Mot-clé - solaire

Fil des billets - Fil des commentaires

27 juillet 2016

Solar Impulse, ou pourquoi brûler du pétrole

L'avion Solar Impulse s'est posé à Dubai avant le lever du jour le 26 juillet, bouclant ainsi un tour du monde commencé il y a 15 mois. Il est clair qu'il s'agit d'une prouesse technologique, puisque l'avion rassemblait des cellules photovoltaïques à la fois minces et efficaces — avec un rendement de 23% — et des moteurs très performants — avec un rendement de 93%. C'est aussi un exploit d'endurance pour les pilotes qui devaient être capables de rester éveillés pendant une bonne partie des trajets au dessus des océans.

Cependant, Solar Impulse apparaît plus aujourd'hui comme une démonstration de la supériorité du pétrole que du potentiel de l'énergie solaire. En effet, on peut déjà remarquer qu'à la voile, on a déjà réussi à faire le tour du monde en 45 jours en équipage, et 78 jours en solitaire. Il est vrai que Solar Impulse n'est resté en l'air qu'un peu plus de 23 jours, mais le fait qu'il doive s'arrêter est dû aux contraintes de l'avion qui ne peut emporter suffisamment de nourriture et doit être piloté en permanence ou presque. Face au pétrole, on voit que Solar Impulse est en fait inférieur à l'avion de Lindbergh Spirit of St. Louis qui a rallié Paris depuis New York en 33h, contre 71h pour Solar Impulse pour rallier Séville. La raison en est simple: Solar Impulse ne dispose que de 70ch (environ 50kW) contre 223 pour Lindbergh.

Les comparaisons sont encore plus cruelles avec les avions actuels destinés au transport de passagers, qui volent à une vitesse de l'ordre de 800km/h, permettent de voyager dans une cabine pressurisée et climatisée ainsi que d'emmener des bagages. Pour cela, ils sont équipés de réacteurs ayant une poussée de 150 à 400kN: cela signifie que pour faire décoller un A320, il faut au minimum développer 12MW de puissance mécanique; pour un A380, c'est 70MW. Cela est tout à fait possible quand on utilise du kérosène: la densité de puissance d'énergie est de l'ordre de 12kWh/kg, contre 0.26kWh/kg pour les batteries de Solar Impulse. Même en comptant sur l'amélioration des technologies, il existe un gouffre entre Solar Impulse et les avions modernes qu'il sera difficile de combler. À surface couverte de cellules photovoltaïques constante, on ne peut espérer au maximum qu'une multiplication par 4 de la puissance disponible; inversement pour disposer de 70MW avec des cellules efficaces à 100%, l'ordre de grandeur de la surface à couvrir est 70 000 m², sachant qu'un A380 tient dans un rectangle de 6000m² … et ce ne sont que 2 exemples!

On comprend que pour le transport de matériels et de passagers, les énergies renouvelables comme le solaire ne sont pas assez denses. Les bio-carburants constituent la seule alternative viables et ils sont en fait une manière de rassembler en un petit volume l'énergie reçue sur une grande surface. Mais l'énergie solaire permet d'envisager de faire voler des drones pendant très longtemps. Cependant, qu'ils se déplacent n'est sans doute pas la priorité, ce qui leur sera demandé est sans doute des missions d'observation ou de relais télécoms. Pour cela, le dirigeable est nettement meilleur, puisqu'il ne dépense que très peu d'énergie pour rester en l'air. En fait, Piccard a surtout offert un beau joujou aux militaires et aux autres météorologues, pas vraiment une solution pour des transports sans pétrole…

15 juillet 2011

Énergie solaire et militantisme journalistique

Dans son édition datée du 16 juillet, Le Monde nous gratifie d'un éditorial intitulé Pousser le jacobinisme jusqu'à contrôler le soleil où l'auteur s'offusque de la décision du gouvernement de limiter l'expansion de la production d'électricité solaire à 500MW (crête) par an. Selon cet éditorial, c'est une filière porteuse d'avenir, à peine nous fait-on remarquer qu'elle n'est pas du tout rentable sans soutien public — pour le moment nous dit-on — et que cette décision limitera les dépenses publiques. On nous fait remarquer que l'horrible moratoire imposé par le gouvernement fait perdre des emplois. Les coupables sont rapidement trouvés: la volonté pour l'état de favorise(r) les grand groupes et l'influence néfaste des ingénieurs des Mines. En pages intérieures, on peut trouver un article nous comptant les avanies vécues par le secteur: après un départ en trombe suite à des crédits d'impôts, des tarifs et des conditions d'achat généreux, le gouvernement a mis un grand coup de frein car il allait atteindre ses objectifs avec 8 ans d'avance. On s'y offusque que les parkings des grandes surfaces ne soient pas concernés par les appels d'offre, de la baisse des tarifs de rachat et enfin que les entreprises du secteurs souffrent de la politique de gribouille du gouvernement français. Un paragraphe est consacré aux explications du ministère de l'industrie: ce serait cher.

