Le 7 novembre dernier, François Fillon, premier ministre, a présenté un plan visant à contenir le déficit public à 4.5% du PIB malgré la révision à la baisse des prévisions de croissance. Il fait suite à un autre plan du même type présenté fin août — dont il a été question ici même — et le complète, à tel point que le gouvernement propose au téléchargement une archive contenant les fiches des deux plans.

Comme le plan précédent, il s'agit avant tout pour le court terme d'un plan de hausses d'impôts. Le gouvernement prévoit que son plan diminuera le déficit de 7G€ en 2012, les mesures d'économies devant rapporter 1.7G€ soit un peu moins de 25% du total. À plus long terme, en 2016, elles représentent 9G€ sur 17.4G€, soit plus de la moitié, même si les promesses de mesures d'économie discrétionnaires qui doivent compter pour plus de 7G€ n'engagent que ceux qui y croient, d'autant que des élections approchent. Comme le plan précédent, des mesures fiscales vont frapper les détenteurs de capitaux avec un supplément d'impôt sur les bénéfices et la quasi-fin du prélèvement forfaitaire. Il inclut aussi la promesse de continuer sur le chemin menant à la suppression de certaines niches fiscales.

Quelques évolutions sont malgré tout présentes. Tout d'abord, le gouvernement accélère la mise en place de la réforme des retraites et met plus l'accent sur des économies budgétaires à moyen terme. Que la moitié environ de la réduction du déficit public en 2016 soit due à des économies diminue en effet le risque de voir revenir le thème de la cagnotte. Le gouvernement Jospin s'était livré à diverses baisses d'impôts pour revenir peu ou prou sur les mesures prises par le gouvernement Juppé en 1995, échangeant au passage un point de TVA contre une baisse de l'IRPP. Cependant, l'origine de ces économies restant obscures et les échéances électorales approchant, on peut considérer ces annonces sont faiblement crédibles. Ensuite, la fin de certaines niches fiscales est vraiment actée. Contrairement à ce qui est dit parfois dans la presse, la fin des avantages fiscaux liés à l'immobilier n'est pas qu'une hypocrisie: après plus de 15 ans d'existence de ces réductions d'IRPP, les professionnels de la promotion immobilière pensaient toujours pouvoir bénéficier d'un régime équivalent dans le futur. Enfin, le gouvernement se résout à prendre des mesures fiscales générales, contrairement aux promesses faites jusqu'ici, et alors que la campagne présidentielle approche. Ces mesures préfigurent sans doute ce que sera le programme de la droite en cas de victoire, une augmentation générale de la TVA, de la CSG et de l'IRPP, sans véritable changement de structure de ces impôts. Cela montre aussi que le gouvernement a épuisé les mesures de poche lors de son dernier plan, après les avoir largement utilisées au cours de ce quinquennat.

Au total, ce plan ne me paraît pas pouvoir éviter l'obstacle de la cagnotte. Les mesures d'économies sont obscures et seront certainement appliquées de façon uniquement quantitative, à la manière du non remplacement de fonctionnaire, ce qui va mener à une réduction générale de la qualité des services publics, au lieu d'opérer de véritables choix préservant les services essentiels. Les épisodes de demandes de réduction d'impôt viennent du fait que la pression fiscale est vue comme trop importante, la perte de qualité des services publics et la hausse concomitante des impôts ne fera rien pour dissiper cette impression. Le gouvernement serait cela dit bien en peine de faire ces choix, sa légitimité est, à six mois des élections, bien diminuée, ce qui explique en partie qu'il ne puisse pas faire grand chose d'autre qu’accélérer l'implémentation de mesures déjà prises, comme la réforme des retraites. Cette impossibilité de faire des choix mène aussi à l'absence de mesure qui pourraient mener à un surcroît d'activité à l'avenir. L'accélération de la réforme des retraites peut à nouveau rentrer dans ce cadre, puisque les salariés qui ne partent pas à la retraite non seulement ne touchent pas leur retraite mais continuent aussi pour une grande part leur activité et le paiement d'impôts qui vont avec.

C'est sans doute peu dire que ce plan a été fraîchement reçu. Il faut bien dire qu'acter un plan d'austérité alors que l'activité économique ahane ne va certainement pas aider à sa relance. C'est ainsi que Charles Wiplosz décerne un triple 0 à ce plan qui sacrifie l'activité économique pour finalement aboutir à une situation budgétaire pire qu'avant. Et de proposer sa solution habituelle: promettre que, demain, une fois la croissance revenue, on redeviendra sérieux dans la gestion des finances publiques. Si, malheureusement, il a sans doute raison sur les conséquences directes de ce plan, les perspectives qu'il donne sont illusoires en France.

D'une part, la croissance potentielle, même à long terme est probablement basse, autour de 1.5% par an. La crise financière va continuer à peser durablement sur la croissance et une fois ses effets dissipés, les perspectives démographiques ne portent pas spécialement à l'enthousiasme. Se pose donc la question de savoir combien de temps on est disposé à attendre le retour de la croissance et quel est le niveau de croissance à partir duquel les efforts devront être fournis.

D'autre part, ce type de proposition se compare à l'attitude de Saint Augustin qui voulait la chasteté, mais pas encore, ou, si on est moins aimable, à celle du pilier de bar qui annonce son intention de cesser de boire. On ne peut que constater que la crédibilité de ces propos ne peut que diminuer à force d'usages non suivis d'effets. Dans le domaine budgétaire, on peut citer en France:

  • la promesse que la CADES ne reprendrait plus de dettes après 2006. La réforme des retraites et la la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont acté une nouvelle reprise de dette.
  • la promesse de stabilité des dépenses en euros constants. La lecture des rapports de la Cour des Comptes montre que cela a mené à l'explosion des niches fiscales.
  • le traité de Maastricht et le pacte de stabilité qui prévoyaient qu'on ne pouvait dépasser 3% du PIB de déficit sauf grave récession et que la dette publique devait rester sous les 60% du PIB. Cela voulait donc dire qu'on devait rester proche de l'équilibre en temps normal et essayer d'obtenir une marge de sécurité pour ce qui est de la dette publique. Force est de constater que ça n'a pas été la priorité des gouvernements qui se sont succédé depuis 1992 et qu'au contraire le pacte a été saboté en 2004-2005 lorsque cela s'est trouvé expédient.

L'épisode du sabordage du pacte de stabilité est éloquent: après cela, l'Allemagne a adopté une règle constitutionnelle et s'y est tenue en faisant des efforts immédiats en la matière. La France, elle, a continué comme avant. De fait, l'adoption d'une règle similaire en France mènerait surtout à des acrobaties comptables. Finalement, ce n'est pas un hasard si l'Allemagne annonce des baisses d'impôts alors que la France annonce un plan d'austérité. La parole publique française n'est certes pas aussi démonétisée qu'en Grèce ou en Italie, mais qui peut croire à des promesses de sérieux en matière fiscale qui ne sont pas accompagnées d'actes? C'est aussi ce que montre ce plan d'austérité: pendant des années les Cassandre ont dit que l'incurie budgétaire finirait par avoir des conséquences néfastes, en vain. Ces conséquences commencent seulement à poindre.