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4 janvier 2015

Les graves difficultés financières de l'AGIRC

Le 18 décembre dernier, la Cour des Comptes a publié un rapport sur la situation des retraites complémentaires des salariés du privé, gérées par deux associations siamoises, l'AGIRC et l'ARRCO. L'AGIRC gère la retraite complémentaire des cadres, l'ARRCO celle des autres employés; elles sont gérées par les syndicats de salariés et les organisations patronales. Le système français veut que la retraite de base ne tienne compte que du salaire jusqu'au plafond de la sécurité sociale, la pension versée à ce titre ne peut représenter plus de la moitié de ce plafond. Les retraites complémentaires apportent un complément de revenu et sont indispensables pour atteindre l'objectif d'un taux de remplacement de 66%. Pour les cadres, dont le salaire dépasse généralement le plafond de la sécurité sociale, la pension versée par l'AGIRC représente couramment 50% de la pension totale. Ces deux régimes sont actuellement en déficit. La situation financière est particulièrement difficile pour l'AGIRC dont les réserves seront épuisées d'ici à fin 2017 si rien ne change, comme cela a été annoncé dans la presse à l'été 2014.

Les origines des difficultés actuelles

Les difficultés actuelles des régimes complémentaires trouvent d'abord leur origine dans les situations économique et démographique. Il est bien connu qu'il y a de plus en plus de retraités par rapport aux actifs. Par ailleurs, la croissance de la masse salariale a été de seulement 0.2% par an en termes réels depuis 2009, parallèlement à une croissance économique presque nulle depuis 2012. Malgré les ajustements depuis 2010, le déficit actuel est pire que celui qui était prévu en 2010 si on ne faisait rien. Deficit_AGIRC_ARRCO.jpg

La différence entre les prévisions et la réalité s'explique d'abord par les prévisions systématiquement trop optimistes du gouvernement. Si on pouvait comprendre qu'en 2010, année où la croissance était de 2%, on prévoit une croissance tendancielle de 1.5% par an et une inflation d'environ 2% par an, c'est nettement plus difficile à comprendre en 2013, où la possibilité d'une stagnation économique à long terme et d'une inflation durablement faible étaient plus que des hypothèses. Malheureusement, on l'a encore constaté en 2013, les prévisions du COR sont toujours basées à court terme sur les prévisions économiques du gouvernement ce qui oblige à revenir en permanence sur les ajustements précédents, car ils sont toujours insuffisants.

C'est ainsi que les gestionnaires des retraites complémentaires ont pris des mesures de gel des retraites complémentaires, dont les bénéfices ont été largement amoindris par une inflation quasi nulle, et d'augmentation des impôts (0.25 point). Il s'attendaient aussi à pouvoir demander une plus grande durée de cotisation suite à la réforme de 2013, mais leur espoir a été déçu parce que la réforme de 2013 a prévu de boucher le déficit immédiat essentiellement par des augmentations d'impôts (p27). Cette réforme a été aussi largement sous-dimensionnée, au point d'ailleurs, qu'un gel des retraites de base, non prévu à l'origine, a été mis en place au printemps 2014.

Mais il y a aussi des actes du gouvernement qui minent la santé financière des retraites complémentaires, et plus particulièrement de l'AGIRC. Comme la plafond de la sécurité sociale est réévalué en fonction du salaire moyen et qu'il y a de plus en plus de cadres, les ressources possibles de l'AGIRC sont peu à peu préemptées par le régime de base. En effet, au dessus du plafond les cotisations à l'AGIRC remplacent en totalité les cotisations au régime général et elles y sont nettement plus élevées. L'ARRCO est peu concernée, puisque 94% des cotisations des non-cadres sont prélevées en dessous du plafond de la sécurité sociale (p46). Au total, si le plafond de la sécurité sociale avait été réévalué selon le salaire médian et non moyen depuis les années 1970, les retraites complémentaires toucheraient 2G€ de plus par an en cotisations (p49). D'autre part, en dessous du plafond, le quinquennat Hollande a préempté la plupart des hausses possibles: en arrivant au pouvoir en 2012, il a décrété une augmentation des cotisations de 0.5 point pour financer ses dispositions sur les «carrières longues» puis, en 2013, une augmentation progressive de 0.6 point.

Le cumul des mesures prises sous le quinquennat Hollande pour les retraites de base et retranscrites telles quelles pour les retraites complémentaires conduisent d'ailleurs à un déficit supplémentaire chaque année au moins jusqu'en 2030 (p26). Un certain nombre de charges nouvelles ont été créées comme l'élargissement de l'éligibilité aux «carrières longues» et le compte pénibilité. Si pour le régime général de base un surcroît d'impôt les finance, rien n'a été prévu pour les retraites complémentaires: la hausse des cotisations décidées en 2013 couvre à peine le coût de l'élargissement du dispositif «carrières longues»! Pire encore, la loi de 2013 prévoyait dans son étude d'impact un amélioration de 2G€/an à l'horizon 2030 pour les régimes complémentaires. Mais cela ignorait toutes les mesures qui emportaient un coût pour ces régimes! En fait, selon les organismes de retraite complémentaire, le bénéfice est, en 2030, limité à 570M€ annuels (p103-104). On mesure là l'impéritie et l'amateurisme dont le gouvernement Hollande fait preuve sur la question des retraites.

