqu'ils élaborent les PLU et accordent les permis de construire. Il s'avère que les mairies des grandes villes sont plutôt dirigées par des maires socialistes. On se demande ce qu'ils attendent pour faire augmenter l'offre. On voit là que le but de cette proposition revient aussi à souligner l'inefficacité actuelle des élus socialistes. Non seulement, on s'arrange pour ne pas gagner les prochaines élections, mais on instille le doute quant aux élus actuels pour perdre les postes occupés aujourd'hui: un coup de maître.

13. Pour aider les jeunes adultes à se loger et à se soigner afin qu’ils réussissent leurs études, nous créerons une allocation d’étude sous condition de ressources.

Jadis, ces subsides furent connus sous le nom de bourses.

14. Pour que l’égalité salariale femme-homme devienne une réalité, nous en ferons une condition pour conserver des exonérations de cotisations patronales.

Histoire de bien faire fuir les électeurs, on propose de conditionner le moyen principal de lutte contre le chômage des non-qualifiés à une quête en cours depuis fort longtemps maintenant et que maintes obligations n'ont jamais réussi à réaliser. On fait ainsi d'une pierre deux coups: on ruine l'existant pour échouer dans le futur. Brillant.

15. Pour une plus juste répartition des richesses au bénéfice des salariés, nous organiserons une conférence salariale annuelle tripartite et engagerons un rattrapage du smic. Nous limiterons les rémunérations abusives : rémunérations variables n’excédant pas la part fixe, écarts de rémunérations de 1 à 20 maximum dans les entreprises à participation publique, présence des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance et les comités des rémunérations.

Dans la continuité de la proposition précédente, on propose de faire grimper le coût du travail. En 2007, Ségolène Royal avait dit qu'elle ne croyait pas (vers 6:20) à l'augmentation du SMIC. C'est dire si c'est crédible en 2012... Mais tout cela est fort classique, la véritable pépite, c'est le plafonnement des salaires, mais uniquement dans les entreprises où l'état détient une participation. Là est le premier problème: les fameuses rémunérations abusives existeront toujours. On perçoit aussi qu'il sera plus facile de parachuter d'anciens de cabinets ministériels, puisque les dirigeants voudront parfois être payés comme leurs congénères quittant alors l'entreprise publique qu'ils dirigent. Pour ce qui est des autres difficultés, il faut se tourner vers un cas pratique: la société Renault. Renault ayant des usines en Roumanie, il faut se poser la question de la rémunération de base servant à calculer le maximum. Les salaires étant notoirement plus bas en Roumanie, prendre le salaire minimum payé en Roumanie diminuerait énormément la rémunération de son dirigeant et de nombreux cadres, qui serait peut-être condamnés à ne gagner que 5 fois le SMIC au maximum, ce qui constituerait un handicap certain sur le marché de l'emploi des cadres. Mais il y a mieux: Renault est détenu à 15% par l'état et à 15% par Nissan. On voit bien que quoique dise l'état sur le salaire de Carlos Ghosn, le dirigeant de Nissan, Ghosn Carlos, pourra s'y opposer sans trop de peine.

C'est donc une mesure remarquable: on est d'ores et déjà sûr qu'elle ne résoudra rien, qu'elle favorisera les soupçons de copinage que l'implémentation sera impossible et plus généralement qu'elle se heurtera à de multiples difficultés. C'est une alliance qu'on peut rarement réaliser.

16. Pour les retraites, nous rétablirons l’âge légal à 60 ans et nous engagerons la réforme des retraites promise aux Français, fondée sur des garanties collectives, permettant des choix individuels et assurant l’avenir des régimes par un financement du premier au dernier euro. Pour organiser sa vie, chaque Français disposera d’un compte temps-formation.

Le PS promet de revenir à la retraite à 60 ans. On ne sait pas comment cela sera financé, mais d'après les positions lors de la réforme de 2009, il s'agissait d'augmenter les impôts sur ceux qui travaillent ainsi que de diminuer les retraites servies. Rappelons aussi que les salariés permettent de financer l'assurance maladie et les prestations familiales bien mieux que les retraités. Chacun comprendra ainsi qu'il s'agit d'un marché de dupes, un bon moyen de perdre.