Et en effet, on voit là une bonne raison. Comme noté dans l'article, une partie du coût est payé par des crédits d'impôts — qu'on n'étudiera pas ici — et par la fameuse CSPE, contribution au service public de l'électricité. C'est une taxe d'accise que chacun paie sur sa consommation d'électricité, elle sert à subventionner l'électricité dans les îles sous administration française, le tarif social de l'électricité et le surcoût des énergies renouvelables. Sur le site de la Commission de Régulation de l'Électricité, on s'aperçoit que le gouvernement a du retard: la CSPE ne couvre pas les coûts réels des énergies renouvelables et le système a donc commencé à accumuler une dette envers EDF, principal producteur d'électricité en France. En 2010, la charge pour EDF s'est élevée à 1G€, la CRE prévoit un déficit de 2G€ pour 2011. Ce déficit a tendance à se creuser sous l'impact de 2 facteurs: les tarifs de rachat très généreux qui incitent à se précipiter pour installer des panneaux solaires et le plafonnement de la hausse de la CSPE à 3€/MWh chaque année. Le gouvernement avait jugé dans sa grande sagesse que, malgré son enthousiasme débordant, le grand public n'était pas prêt à voir bondir sa facture d'électricité au motif que les énergies renouvelables, c'est sympa. Pour éviter que cette dette ne devienne trop importante et aussi éviter les inévitables protestations que provoque toute hausse du prix de l'électricité, particulièrement gênantes à l'orée d'une campagne présidentielle qui s'annonce de haute tenue, on se doute que le gouvernement se devait de prendre des mesures.

À la lecture des calculs de la CRE, on se rend compte à quel point le photovoltaïque coûte cher. CRE_CSPE_2011.jpg Le tableau ci-dessus reprend les prévisions de la CRE concernant la production d'énergie en métropole à partir des moyens éligibles à la CSPE, à savoir les moyens de secours et les énergies renouvelables. Le photovoltaïque n'est suivi que des moyens «dispatchables», c'est-à-dire de secours et est 5 fois plus cher que l'énergie suivante. Un MWh solaire coûte plus de 500€! Même si la CSPE ne prend en charge que le surcoût par rapport au prix moyen de l'électricité, la différence n'est pas mince. À titre de comparaison, on peut mentionner que l'ARENH, prix de l'électricité nucléaire dicté par le gouvernement, sera de 42€/MWh en janvier 2012. Un calcul sur les surcoûts à la charge de la CSPE montre que le prix de base est d'environ 55€/MWh. C'est ainsi que la CRE s'attendait à un débours de 820M€ pour une production à partir du solaire de 1.7TWh — royalement 0.3% de la production d'électricité en France —, contre 376M€ et 12.3TWh pour l'éolien. Sans même discuter des mérites de ces énergies dans le cas français, on ne peut que constater que c'est là une véritable gabegie.

On entend généralement justifier une telle politique par le prix rapidement décroissant de l'énergie solaire. Cependant, vu l'écart de prix, il faudra une vingtaine d'années avant que cela ne devienne véritablement intéressant. Or les fabricants donnent une garantie de puissance de 25 ans, certains éléments étant sans doute à remplacer plus souvent. Autrement dit, l'énergie solaire deviendrait compétitive — en espérant que les projections se vérifient — lors du renouvèlement des panneaux installés actuellement. Sans doute vaut-il mieux attendre, et consacrer cet argent à autre chose comme la subvention de plus d'économies d'énergie ou l'installation de modes de production d'électricité au bilan carbone plus favorable mais plus compétitif!

Force est de constater que Le Monde ne s'est fait là que le porte-voix de la filière photo-voltaïque et que la décision du gouvernement est justifiée. Quand on en vient à dénoncer la grande industrie mais dans le même temps à se désoler du sort terrible des grandes surfaces qui ne pourront bénéficier d'un effet d'aubaine aux dépens de leurs clients, on a quitté depuis longtemps le terrain du compte-rendu objectif ou du raisonnement pour être sur celui de la pure idéologie qui confine à la forfaiture. Certains s'interrogent gravement sur les problèmes de la presse écrite française. Peut-être devrait-elle commencer par informer honnêtement ses lecteurs et baser ses éditoriaux sur des comptes-rendus objectifs.