MON810, le retour de la vengeance
Par proteos le 2 août 2013, 19:57 - À table! - Lien permanent
Comme prévu, l'arrêté pris pendant la campagne électorale de 2012 pour interdire le MON810 a été annulé par le Conseil d'État. Avant même que la nouvelle ait été annoncée, le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll déclarait: le Conseil d'État n'est pas le décideur, ce n'est pas lui qui dit si on peut ou pas interdire les OGM, il ne s'appuie que sur la base juridique pour dire si elle est valide ou pas.
Cette phrase est d'une magnifique casuistique, puisque le Conseil d'État, s'il ne publie aucun texte règlementaire, a bien le pouvoir de décider si une interdiction est valide ou pas. Elle a aussi le mérite d'indiquer la suite des évènements, une nouvelle interdiction est déjà annoncée. On ne peut que remarquer que c'est la deuxième fois que l'État est condamné pour les mêmes raisons et que le gouvernement entend poursuivre la politique qui consiste à s'assoir sur les décisions de justice. Le gouvernement perpètre ainsi et de façon répétée un abus de pouvoir caractérisé.
Le principe de la tactique est connu: espérer que les partisans se fatiguent avant les opposants et finissent par ne plus aller faire respecter leurs droits devant les tribunaux. C'est en bonne voie: des associations d'agriculteurs se disent prêtes à ne plus intenter de recours si un simple débat a lieu sur la possibilité de cultiver d'autres OGMs à venir. Autrement dit, il s'agit de lâcher la proie pour l'ombre. Tout d'abord, il est difficile d'imaginer qu'un autre OGM puisse réussir là où le MON810 n'a pas pu triompher de l'opposition, alors que sa principale utilité était d'éviter, en faisant produire la toxine par la plante, d'avoir à utiliser des produits insecticides potentiellement dangereux en leur substituant une toxine utilisée en agriculture biologique et d'avoir à passer vaporiser ces produits. En effet, le maïs MON810 permet d'arriver au Graal écologiste de ne pas utiliser de produit chimique tout en facilitant la vie de l'agriculteur. On se demande ce qu'on peut espérer de plus. Dans un même ordre d'idées, Greenpeace lutte avec acharnement contre le riz doré, un riz dont les grains contiennent du carotène grâce à l'insertion de gènes de maïs et ne présentant donc strictement aucun danger. Mais même dans l'hypothèse — hautement improbable donc — où les agriculteurs sortiraient vainqueurs de ce débat, ils ne pourraient cultiver ces hypothétiques plantes sans autorisation délivrée par la Commission Européenne. Elle a fait preuve jusqu'à présent d'un empressement tout relatif, puisque seuls 3 OGMs ont jamais été autorisés à la culture. Ce débat sera donc un marché de dupes.
Les écologistes ne font même plus mystère de l'illégalité de l'interdiction. José Bové déclare immédiatement au Figaro que ce qui motive la décision du Conseil d'État, ce sont les règles européennes, qui sont claires. Seuls des arguments scientifiques peuvent interdire l'exploitation d'un OGM.
Et de se dire prêt à la violence sous couvert de désobéissance civique
. Christian Bataille, membre de l'OPECST, a beau tonner contre les Torquemada
et enfin dire les choses comme elles sont, cette politique continuera aussi longtemps que l'opposition aux OGMs restera vivace et peut-être au delà. Les opposants ont réussi — fait sans précédent! — à tuer la recherche publique en France sur le sujet et à bloquer toute autorisation d'OGMs, au point de désespérer le principal promoteur commercial, Monsanto.
Les péripéties et les déclarations du gouvernement montrent aussi qu'en France, on ne peut profiter des libertés individuelles que si elles ne déplaisent pas à la majorité accompagnée d'opposants particulièrement bruyants, ce qui en est la négation même, les libertés individuelles étant surtout utiles quand le grand nombre conteste vos droits. Et c'est sans doute là, le plus grave.
Commentaires
À un moment il va falloir se positionner par rapport aux règles européennes, et il n'y a pas 36 approches :
Pour résumer cette dernière solution : on ASSUME la désobéissance civique à l'échelle nationale. On annonce qu'en France on se moque de la science et qu'on prend de décisions fondamentales concernant l'avenir, les choix technologiques, l'agriculture, l'environnement au pif (et surtout à la moustache).
Mais alors il faudrait que le gouvernement s'affiche réellement comme anti-européen, ce qu'il est en l'occurrence quand il s'emploie à faire échec aux règles communes : celui qui refuse l'application de règles européennes décidées et acceptées par tous est anti-européen. Mais alors toutes les oppositions hypocrites entres OUIistes et NONistes tomberont, puisque les soi-disant pro-européens ne seront plus pro-européens que selon le sens du vent et les alliances politiques.
IL FAUT EXPOSER LES CONTRADICTIONS.
Pas d'enrobage doucereux, il faut adopter la méthode du pilonnage médiatique intensif; on s’aliène presque tous les média, mais il peut en sortir de la clarté.
Je pense que Sarkozy a perdu en voulant se faire bien voir :
Sarkozy ayant fait une politique centriste de droite décomplexée, de discours décomplexé complexé quand même, d'appels au français moyen majorité silencieuse non représenté par les "corps intermédiaires" tout en essayant de chouchouter les "corps intermédiaires".... une sorte de politique de "droite plurielle" de gauche, pro-américaine anti-américaine cherchant à séduire les chercheurs en les insultant ... ne pouvait que perdre, parce que personne n'aime la politique de la main de chamalow dans un gant de fer.
C'est dommage, il y avait une occasion de dépuantir la société française en cassant des tabous.
simple-touriste,
Il y a une solution plus simple, qui est de nationaliser les autorisations de semis. Cela pose des problèmes particuliers, comme l'autorisation à la vente des récoltes dans l'ensemble de l'Union, mais ils ne sont pas insurmontables puisque l'UE est de fait obligée d'accepter les imports d'OGMs par des traités internationaux (OMC, etc.). Pas besoin de casser la baraque, donc.
Quant au Grenelle de l'Environnement, déjà à l'époque, ça s'était un peu vu qu'il y avait peut-être un deal OGM contre nucléaire. Depuis, c'est devenu une certitude pour certains. Ça s'est évidemment révélé un marché de dupes… Pour le reste, Sarkozy n'a sans doute pas perdu pour ses positions sur les OGMs ni sa tactique sur le sujet. D'autres thèmes — qui n'ont rien à voir — ont certainement une importance plus grande dans sa défaite.
Source : http://www.euractiv.fr/agriculture/...
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D'accord : ne pas aimer les OGM, c'est la religion de la moustache. Dieu n'aime pas les OGM et Bové est son prophète.
Difficile de concilier ça avec la laïcité française.
"Pour le reste, Sarkozy n'a sans doute pas perdu pour ses positions sur les OGMs ni sa tactique sur le sujet."
Que ça soit "l'ouverture à gauche" (et la re-fermeture), Grenelle (et "l'écologie ça suffit"), l'immigration, la dépense étatique, la droite décomplexée mais complexée quand même, le problème de Sarkozy est qu'à force de pragmatisme c'est à dire de girouettisme il lasse tout le monde.