17. Pour la réussite scolaire de chaque jeune, nous conclurons un nouveau pacte éducatif entre les professeurs et la Nation. Il mettra l’accent sur le primaire et les premiers cycles d’enseignement supérieur qui sont les fragilités les plus grandes de notre système. Il sera fondé sur une refonte des rythmes scolaires et des programmes, une personnalisation accrue des enseignements et une revalorisation du métier d’enseignant. Un droit à la formation initiale différée sera accordé à ceux qui ont quitté le système scolaire de manière précoce.

On enchaîne avec le classique cadeau aux catégories dont on est presque sûr qu'elles voteront pour le parti socialiste. Une bonne occasion de s'aliéner les autres, dont les votes sont incertains, en ces temps de disette budgétaire.

18. Pour l’épanouissement des tout-petits, l’accueil en crèche et la scolarisation à deux ans sera développé.

On peut rapprocher cette proposition de la précédente, la généralisation de la scolarisation à 2 ans créant de nombreux postes d'enseignants, pour un bénéfice qui n'est pas si clair — surtout en fonction de la date de naissance de l'enfant.

19. Pour la santé, nous remettrons l’hôpital au cœur du système, et nous demanderons aux jeunes médecins libéraux d’exercer en début de carrière dans les zones qui manquent de praticiens.

Après les ZEP, on va donc créer des Zones Médicales Prioritaires où les médecins généralistes n'auront qu'une obsession: partir. Cela améliorera sans nul doute la qualité des soins, comme le fait que les jeunes enseignants soient envoyés en ZEP sans beaucoup d'expérience améliore la qualité de l'enseignement qui y est prodigué. Le souci de l'égalité du PS s'expose clairement: ce sont les jeunes qu'on contraindra, les vieux, eux, seront protégés de toute servitude. On voit aussi qu'il s'agit de convaincre une catégorie votant généralement pour l'adversaire, les médecins, de voter pour le parti socialiste l'année prochaine.

20. Pour améliorer la prise en charge des personnes âgées dépendantes, à domicile ou en établissement nous ferons appel à la solidarité nationale.

En clair, les jeunes gens qui travaillent devront payer une nouvelle fois un peu plus pour une protection sociale des vieux. Si vous ne voulez pas mettre votre enfant en crèche ni à l'école dès 2 ans, le PS est avec vous de tout son cœur. Rappelons aussi que le PS protège sans doute les plus de 60 ans de cette taxe, étant à la retraite et considérés sans doute comme allant vers la dépendance. Il faut ici se rappeler que les moins de 65 ans ont voté majoritairement pour Ségolène Royal en 2007, il s'agit donc sans doute de les décourager pour qu'ils ne commettent pas la même erreur cette fois-ci.

21. Pour améliorer la sécurité des Français et la tranquillité publique, nous renforcerons les moyens de la police, de la gendarmerie, notamment en créant 10 000 postes de gendarmes et de policiers de proximité. Pour une justice plus efficace, nous procéderons au rattrapage des moyens. Nous fixerons l’objectif que chaque acte de délinquance trouve une réponse immédiate, juste et proportionnée.

Rappelons que le PS compte dégager des marges financières, il embauchera donc des fonctionnaires dans tous les domaines. Cette proposition se distingue aussi par sa platitude: on se demande qui pourrait se donner pour objectif des réponses lointaines, injustes ou disproportionnées. Il s'agit aussi d'un serpent de mer, qui a donc peu de chances de séduire l'électeur, déjà blasé par les promesses qui furent faites autrefois.

22. Pour davantage de justice dans les impôts, nous fusionnerons l’impôt sur le revenu et la CSG dans un impôt citoyen plus progressif et prélevé à la source.