C'est ainsi que le déficit global des retraites complémentaires est attendu à environ 5G€ en 2014 et que les réserves accumulées pendant la première décennie de ce siècle (60G€ au total) vont être épuisées dès la fin 2017 pour l'AGIRC et en 2023 pour l'ARRCO. Malgré une bonne gestion avant la crise, louée par la Cour, les régimes complémentaires sont dans une mauvaise situation financière.

Les remèdes

Comme d'habitude sur les retraites, il n'y a guère que 3 paramètres sur lesquels on peut jouer: le niveau des pensions, le taux de cotisation et l'âge auquel on passe d'actif à retraité. La mesure la moins douloureuse est le report progressif de l'âge de la retraite: personne ne perd de revenu immédiatement, cela permet aussi de faire rentrer plus d'argent par l'ensemble des autres impôts. Malheureusement, le terme rapproché de l'échéance pour l'AGIRC rend indispensable l'usage des deux autres paramètres. Dans le passé, les utiliser ne signifiait pas une baisse du montant nominal perçu, grâce à l'inflation et à la croissance économique. De plus, le déficit est tel qu'il faudrait baisser les pensions de l'AGIRC d'environ 10% ou augmenter les cotisations de 2 points voire plus. On voit que l'ajustement s'annonce douloureux.

La Cour donne deux exemples et un tableau détaillant l'impact de chacune des mesures à l'horizon 2030. Elle se montre aussi sceptique sur les chances de l'AGIRC à parvenir à sortir seule de l'ornière sans adossement à l'ARRCO. La Cour appelle aussi de façon à peine voilée à mettre fin de facto au système de la «retraite à 60 ans», en enjoignant les gestionnaires à reporter l'âge de la retraite pour bénéficier d'une retraite complémentaire sans abattement sans attendre que le gouvernement daigne prendre des mesures (p40 et 45). Remedes_AGIRC_ARRCO.jpg effets_remede1.jpg

Personnellement, je pense que la majeure partie de l'ajustement à court terme devrait être assumée par les pensions versées. Du fait d'une faible inflation, l'impact sur le pouvoir d'achat des retraités des mesures de gel des pensions a été très limité et ils ont été protégés des effets de la crise. En face, même les cadres ont fait face à des gels de salaires et à l’augmentation des impôts. Une baisse très notable des pensions complémentaires des cadres à court terme est devenue indispensable. À plus long terme, l'ajustement doit se faire via l'allongement de la durée du travail, particulièrement pour les cadres, dont l'espérance de vie est notablement supérieure à celle des autres salariés. Une augmentation de la durée du travail supérieure à celle prônée par la Cour dans son premier scénario me semble nécessaire: il faudrait sans doute augmenter progressivement l'âge de la retraite de 3 ans pour les cadres, peu importe d'ailleurs que le régime général de base suive ou pas.

Ce rapport me semble aussi être un réquisitoire contre la réforme de 2013 et l'impéritie du gouvernement actuel. Il était clair tout au long de l'année 2013 que l'ajustement programmé était sous-dimensionné et ne tenait aucun compte des régimes autres que le régime général de base. Rien n'a été fait pour le régime des fonctionnaires qui pèse de plus en plus sur les finances publiques. Les régimes complémentaires ont été totalement ignorés et les marges de manœuvre financières largement préemptées pour le régime de base. Le gouvernement s'est refusé à allonger immédiatement la durée de cotisation nécessaire à une retraite à taux plein: on peut subodorer qu'il préfère que ce soient d'autres que lui qui portent le chapeau de la fin effective et dans tous les cas — y compris pour les carrières longues — de la «retraite à 60 ans».

10 mars 2013

Les projections du 11ᵉ rapport du Conseil d'Orientation des Retraites

En décembre dernier, le Conseil d'Orientation des Retraites a publié son 11ᵉ rapport qui est une actualisation des projections financières relatives aux divers régimes de retraites français. Il s'était déjà livré à 3 reprises à cet exercice, qui est bien entendu une part majeure du travail qui est attendu de cet organisme: en 2006, fin 2007 et finalement en 2010 pour préparer la dernière réforme. La réforme Fillon de 2003 prévoyait une clause de revoyure tous les 5 ans, mais la crise qui a éclaté en 2007-2008 précipite les échéances. Malgré la dernière réforme, les caisses de l'AGIRC — retraite complémentaire des cadres du privé — sont quasiment vides et une négociation est en cours qui semble s'acheminer vers un gel des pensions et une hausse des cotisations. D'aucuns soupçonnent le gouvernement de chercher à se réfugier derrière le résultat de cette difficile négociation pour annoncer une réforme du régime général très similaire et faire porter ainsi le chapeau aux signataires — probablement la CFDT et les syndicats patronaux. Le sujet revêt donc une certaine actualité.

