Cécile Duflot, ministre du Logement, etc. donne ce dimanche une interview à la Provence, titrée Trop d'excès dans l'immobilier suite à la publication de son projet de loi, modestement qualifié d'historique par le site du gouvernement. Cette interview est un concentré d'idéologie, ce qui présage mal des résultats à venir.

Mme le minsitre remarque dès l'abord que, en 10 ans, les loyers ont augmenté de 40% dans les zones les plus tendues. Selon elle, c'est donc dans les zones où il y a relativement le moins de logements disponibles par rapport à la demande que les prix ont le plus augmenté. En d'autres termes, elle constate une pénurie dans certaines villes; en fait, principalement à Paris et dans sa banlieue. La solution proposée est le contrôle des prix, puisque les propriétaires qui dépasseraient le montant maximum devront ramener le prix du loyer au niveau fixé par le préfet: l'administration fixera autoritairement un niveau maximal de prix. Or, ce dernier est plutôt associé à des pénuries, parfois sur les produits les plus mondains. Dans le secteur du logement, les conséquences d'une règlementation tatillonne sont connues: de grandes difficultés pour les candidats à la location pour trouver un logement, des conditions non monétaires confinant au délire. Cela permet aux économistes de publier des articles récurrents ou de se faire la main au début d'une carrière d'éditorialiste. Toujours est-il qu'en France, il est sans doute plus facile d'emprunter 200k€ sur 20 ans que de louer un appartement à 750€/mois. On peut simplement constater que tenter de résoudre une pénurie par le contrôle des prix est sans doute une première.

Mais ce n'est pas tout! En effet, une possibilité sera offerte aux propriétaire de louer plus cher que le plafond s'ils justifient de caractéristiques particulières du logement. Mais attention: À tout moment, la commission de conciliation ou le juge pourront ordonner un retour au maximum légal fixé par le préfet. En d'autres termes, on renforce la crainte des propriétaires de se faire avoir par leur locataire qui pourra demander à faire baisser son loyer à tout moment.

Cécile Duflot enchaîne ensuite par sa proposition d'une garantie universelle des loyers. Cette nouveauté a déjà fait l'objet d'un billet d'Alexandre Delaigue, dont il ressort que ce n'est sans doute pas une bonne idée. En effet, on verrait sans doute les impayés augmenter … et la facture retomberait sur les locataires et propriétaires qui n'essaient pas de profiter du système. À terme, le poids de l'assurance incomberait d'ailleurs surtout aux locataires, par un effet proche de l'incidence fiscale: les propriétaires intègreront ce nouveau coût au prix demandé et l'offre de logement a une borne supérieure à court terme, ce qui ralentit la concurrence, comme le montre la hausse des loyer en zone tendue. Comme visiblement les assureurs privés sont réticents à assumer un risque qu'ils jugent incontrôlable, c'est l'état qui va prendre le risque à sa charge via un nouvel établissement public.

On arrive alors aux mesures que veut prendre le ministre pour augmenter l'offre via la construction de logements. La première batterie de mesures consiste en l'installation de nouvelles niches fiscales, dont on croyait pourtant qu'il fallait les faire disparaître. C'est ainsi que la TVA sera abaissée pour certains types de constructions où l'accès serait accordé sous conditions de ressources. Il faut tout de même rappeler que presque les 2/3 de la population est éligible au HLM, avec ce nouveau type de logement, la quasi-totalité de la population devrait être éligible à une réduction de prix. Mme Duflot fait aussi la publicité de la niche fiscale qui porte son nom, dont elle dit qu'il est distribué par les promoteurs immobiliers dans l'esprit qui a contribué à sa création : construire des logements là où on en a besoin, à des niveaux de loyers inférieurs au marché, comme sans doute ses prédécesseurs le Scellier, le Robien, etc. Cela dit, il faut reconnaître que construire n'importe où a fini par régler le problème de la hausse continue des loyers dans certaines villes.

On en arrive à un autre problème provoqué par la règlementation foisonnante: les recours contre les permis de construire. Cécile Duflot se propose de pourchasser ceux qui transigeraient avec les promoteurs parce que certains seraient des professionnels des recours voire des mafieux qui devront verser des dommages et intérêts si leur recours est jugé abusif. Cependant, les associations de défense de l'environnement seront préservées de ce type de poursuite. Après cette reconnaissance que ces associations sont des professionnels des recours, on peut donc prévoir une soudaine hausse du dépôts de statuts en préfecture. On peut aussi remarquer l'instauration d'une nouvelle catégorie de justiciers autorisés, comme ceux qui défendent la nature sauvage en harcelant les sauveteurs de pinsons. Toujours est-il que transiger pour de l'argent apparaît comme néfaste par rapport au fait de camper sur ses positions pour empêcher la construction d'immeubles. Or, c'est plutôt à cette deuxième espèce qu'appartiennent ceux qui intentent des recours, quitte à laisser à l'abandon de vieux entrepôts et des maisons insalubres et décrépites, plutôt que d'accepter l'installation de logements neufs dans leur quartier. Mais procéder ainsi aurait sans doute obligé à couper les ailes aux recours venant des associations écologistes envers tout ce qu'elles détestent, des antennes relais aux projets d'infrastructure.

Au fond, on voit là que c'est l'idéologie qui semble guider Mme le ministre; le monde se partage entre bons et méchants: propriétaires responsables encouragés contre marchands de sommeil pourchassés, infâme recours mafieux contre juste action d'une association écologiste, marché livré à lui-même excessif contre état bienveillant et raisonnable, ignoble logement insalubre contre roulotte et yourtes pimpantes. Comme bien d'autres lois sur le logement, celle-ci n'atteindra certainement pas ses buts, tellement elle va dans la mauvaise direction: renforcer encore et toujours la règlementation. On pourrait bien sûr essayer l'inverse, mais il s'agit là d'un prêche dans le désert, comme le montre la date de cette dernière tribune: 2005.