Outre qu'on peut s'interroger sur l'existence d'impôts inciviques, on peut qu'être attiré par cette proposition qui simplifierait sans doute le système actuel. Le côté lapidaire du programme ne permet pas de connaître les modalités, mais l'électeur est alléché. On n'est pas à l'abri d'un accident qui glisserait une proposition intéressante au milieu de cette machine destinée à faire perdre. Il s'agissait de corriger cette mauvaise impression au plus vite. Jérôme Cahuzac s'en est chargé: la fusion n'aura lieu qu'après nettoyage des niches fiscales, c'est-à-dire jamais. Pour mesurer la motivation probable du PS à éliminer les niches fiscales, il suffit de noter que 2 au moins sont proposées dans ce projet!

23. Pour revaloriser le travail, nous ferons en sorte que les revenus du capital ainsi que les bonus et stock-options soient soumis au même taux d’impôt que les revenus du travail, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Souhaitons bonne chance aux socialistes: les revenus du travail sont presque en permanence taxés à 50% et plus par les impôts directs, en tout cas pour les personnes visées. L'impôt sur les sociétés est au maximum d'un tiers, le risque d'arbitrage est donc très clair.

24. Pour limiter la spéculation et financer la réduction des déficits publics, nous instaurerons au niveau européen une taxe de 0,05 % sur les transactions financières.

En 30 propositions, il y a donc 3 propositions impossibles car elles ne dépendent pas du PS, mais de nos partenaires. Dans le cas présent, l'unanimité est requise, ce qui règle la question, certains états sont opposés à toute taxation européenne.

25. Pour lutter contre les discriminations, nous généraliserons les CV anonymes, sans nom ni photo et nous expérimenterons un système d’attestations remises par les policiers lors des contrôles d’identité.

Imaginons la joie de celui qui se fait contrôler 20 fois dans la journée. Au lieu de montrer 20 fois ses papiers, il les montrera une fois puis 19 fois l'attestation, c'est-à-dire un autre papier. Le progrès, sans doute.

Il faut évidemment généraliser les CVs anonymes qui sont apparemment défavorables à ceux qu'on entend aider.

26. Pour assurer l’égalité des genres et des familles, nous ouvrirons le droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples. Pour permettre l’accès de tous à la vie de la cité, nous garantirons l’existence d’un volet handicap dans chaque loi et nous élèverons progressivement l’allocation adulte handicapé et le complément de ressources à 100% du SMIC.

On se demande comment les marges financières vont être trouvées. De plus, toutes les lois auront un volet handicap, même celles qui n'ont aucun rapport avec ce sujet, un bon moyen de se ne pas paraître sérieux.

27. Pour une politique juste et efficace en matière d’immigration, nous voterons tous les trois ans une loi d’orientation et de programmation qui sera élaborée en concertation avec les partenaires sociaux et les territoires qui assurent l’accueil et l’insertion des migrants; nous renforcerons la lutte contre les employeurs qui ont recours au travail clandestin et contre les trafiquants; nous créerons un vrai contrat d’accueil et d’intégration, fondé sur des obligations réciproques et insistant sur la maîtrise de la langue et la compréhension des droits et des devoirs républicains.

Pour mener une politique juste et efficace en matière d'immigration, nous reprendrons la politique injuste et inefficace de nos prédécesseurs. Par contre, nous voterons moins de lois!

28. Pour conforter les contre-pouvoirs, nous garantirons l’indépendance de la justice (fin des instructions individuelles, carrières des magistrats non soumises au pouvoir politique) ; nous ferons voter une loi anti-concentration dans les médias et les responsables de l’audiovisuel public ne seront plus nommés par le président de la République.

Quoique le parti socialiste fasse ses plus grands efforts pour perdre, on ne peut exclure que des mesures qui peuvent attirer les électeurs se glissent dans le programme par mégarde. C'est peut-être aussi un stratagème: si on ne met que des mesures repoussoir, les électeurs se méfieraient et pourraient ne plus tenir compte du programme. Le candidat du parti socialiste risquerait alors de gagner, un désastre.