Le modèle du COR

Pour essayer de savoir quelle sera la situation financière future des régimes de retraites, le COR a bâti un modèle permettant de prendre en compte les diverses variables qui l'affectent. Comme il s'agit d'un exercice où il s'agit de savoir quelles mesures éventuellement prendre pour assurer l'avenir des régimes, on raisonne d'abord à loi constante en établissant différents scénarios macro-économiques avant de voir quels sont les effets des mesures qu'on peut prendre. Comme le rapport contient des tableaux qui les résument très bien, je les reproduis ci-dessous, en commençant par les perspectives à long terme, avec pour comparer les hypothèses prises en 2010, avant la dernière réforme. Hypothèses LT du COR en 2010 Hypothèses LT du COR en 2012 hyp_CT_COR_11.jpg On peut donc voir que les hypothèses à long terme sont sensiblement les mêmes qu'en 2010. Le COR a pris en compte la dernière réforme des retraites, l'allongement de l'espérance de vie — qui tend à rallonger la durée de cotisation d'un trimestre — ainsi que de la natalité constatée en ce moment en France. 2 scénarios macro-économiques sont ajoutés, un plus pessimiste et un autre plus optimiste. Ces hypothèses ne sont en fait valables, grosso modo, qu'après 2020. De 2012 à 2020, les scénarios sont en fait quasiment identiques, pour 2 raisons. La première, c'est que ce sont les hypothèses de croissance de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013 qui sont prises en compte d'ici 2017. La seconde, c'est que le COR voit ensuite une convergence rapide vers le taux de chômage tendanciel: les 7% de chômage sont atteints en 2020 dans tous les scénarios.

Le COR formules les hypothèses de façon à pouvoir reconstruire de façon naturelle la situation financière du régime en séparant les différents types de variables. Ces différents types se justifient par l'impact réel que peuvent avoir les mesures prises.

  1. La démographie est une donnée qui change — en général — de façon très lente. Les projections s'étendent jusqu'en 2060, ce qui est déjà très éloigné, mais tous les retraités de 2060 sont déjà nés et ont pour l'écrasante majorité entamé leur vie active. De même, tous les travailleurs de 2030 ou presque sont déjà vivants. La situation de ce point de vue est déjà jouée, sauf catastrophe. De plus, on voit mal un gouvernement démocratique prendre des mesures contraignantes dans ce domaine!
  2. Les données macro-économiques sont en partie déterminées par la démographie. Une hausse de la population en âge de travailler doit se traduire par une hausse grosso modo équivalente du PIB. Ce qui explique le choix du COR d'exprimer une hypothèse de productivité, ce qui donne la hausse moyenne annuelle des salaires au dessus de l'inflation.
  3. Les données légales peuvent, elles, changer rapidement, mais leurs effets mettront parfois du temps à se réaliser. Le meilleur exemple est celui de l'indexation des retraites sur les prix, dont l'impact est en fait déterminant sur l'équilibre financier à long terme. Mais il vaut mieux, pour savoir quelles décisions prendre, raisonner dans un premier temps à loi constante.

Les hypothèses économiques prises paraissent très optimistes. L'ajout du scénario A' est tout de même très surprenant, puisqu'il estime qu'une hausse de la productivité par travailleur de 2%/an est possible, alors même que la croissance du PIB français ne cesse de ralentir depuis les années 70. Prévoir 4.5% de chômage tendanciel — c'est-à-dire en moyenne sur un cycle économique — paraît très optimiste dans un pays où l'INSEE indique qu'un tel niveau est dépassé depuis 1978, soit 35 ans. Le chômage a passé la barre des 7% de la population active en 1983, il y a 30 ans. À long terme, contrairement à ce que laisseraient penser les tableaux du COR, l'hypothèse la plus crédible est sans doute le scénario C, voire le C'. Quant aux prévisions à 5 ans, il suffit de remarquer que la croissance a été nulle en 2012 et que la prévision 2013 a déjà été abandonnée. Or toute la communication gouvernementale va s'organiser autour de ces projections et, comme la dernière fois en 2010, il basera ses décisions sur le scénario central qui est à la fois complètement hors des clous à court terme et optimiste à long terme. Ce n'est pas un hasard: tous les gouvernements ont surestimé la croissance ces dix dernières années, ça permet de minimiser la taille des problèmes à résoudre, dans tous les domaines, sous couvert de volontarisme.

