Il y a une semaine s'est achevée la conférence de Durban sur le climat. Avant qu'elle ne commence, les observateurs étaient sceptiques quant aux chances de succès de la conférence. Des activistes avaient affiché d'emblée des ambitions limitées à la promesse par les pays en développement de s'engager dans le futur à réduire leurs émissions et à abandonner la distinction entre pays supposément riches, engagés dans le protocole de Kyoto, et pays vus comme pauvres, soumis à aucun engagement. La répartition mondiale des émission poussait à ce que cette distinction tombe: les deux plus gros émetteurs, les USA et la Chine, comptaient d'après l'AIE pour 40% des émissions en 2009. Comme la Chine n'est obligée à rien par le protocole et que les USA ne l'ont pas ratifié en donnant pour raison que les pays émergents ne subissent aucune contrainte, la signification du protocole est devenue marginale. De plus, depuis juin dernier, il est devenu clair que l'objectif d'un réchauffement limité à 2°C est hors d'atteinte si des mesures ne sont pas prises rapidement.

La conférence s'est terminée avec plus de 30 heures de retard, signe des grandes difficultés d'arriver à un accord. L'accord final prévoit bien la fin de la distinction de Kyoto, mais que l'accord ne prendra effet qu'en 2020. Les ambitions limitées sont tout justes remplies, mais l'attente de 10 ans risque de se révéler fatale. Alors que les preuves du réchauffement ne semblent pas manquer, l'action ne semble toujours pas la priorité.

La raison principale à cela, c'est que le réchauffement climatique rassemble tous les éléments de la tragédie des communs. On est presque certain que tout le monde y perdra si rien n'est fait, mais il n'y a aucun mécanisme pour décider de ce qu'il y a à faire et par qui; tous les pays n'ont pas les mêmes intérêts. De plus, tous les pays ne subiront pas les mêmes désagréments: menacer l'Arabie Saoudite de désertification n'a pas grand sens, le dégel du permafrost n'est pas forcément si mauvais pour la Russie. C'est ainsi qu'on a vu l'Arabie Saoudite demander à ce qu'on compense les moindres achats de pétrole qui résulteraient du succès des politiques menées! Les pays en développement, eux, ne veulent pas voir leur développement entravé. Quant aux USA, toute signature d'un accord contraignant est impossible car une bonne partie de sa population pense qu'il n'y a pas de réchauffement climatique. Comme les plus gros émetteurs n'arrivent pas à s'accorder, les actions des volontaires comme l'UE ne comptent pas pour grand chose: l'UE ne représentait environ que 1/8 des émissions mondiales en 2009.

Les propositions pour débloquer la situation ne semblent pas pouvoir résoudre le problème. Ainsi, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'environnement, écrivait récemment sur son blog:

L’échec que nous avons frôlé, aurait eu des conséquences considérables. Depuis Copenhague, les COPs se succèdent et s’essoufflent. Le système onusien est de plus en plus critiqué. Les présidences tournantes montrent leurs limites. A Durban, par exemple, le système organisé par la Présidence sud-africaine qui consiste à consulter longuement, dans des formats différents, selon un processus maïeutique appelé Inbada en référence au nom donné en zoulou au conseil des anciens, a considérablement ralenti les débats.

La question de la gouvernance des négociations doit donc légitiment être posée. Dans le cadre de la préparation de Rio+20 en janvier prochain à Paris, nous organisons avec Alain Juppé une grande réunion qui sera l’occasion de réfléchir sur l’organisation d’une nouvelle gouvernance.

Si on comprend bien, on va résoudre les problèmes des réunions interminables ne donnant aucun résultat en en organisant une!

Les volontaires pourraient donner l'exemple et montrer qu'il est possible d'émettre peu de CO₂ relativement à la population et d'avoir un haut niveau de vie élevé. Cependant, depuis 1992 et la Conférence de Rio, les résultats sont mitigés: CO2_par_tete2.png Comme on peut le voir sur le graphe, issu des données de l'AIE, les efforts ont été modérés. Si l'Allemagne a vu ses émissions baisser fortement, il faut se rappeler qu'elle a hérité au début des années 90 des émissions de l'ancienne RDA. Comme tous les pays communistes, la parcimonie en termes de consommation d'énergie y était inconnue; la mise aux normes occidentales a permis un gain énorme. Mais à part cela, on ne note pas vraiment d'évolution entre 1990 et 2005, sauf en Espagne, dans le mauvais sens.

Par contre, Verel signalait l'interview d'un climatologue français, déclarant que la construction de centrales nucléaires avait fait baisser nettement les émissions françaises. Sur le graphe, on voit que deux pays, la France et la Suède, à un moment où les émissions de CO₂ ne préoccupaient personne, ont enregistré une baisse rapide de leurs émissions, concomitantes à la constructions de centrales nucléaires. Aujourd'hui, il n'est plus question, en Europe, que de diminuer la part du nucléaire, rendant encore plus difficiles l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de CO₂.

Au fond, ce à quoi on a assisté, c'est à l'enterrement d'un processus commencé à Rio en 1992. À l'époque, les bonnes intentions ne manquaient pas, les climatologues commençaient à cerner le problème du réchauffement climatique, une application positive du principe de précaution allait permettre une évolution en douceur et une implémentation progressive de solutions que les négociations multilatérales menées de bonne foi allaient faire émerger. 19 ans plus tard, cet idéal est bien mort.

edit: modification du graphe et mention explicite de la source.