29. Pour approfondir la démocratie, nous renforcerons le rôle du Parlement, nous introduirons une dose de proportionnelle aux élections législatives, nous accorderons le droit de vote aux étrangers aux élections locales, nous transformerons le Conseil constitutionnel en une véritable Cour constitutionnelle indépendante, nous supprimerons leur dotation publique aux partis qui ne respecteront pas l’objectif de la parité, nous lutterons contre les conflits d’intérêt et nous imposerons une limitation du cumul des mandats.

C'est ainsi que reviennent les vieux serpents de mer. Le droit de vote pour les étrangers aux élections locales devait faire partie des propositions de Mitterrand en 1981, c'est dire!

Pour encourager la démocratie locale, nous abrogerons la réforme territoriale imposée par l’UMP, nous engagerons une nouvelle étape de la décentralisation assurant l’autonomie financière et de gestion des collectivités, une péréquation bénéficiant aux territoires défavorisés et un nouveau pacte de confiance et de développement entre l’État et les collectivités.

Les collectivités auront une autonomie financière, ce qui rendra très pratique la coordination budgétaire. On peut aussi se demander quels sont les impôts qui seront fixés par les régions, et ce d'autant plus qu'il y aura une péréquation, ce qui veut dire un niveau de prélèvement fixé au niveau central et donc une autonomie très sévèrement encadrée.

2 février 2011

Impotence

Ainsi, deux cohortes de la garde prétorienne compagnies républicaines de sécurité ont obtenu à la suite d'un mouvement de protestation de ne point être dissoutes. Des policiers ont donc contourné la loi qui les empêche de se mettre en grève en recourrant à des arrêts maladie et même en faisant la grève de la faim, de façon résolument post-moderne, puisque pour certains, il s'agissait de refuser leurs plateaux-repas pour les offrir à une association pour sans-abris. À la place de la suppression de 2 compagnies, on a appris qu'un effectif équivalent (280 CRS) quitteront cette force pour aller officier en commissariat. Ces suppressions étaient prévues dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, censée améliorer l'efficacité de l'action de l'état et, par là, en diminuer le coût.

Cette décision ne peut que rendre pessimiste sur les objectifs affichés de la RGPP. En effet, il est difficile de croire que les 2 solutions en concurrence aient été équivalentes du point de vue du compromis efficacité-coûts. Soit les compagnies de CRS comptent des effectifs surnuméraires, soit il y a trop de compagnies. Dans le premier cas, il y a des personnes sous-employées dans chaque compagnie, dans l'autre, des compagnies sont sous-employées. On ne se prononcera pas sur le point de savoir quelle hypothèse est la bonne. Il suffit de remarquer que l'état a été soit incapable de faire le bon choix avant que les premiers concernés n'eurent recours à des stratagèmes douteux, soit il a plié et a renoncé à la solution optimale. Il s'en est d'ailleurs suivi une logique réplique au sein de la gendarmerie mobile, dont les missions sont similaires, quoiqu'exercées sans doute de façon un peu différente. Cette dernière a vu la disparition de 8 escadrons en 2010 et de 7 en 2011, dissolutions annoncées parfois cavalièrement. Il semble donc que l'appréciation originelle du gouvernement est qu'il y a trop de brigades de maintien de l'ordre et pas assez de personnes dans les commissariats et que ce dernier a renoncé à supprimer des compagnies de CRS, ce qu'il faisait d'ailleurs parcimonieusement par rapport aux escadrons de gendarmerie mobile. La décision monte que, loin de privilégier les nécessité du service pour réduire les coûts et par là, faire que le citoyen-contribuable soit le mieux servi possible, il s'agit avant tout de réduire les coûts quelqu'en soient les conséquences.