Les résultats

Les résultats des simulations sont aussi un rappel des effets attendus de la réforme de 2010. Par exemple, avec des hypothèses assez équivalentes à celles de 2010, on voit qu'il y a 1M de cotisants en plus en 2020 par rapport aux projections de 2010 (p31) soit presque 4% de plus. On voit aussi que c'est un effet équivalent aux différence entre les taux de chômage à long terme des différents scénarios! Projection d'emploi selon le COR en 2012

L'effectif des retraités est réduit d'autant, ce qui ne l'empêche pas d'exploser puisqu'on va passer d'environ 15M aujourd'hui à presque 20M en 2030. retraites_cor.jpg

Les perspectives financières sont mauvaises dans les scénarios les plus réalistes (C et C'), où les régimes sont constamment en déficit. La situation est réellement tragique pour le scénario C', où malgré des hypothèses à court terme optimistes — et communes aux autres scénarios — le déficit est de 2% du PIB par an à partir de 2030. situation_financiere.jpg On voit aussi qu'au lieu d'être à l'équilibre, comme escompté lors de la dernière réforme, en 2017, il y aura un trou de 1% du PIB. Par contre la situation dans le scénario A' paraît gérable: on constate des déficits jusqu'en 2030, compensés par la suite par des excédents. On peut donc prévoir à ce graphe une longue vie auprès de ceux qui pensent qu'il n'y a pas de problèmes de retraites en France, spécialement auprès de l'extrême gauche et de certains syndicats pas forcément très réalistes. Dans le scénario B, qui va sans doute servir de scénario central, l'équilibre n'est rétabli qu'à l'horizon 2057, l'équivalent des calendes grecques. La poursuite de la crise a donc creusé un trou très important et ce malgré l'impact important du relèvement de l'âge légal.
On voit aussi que dans tous les cas, après 2030, la situation est soit stabilisée soit en amélioration. On comprend donc que les réformes vont se succéder jusqu'en 2030 et qu'ensuite le système pourrait se figer.

Le 12ᵉ rapport du COR donne comme pension moyenne mensuelle la somme de 1431€ en 2008, l'INSEE donne un revenu salarial moyen mensuel de 1624€. Le ratio des deux vaut actuellement 88%. Les simulations du COR donnent aussi l'évolution de ce ratio suivant les divers scénarios (p57), d'où on peut tirer le graphe suivant. Pensions_COR.jpg On y voit clairement que ce qui fait basculer l'équilibre du système, c'est le ratio pension/salaire. Dans le cas du scénario A', l'indexation des retraites sur les prix diminue suffisamment les pensions pour assurer l'équilibre du système. Pour donner sa pleine mesure, l'indexation des pensions sur les prix doit être accompagnée d'une forte croissance: à long terme, l'effet cumulé est très notable et déterminant. Ceux qui se baseront sur le scénario A' pour donner des pronostics roses sur l'avenir seront en fait ceux qui prônent une baisse du niveau relatif des pensions.

Les politiques à mener

Ces simulations permettent au COR de montrer les effet des principales politiques qui ont un effet sur l'équilibre financier du système. Il faut en effet rappeler que le système ne peut s'équilibrer qu'en jouant sur 3 leviers:

  1. le taux de cotisation: en augmentant les cotisations, on augmente les revenus du système, le déficit se comble donc. Cependant, les revenus des actifs baissent et donc le ratio pension/salaire augmente. Les retraités sont favorisés
  2. le ratio entre nombre de retraités et nombre de cotisants: c'est la politique menée par la droite avec les réformes Fillon de 2003 et celle menée en 2010. L'idée est d'augmenter l'âge légal de départ ou le nombre d'annuités pour obtenir une retraite à taux plein. Si la première mesure est d'effet direct — puisque les gens ne peuvent plus partir à la retraite —, la deuxième peut se transformer en baisse effective des pensions.
  3. le niveau relatif des pensions: c'est le levier qui regroupe le plus de tactiques. Il a été employé dans la réforme menée par Balladur en 1993. On peut donc changer le mode d'indexation des pensions voire les geler, changer le mode calcul pour baisser petit à petit la pension versée, etc.

Tous les autres leviers ne rapportent pas suffisamment. Les revenus du capital ne suffisent en effet pas à renflouer les caisses de retraite. Dans les 35% du PIB qui rémunèrent le capital, on trouve en fait les loyers fictifs que se versent à eux-mêmes les propriétaires de leur logement (10% sur les 35) ainsi que l'amortissement des investissements des entreprises et des particuliers. Les flux réels monétaires sont inférieurs à 10% du PIB. On voit donc que faire porter, en plus des impôts actuels, le poids du déficit prévisible des retraites éliminerait à peu près totalement l'intérêt de recevoir personnellement des revenus du capital.

Les abaques sont situées dans l'annexe 4, à partir de la page 130. Les points w donnent l'effet d'un équilibre qui ne compte que sur une hausse des cotisations accompagné d'un allongement déjà prévu de la durée de cotisation. L'intersection des droites diagonales avec l'axe des abscisses donne le niveau relatif des pensions par rapport aux salaires qui assure l'équilibre à prélèvement constant. Les points y donnent la hausse des cotisations qu'il faut acter si on veut préserver le niveau relatif des pensions.

Les abaques portant sur 2020 donnent une information importante: si on voulait équilibrer les régimes à cet horizon uniquement par des hausses de cotisation, la pension moyenne serait réévaluée de 5% par rapport au salaire moyen, alors même que les niveaux de vie entre retraités et actifs sont aujourd'hui équivalents! À cet horizon, il me semble qu'un gel des pensions soit indispensable: tout prélèvement supplémentaire diminuerait les revenus des actifs, il n'y a pas assez de temps pour qu'un allongement de la durée de travail ait suffisamment d'effets, la réforme de 2010 ayant un calendrier s'étirant jusqu'en 2017. Et cela avec une abaque basée sur un scénario macro-économique très optimiste!

Comme je l'ai dit plus haut, je considère que les scénarios C et C' sont les plus crédibles. Par ailleurs, la baisse du chômage vers une moyenne sur un cycle de 7% étant franchement très hypothétique, je ne pense pas qu'on puisse compter sur une quelconque baisse des cotisations chômage: on devrait éviter autant que possible les hausses de cotisation pour les retraites. Pour savoir quelles politiques mener, on peut se reporter à l'abaque suivante: abaque2040c.jpg On y voit que pour équilibrer le système de retraites, une augmentation de la durée de travail de 6 ans est nécessaire pour préserver le ratio pension/salaire (point z). Ce n'est pas très crédible. Le point y donne la hausse de cotisation nécessaire pour préserver le système avec les réformes déjà actées: 5.5 points. Autant dire que les revenus des actifs en prendraient un sacré coup. Le point x donne la baisse relative des pensions pour assurer l'équilibre sans hausse de cotisation ni de durée de cotisation: une baisse de 20%. Les points w donnent l'effet de la politique actuelle: il faudrait augmenter les cotisations de 3.5 points, les pensions baisseraient de 10% par rapport aux salaires par l'effet de l'indexation sur les prix. Pour situer les données du problème, 3.5 points de cotisation c'est 15% des ressources actuelles du systèmes; si on prend un taux de prélèvements obligatoires de 50%, ça correspond à une baisse relative de 7% du niveau de vie des actifs. C'est donc loin d'être neutre. On voit aussi que le point x requiert un gel durable des pensions, l'indexation sur les prix n'apportant qu'une baisse relative de 10%! Dans ce contexte, la politique qui me semble préférable est celle consistant à allonger la durée de cotisation de 2 ans. De cette façon, l'indexation sur les prix amène à proximité de l'équilibre, surtout combiné au gel sans doute indispensable à court terme des pensions. Le reste pourrait être assuré par une hausse des cotisations, très limitée — inférieure à 1 point.

Conclusions

Les abaques du COR sont très utiles, mais cette utilité est entravée par l'utilisation de scénarios immodérément optimistes. Suivre le scénario B ainsi que les hypothèses du PLFSS 2013 amène à sous-dimensionner les changements. Mais c'est sans doute ce qui se passera, le gouvernement PS aura énormément de mal à faire accepter un gel des pensions, un allongement de la durée de cotisation et un relèvement de l'âge de la retraite après avoir combattu toutes ces mesures depuis 20 ans. Pourtant, il semble qu'il soit nécessaire pour assurer l'équilibre du système de geler les pensions pendant quelques années ainsi que d'acter un allongement de la durée de cotisation de 2 ans de plus, pour aller vers les 44 ans de cotisation.

28 novembre 2010

In memoriam fonds de réserve des retraites

Institué par le gouvernement Jospin dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve a reçu pour mission de gérer un capital pour faire face au vieillissement de la population en comblant au moins partiellement les déficits du régime général postérieurs à l'année 2020. Toutefois, le gouvernement a décidé d'utiliser ce capital dès 2011 pour combler au moins en partie les déficits prévus jusqu'en 2018.

Vider le fonds ou quand nécessité fait loi

À l'occasion de la réforme des retraites, le gouvernement a annoncé qu'il utiliserait le capital accumulé dans le fonds de réserve pour combler les déficits qui vont s'accumuler d'ici à 2018 pour la CNAV, date à laquelle le système serait à l'équilibre. Afin de faciliter la vie de chacun, le gouvernement ne précise pas le montant annuel pris sur le capital accumulé sur son site dédié. Il a aussi jugé bon de s'abstenir de mettre ce montant dans le projet de loi sur les retraites, mais le donne dans la loi de financement de la sécu pour 2011 (LFSS) à l'article 9 dont la rédaction mérite un prix pour sa clarté. Cette manière de procéder, d'ailleurs identique pour toutes les mesures financières, a d'ailleurs attiré les réprimandes d'un dangereux révolutionnaire, le rapporteur sénatorial Dominique Leclerc. Le fonds devra ainsi verser 2.1G€ tous les ans à la CADES à partir de 2011 et jusqu'en 2024; il n'aura plus de recettes fiscales.

Comme un calcul le montre, cela nécessite de mobiliser environ 24.5G€ maintenant en obligations d'état français. Au 30 septembre dernier, la valeur du portefeuille du FRR valait 35.1G€ dont 3.5G€ au titre de la soulte des industries énergétiques et gazières. Cette dernière doit être versée à la CNAV en 2020, c'est une contrepartie du soutien du régime général au régime spécial d'EDF-GDF. En fait, seuls 31.6G€ sont mobilisables pour combler les trous futurs. Le fonds ne sera donc pas entièrement liquidé en 2024, il restera un capital d'entre 10 et 20G€ probablement. Ce capital résultera des 7.1G€ actuellement «libres» et sans doute d'une fraction du capital à verser aux échéances les plus lointaines qui permettent de prendre quelques risques.