La manière aussi de la contestation — et donc de la reculade — est révélatrice. Des gens dont on attendrait qu'ils soient loyaux et qu'ils ne se soustraient point à leur devoir ont choisi de contourner de façon évidente l'interdiction qui leur est faite de la grève. Cette interdiction se comprend aisément en ce que le maintien de l'ordre est un des premiers impératifs de l'état, pour assurer la sécurité des citoyens et plus généralement de tous ceux qui peuvent se trouver sur le territoire national. Ils ont de plus eu recours à des moyens extrêmes, quoiqu'en l'occurrence surtout mis en scène, comme la grève de la faim. Ils ont aussi utilisé des certificats médicaux de complaisance. Un tel comportement aurait dû conduire, non pas à renoncer à dissoudre des compagnies, mais plutôt à en dissoudre plus et à épargner les gendarmes mobiles qui, eux, se limitent aux formes acceptées de protestation des militaires, par les retraités et les conjoints. Le gouvernement récompense ainsi la déloyauté et punit la loyauté. Il est alors difficile de s'étonner des diverses résistances aux changements en France, puisque, finalement, les gens de bonne volonté se retrouvent forcément victimes de ces réformes, les fourbes et autres tricheurs pouvant espérer être bien traités et récompensés. Leur usage de certificats de complaisance montre aussi que les CRS ont fait un grand usage des petites et grandes déviances de la société française. Cette action est un exemple éclatant de la fameuse société de défiance. Comme nous le chante Polinesso dans Ariodante:

Voir que la duperie peut si bien réussir
m'incite à renier la vertu à jamais.
Quiconque n'aspire qu'à ce qui est licite
finit toujours ici-bas par s'en repentir

On ne peut toutefois s'empêcher de noter que par la succession des événements, le gouvernement réussit l'exploit de mécontenter ses propres électeurs tout en étant sûr de n'en rallier aucun. L'effet de ses mesures d'économies ont été exposés, thème éminemment favorable à l'opposition surtout au vu de la façon dont il a été géré: par le renoncement à l'efficacité. Le gouvernement a aussi cédé à des grévistes, et pas à n'importe quel syndicaliste de la CGT, mais à des policiers, ce qui a certainement été apprécié à sa juste valeur par les amateurs d'ordre. Il a traité des situations très similaires de façon visiblement injuste, ce qui a certainement plu au plus grand nombre. C'est donc certainement un grand chelem sur le baromètre de Que le meilleur perde!

12 décembre 2010

Benoît Hamon se laisse aller dans le Figaro

Benoît Hamon qui présidait aux travaux de la convention Égalité réelle du parti socialiste, donnait, à l'occasion de sa conclusion, une interview au Figaro. Il a sans doute vu là l'occasion de suivre les leçons du visionnaire Michel-Antoine Burnier et son excellent opuscule ''Que le meilleur perde'', dont on trouvera ailleurs un résumé.

Dans le désordre, Benoît Hamon nous gratifie des propos suivants:

Ses partisans revendiquent aussi le terme d'égalité réelle…

C'est vrai. DSK avait écrit un petit livre sur l'égalité réelle. Il n'est pas le premier. Un autre économiste en avait parlé avant lui, il s'appelle Karl Marx.

Belle tentative de s'attirer la sympathie du lecteur du Figaro. L'économiste néoclassique est sans nul doute une des autorités préférées de ces lecteurs, sans doute parce qu'il est, depuis plus de 150 ans, à l'origine de certains des plus grands succès de l'histoire. Benoît Hamon souhaite aussi certainement que l'aura du grand homme retombe aussi sur Dominique Strauss-Kahn, dont il est certainement idéologiquement proche.

L'absence de chiffrage a été critiquée…

Les socialistes ne proposent que ce qu'ils savent pouvoir financer. C'est la droite qui ruine la France. La préoccupation du chiffrage est légitime mais prématurée. Il faut mettre les choses dans le bon ordre. Nos propositions s'inscrivent dans une démocratie de long terme: il y a des mesures d'urgence et des mesures de court, moyen et long terme. Difficile d'additionner une dépense à dix ans et une dépense pour un an.