Les sénateurs s'opposaient, le 18 mai 2010, dans un rapport à l'utilisation du FRR pour combler les déficits actuels en ces termes:

Le FRR est l'un des rares signes adressés aux jeunes générations pour leur montrer que les pouvoirs publics préparent l'avenir en prélevant dès à présent des ressources pour financer les retraites des cotisants d'aujourd'hui. L'utilisation de ses réserves ne pourrait que renforcer l'inquiétude et la méfiance des plus jeunes à l'égard du système de retraite par répartition.

C'était alors. Un peu plus tard:

Certes, la date d'entrée en jeu du FRR est anticipée de neuf ans, mais il n'en reste pas moins que sa finalité est préservée puisqu'il contribuera au financement du système de retraite entre 2011 et 2024 et cela à double titre : (...)

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives à l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Il faut dire qu'entre temps le gouvernement a fait connaître son projet et publié sa position:

Dans tous les pays où existent des fonds de réserve dédiés au financement des retraites, le principe est de constituer des réserves quand les régimes de retraite sont en excédent et de les utiliser en période de déficit. Le cas français constitue donc une anomalie : le FRR accumule des réserves alors que les régimes de retraite sont confrontés à des déficits importants depuis 2005 : 21,2 Md d'euros de déficit cumulé pour la CNAV entre 2005 et 2009 et 9,3 Md d'euros de déficit prévisionnel pour 2010.

La crise a encore accentué le caractère peu logique de cette situation en augmentant fortement le niveau des déficits. (...)

Le Gouvernement propose donc d’utiliser les ressources du fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour financer l'intégralité des déficits du régime général et du FSV pendant la période de montée en charge de la réforme. Les régimes de retraite ont connu une accélération de 20 ans de leurs déficits : il est donc logique de mobiliser plus tôt que prévu le FRR dont le calendrier de décaissement devait débuter en 2020.

Au fameux article 9 de la LFSS pour 2011, le gouvernement prévoit que le montant des dettes que la CADES peut reprendre au titre des déficits des caisses de retraites est de 62G€. Cette somme correspond approximativement au cumul des déficits si on interpole linéairement les données du gouvernement. On s'aperçoit qu'il y a une certaine contradiction avec l'assertion selon laquelle l'intégralité des déficits du FSV et de la CNAV serait financée intégralement par l'utilisation du capital du FRR. Même si on considère que les recettes du FRR sont transférées à la CADES, les recettes pérennes du FRR ne sont que d'environ 1.5G€ par an. La CNAV prévoit aussi d'être en déficit de 4G€ en 2020 (2e §) et qu'il était de 4.6G€ en 2007.
Si ces remarques marginales ne font que peu tiquer les commissions parlementaires, habituées au pipeau gouvernemental, c'est qu'en fait ce qui leur importait, c'était que le FRR serve bien à éponger les déficits du système de retraite. En la matière, l'argumentation du gouvernement porte: il ne sert pas à grand'chose de garder une réserve alors que les déficits importants sont là. Nécessité fait loi.

L'abondement du fonds ou à la recherche de l'argent introuvable

À l'origine, le fonds de réserve devait constituer un capital de 1000 milliards de francs, soit environ 150G€, en 2020. Il s'agissait de francs constants, c'est-à-dire sans prendre en compte l'effet de l'inflation des 20 années postérieures à 2000. Si on prenait une hypothèse d'une inflation de 2% par an de 2000 à 2020 — hypothèse assez bien réalisée de 2000 à 2010 —, le montant réel à obtenir en 2020 aurait été de 225G€ environ. Dès cette époque, il paraissait toutefois peu probable que cet objectif soit réalisé, qu'on prenne en compte l'inflation ou pas, d'ailleurs. Cela dit, il est intéressant de comparer cet objectif à ce qui a finalement été obtenu.

Pour obtenir une somme donnée au bout de 20 ans, il faut commencer par trouver de l'argent pour alimenter le fonds. Vu que l'argent prélevé va être placé, on espère évidemment que les rendements seront positifs et par voie de conséquence qu'il faut prélever moins que la somme finale. Cela dit, des estimations réalistes de prélèvements et de rendement montrent qu'il faut au moins que les sommes prélevées soient égales à la moitié du capital final. En effet:

  • Si on prélève la somme d'un seul coup, obtenir un capital final double au bout de 20 ans implique un rendement de 3.5% par an. Si le rendement paraît relativement réaliste, prélever la moitié de la somme d'un coup l'est nettement moins: les 150G€ représentaient et représentent toujours plusieurs points de PIB. La moitié de cette somme (75G€) est toujours un montant considérable (environ 4% du PIB de 2009) et ce d'autant plus que, si les placements effectués se révèlent mauvais, rien ne peut rattraper cela que des rendements supérieurs les années suivantes.
  • Si on prélève une somme constante jusqu'à l'échéance et que les rendements sont constants, la somme des prélèvements n'est égale à la moitié du capital final que si le rendement est de l'ordre de 7% par an. Si ce rendement est le rendement nominal, cela est presqu'envisageable; s'il s'agit du rendement réel (le rendement nominal duquel on retire l'inflation), cela relève plus du rêve qu'autre chose.

On peut retrouver les calculs sur cette feuille Google.

De fait, on peut se dire que prélever progressivement 80G€ est véritablement un minimum. On peut donc se baser sur un objectif de 4G€ par an. Les rapports parlementaires préparatoires aux lois de finances permettent de retracer l'historique de ces abondements. Cela donne le graphe suivant: abondements frr_2.jpg On remarque immédiatement que les versements n'ont été supérieurs aux 4G€ nécessaires qu'une seule année, en 2002. Ils ne s'en sont rapprochés que 3 fois, entre 2001 et 2003. On est donc très loin des objectifs annoncés à l'origine. Les déficits généralisés dans tous les secteurs de dépense publique, que ce soit le budget général ou l'assurance maladie n'ont à l'évidence pas permis de dégager des financements. L'alimentation du fonds n'est en quelque sorte que la conséquence de l'absence de préparation ou de l'incapacité à se préparer aux problèmes parfaitement prévisibles de déficit des caisses de retraite.
De fait on retrouve ces difficultés dans le type de sommes allouées au FRR. Le fonds a été alimentés par 3 types de sources:

  1. Un part du prélèvement social de 2% sur les revenus du patrimoine. Cette part est fixée à 65% depuis 2003: le FRR a perçu 1.3% de ces revenus ces 7 dernières années. C'est pratiquement la seule ressource de 2004 à 2009.
  2. Les excédents de la CNAV et du FSV. Ce sont respectivement la retraite générale des salariés et le fonds ad hoc qui cotise par exemple à la place des chômeurs pour qu'ils continuent d'accumuler des droits.
  3. Des recettes de privatisation, sous une forme ou une autre. Cela recouvre les privatisations proprement dites ainsi que les ventes de parts de Caisses d'Épargne ou de licences UMTS.

La répartition est donnée ci-dessous. Compo FRR_2.jpg La part du prélèvement de 2% est prépondérante, les excédents ne représentent qu'un peu plus de 20% des versements. Depuis 2006, la CNAV est d'ailleurs en déficit. Cela veut dire que 80% des prélèvements n'ont que peu à voir avec le problème des retraites. On a finalement pris de l'argent là où on en trouvait, c'est-à-dire ailleurs que dans les caisses de retraite.
Cela pose un problème de principe. En effet, un tel fonds se conçoit surtout comme un lissage des conditions dans lesquelles sont accordées les retraites. Sa présence permet d'adoucir la hausse des prélèvements ou la période de transition vers des conditions plus dures. Il doit s'agir de constituer, comme son nom l'indique, une réserve à partir des cotisations présentes de façon à ce que les cotisants préparent leur retraite sans grever outre mesure les revenus de ceux qui resteront au travail après leur départ à la retraite. Cela doit normalement être possible lorsqu'une classe pleine cotise, son nombre devant permettre des excédents. Le raisonnement est un peu le même pour les générations dont l'espérance de vie croît. Si on se situe dans une logique de salaire différé, les fonds doivent provenir au moins majoritairement des cotisations des salariés. On vient de voir que ce n'est pas le cas. Même s'il est marginal par rapport aux sommes allouées aux retraites dans leur ensemble (d'ores et déjà plus de 10% du PIB par an), l'alimentation du fonds de réserve est symptomatique de la façon dont est géré le système de retraite: comme le reste du budget de l'état. On n'accorde finalement des droits que pour se trouver une justification des prélèvements, ces prélèvements servant à honorer une dette que l'état s'est constitué ... en s'engageant à verser des retraites. La constitution de cette dette n'obéit pas de façon logique à des règles définies auparavant: ainsi l'état a pu faire assumer au régime général les retraites de divers régimes spéciaux, évidemment plus généreux dans l'ensemble. Il faut trouver de l'argent pour honorer ces dettes, la provenance importe en fait peu.
Un autre point à souligner est qu'à partir du moment où les caisses de retraites sont en déficit, l'accumulation dans le fonds ne présente un véritable intérêt que si son rendement est supérieur à celui des obligations finançant le déficit.

L'état, un bon investisseur?