Benoît Hamon réussit un tour de force notable: il arrive à savoir comment financer ses promesses sans pour autant savoir combien elles coûtent. Ce faisant, il prend toutefois le risque de convaincre les électeurs amateurs de volontarisme. Au cas où ces électeurs potentiels liraient ces propos, il se dépêche de les faire fuir en leur faisant comprendre que si jamais il y avait une erreur d'appréciation financière, nombre de mesures seraient remises à dans dix ans, soit quand le prochain candidat socialiste, s'il l'emporte deux fois de suite, sera forcé de prendre sa retraite.

Votre objectif était-il de remettre le PS sur des rails de gauche?

J'ai lu quelques analyses d'intellectuels très critiques à l'égard de ce texte. Ils adressent régulièrement des injonctions pour que l'on abaisse le modèle social. Mais ils vivent dans un monde où le smic est à 10000 euros par mois! Alors le bon indicateur du fait que le PS est sur de bons rails, c'est que tous ces bavards fatigués n'aiment pas ce texte.

Face à une droite qui met en œuvre l'austérité, le projet du PS ne peut pas être de dire qu'avec la gauche, ce sera «l'austérité autrement». Si c'est cela le slogan de la présidentielle, le verdict est déjà connu. Cette ligne ne peut pas gagner.

Benoît Hamon sait qu'aujourd'hui les électeurs sont suspicieux et ne tombent pas dans le piège: ils savent que les hommes politiques font des déclarations exprès pour perdre les élections. Il a aussi constaté qu'il avait à faire à une forte concurrence en les personnes de Jean-Louis Borloo et Brice Hortefeux. Il décide de dire que lors de la prochaine campagne, pour gagner, il faudra mentir et ne pas se limiter pour de banales considérations d'intendance. En soi, ces tirades ne font guère fuir les électeurs comme l'ont montré les campagnes de 1995, 2002 ou 2007, même s'il est exceptionnel que ce soit dit aussi directement. Cependant, il bénéficie d'un atout de poids avec ses déclarations sur George Papandreou, le premier ministre grec. Un certain nombre de commentateurs avaient alors relevé que Papandreou s'était laissé aller à de dispendieuses promesses lors de la campagne, ce qui prend aussi tout son sel quand on regarde l'interview de son ministre des finances par Jean Quatremer. Il y déclare s'être douté que la situation des finances publiques grecques était grave.
Hamon est ainsi l'incarnation de celui qu'il critique, ce qui est un coup de maître pour qui compte perdre. Il restait alors un détail: Papandreou s'était attelé à la restauration de l'ordre ancien. Il était grand temps de faire appel à Marx pour éviter de convaincre les lecteurs du Figaro...

8 décembre 2010

Amateurs d'art surréaliste

Aujourd'hui, alors que la neige perturbe fortement la circulation en région parisienne, au point que des personnes sont bloquées à leur travail, Brice Hortefeux s'est fendu d'une déclaration:

"A ce stade, il n’y a pas de pagaille puisque le préfet de police est venu en quelques minutes", a assuré mercredi après-midi, Brice Hortefeux, lors d’une conférence de presse. "Ce qui pose problème, ce sont les routes lorsqu’elles sont inclinées. Les conditions météorologiques entraînent des complications, c’est le mot juste ‘complications’", a tenté d’argumenter le ministre de l’Intérieur alors que les transports sont paralysés par la neige en Ile-de-France. "Généralement, vous savez ce qu’il y a avec ‘pagaille’, c’est ‘pagaille indescriptible’. Vous voyez, précisément, là on décrit la réalité de la situation et ça démontre qu’il n’y a pas de pagaille", a conclu Brice Hortefeux.

Ainsi, on voit qu'il doit être souverainement difficile d'admettre la réalité provoquée par les aléas du climat, c'est-à-dire qu'effectivement, la neige provoque la pagaille à Paris lorsqu'elle tombe, ce qui n'est pas étonnant, vu que c'est un événement relativement rare. Cette rareté implique qu'il est impossible de justifier les investissements dans du matériel de déneigement supplémentaire.

On peine à comprendre les raisons de ce genre de déclarations autre que la présence d'un grand nombre d'amateurs du surréalisme se livrant à un concours de novlangue.