Il est toujours intéressant de savoir ce qui est fait de l'argent public: il a été prélevé à des personnes qui aurait pu en faire un autre usage, souvent à leurs yeux plus utile. Dans le cas présent, il s'est agi d'épargner de l'argent pour pouvoir lisser du mieux possible la transition démographique en cours, le vieillissement de la population. Il y a deux critères de jugement. Le premier est de savoir si, en partant d'une stratégie donnée le fonds a fait mieux ou moins bien que ce qu'un investissement indiciel aurait donné. Le deuxième est de savoir si l'arbitrage entre emprunter moins pour l'état et alimenter le fonds de réserve a été favorable ou pas. Étant donné que la période 1999-2010 a été marquée par deux fortes baisses des marchés actions, la réponse est avant tout calcul sans doute défavorable.

Pour effectuer une comparaison, les «placements» concurrents sont les suivants:

  • L'inflation, pour comparer la performance du fonds à l'érosion monétaire. Si le fonds contient plus que ce que donne l'inflation, sa valeur réelle a augmenté. Les données ont été récupérées sur le site de l'INSEE, l'évolution retenue est de mois d'octobre en mois d'octobre.
  • L'EONIA, le rendement du taux au jour le jour. Il est approximé par un rendement moyen mensuel. Les données ont été trouvées sur le site de la BCE.
  • Le taux des obligations d'état français à échéance longue. Ce placement fait sens pour le FRR, étant donné qu'il devait parvenir à échéance en 2020. Pour évaluer la performance, le taux long a été approximé par le taux à 10 ans. Le placement est basé sur des obligations 0 coupon d'échéance 2020 pour se faciliter le calcul. Les données de taux ont été trouvées sur le site de l'INSEE.
  • L'évolution des marchés boursiers. 2 indices ont été utilisés: le CAC40, indice vedette de la place de Paris, et le Stoxx 600, indice large de la zone euro. Les sociétés éditant ces indices ont la bonne idée de publier des indices de retour net à l'investisseur, ce qui facilite les calculs. On s'aperçoit que les performances sont quasiment équivalentes.
  • Un mixte de 50% d'obligations à échéance longue et de 50% d'actions. La répartition moitié-moitié est réajustée en début d'année. Cette stratégie est grosso modo celle adoptée par le FRR.

La valeur du fonds retenue est celle au 30 septembre dernier, la dernière valeur connue hors soulte EDF, de 31.6G€. On peut recréer le graphe ci-dessous grâce à cette feuille. Perfs FRR_2.jpg On s'aperçoit que le fonds a fait à peine mieux que l'inflation, un peu moins bien que l'EONIA et les marchés d'actions (bien que cela puisse être dû aux différentes dates de fin de relevé) et nettement moins bien que la stratégie panachant actions et obligations. Les obligations à long terme ont été le meilleur placement sur la période du fait du rendement supérieur aux placements à court terme et à la baisse des taux d'intérêt. Seuls des placements sur des marchés émergents hors d'Europe auraient pu dépasser ces rendements. Il reste que le fonds a représenté un coût net pour les finances publiques puisqu'il a rapporté moins que d'éviter une dette équivalente.
Le rendement constant menant à la même valorisation du fonds est d'environ 1.8% par an.
On ne peut que conclure que la performance financière du fonds a été peu convaincante. L'état semble être donc un piètre investisseur.

Quelques conclusions

Le fonds de réserve partait d'une analyse juste de la situation démographique. Son but de lissage était et est toujours louable, mais sa gestion rend peu optimiste pour ce genre d'institutions, en tous cas dans la situation politique actuelle en France.
Les objectifs de versement ont été assez largement ignorés. C'est dû à la gestion plus générale des finances publiques françaises, toujours en déficit, souvent important, sur la période d'approvisionnement du fonds. Il faut aussi remarquer que la caisse du régime général n'a pas eu les excédents escomptés, mais c'est grandement lié aux prévisions trop optimistes du gouvernement au moment de la réforme de 2003. Ce biais optimiste se retrouve un peu partout dans la gestion des comptes publics en France. Par exemple, aucun des programmes budgétaires prévisionnels envoyés à la Commission Européenne n'a été respecté, souvent du fait de prévisions de croissance extrêmement optimistes.

Le fonds a été victime des 2 crises boursières de la période. Sa performance aurait donc été médiocre de toutes façons, inférieure au coût correspondant de la dette. Mais sa performance est éloignée de la performance d'une gestion de type indicielle constituée à moitié d'obligations et à moitié d'actions, ce qui est anormal.

Ce type de fonds a aussi vocation à être utilisé juste après une crise. En effet, il est conçu pour absorber les déficits des caisses de retraites. Plus on s'approche de la date prévue d'utilisation, moins il y a de chances que les caisses soient en excédent. Comme leurs recettes dépendent de l'activité économique, le premier moment où on va utiliser le fonds est sans doute juste après que les recettes aient subi l'effet d'une récession ou simplement d'un ralentissement économique. Or ces périodes sont les plus défavorables aux marchés d'action, ce qui fait que le fonds risque de perdre de sa valeur juste avant qu'on s'en serve. Dans le cas présent, l'anticipation de l'usage est très importante du fait de la magnitude historique de la crise, mais aussi des prévisions gonflées des gouvernements successifs. La perte de valeur en 2008 a été très forte et, évidemment, impossible à compenser depuis.