Comme prévu, l'arrêté pris pendant la campagne électorale de 2012 pour interdire le MON810 a été annulé par le Conseil d'État. Avant même que la nouvelle ait été annoncée, le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll déclarait: le Conseil d'État n'est pas le décideur, ce n'est pas lui qui dit si on peut ou pas interdire les OGM, il ne s'appuie que sur la base juridique pour dire si elle est valide ou pas. Cette phrase est d'une magnifique casuistique, puisque le Conseil d'État, s'il ne publie aucun texte règlementaire, a bien le pouvoir de décider si une interdiction est valide ou pas. Elle a aussi le mérite d'indiquer la suite des évènements, une nouvelle interdiction est déjà annoncée. On ne peut que remarquer que c'est la deuxième fois que l'État est condamné pour les mêmes raisons et que le gouvernement entend poursuivre la politique qui consiste à s'assoir sur les décisions de justice. Le gouvernement perpètre ainsi et de façon répétée un abus de pouvoir caractérisé.

Le principe de la tactique est connu: espérer que les partisans se fatiguent avant les opposants et finissent par ne plus aller faire respecter leurs droits devant les tribunaux. C'est en bonne voie: des associations d'agriculteurs se disent prêtes à ne plus intenter de recours si un simple débat a lieu sur la possibilité de cultiver d'autres OGMs à venir. Autrement dit, il s'agit de lâcher la proie pour l'ombre. Tout d'abord, il est difficile d'imaginer qu'un autre OGM puisse réussir là où le MON810 n'a pas pu triompher de l'opposition, alors que sa principale utilité était d'éviter, en faisant produire la toxine par la plante, d'avoir à utiliser des produits insecticides potentiellement dangereux en leur substituant une toxine utilisée en agriculture biologique et d'avoir à passer vaporiser ces produits. En effet, le maïs MON810 permet d'arriver au Graal écologiste de ne pas utiliser de produit chimique tout en facilitant la vie de l'agriculteur. On se demande ce qu'on peut espérer de plus. Dans un même ordre d'idées, Greenpeace lutte avec acharnement contre le riz doré, un riz dont les grains contiennent du carotène grâce à l'insertion de gènes de maïs et ne présentant donc strictement aucun danger. Mais même dans l'hypothèse — hautement improbable donc — où les agriculteurs sortiraient vainqueurs de ce débat, ils ne pourraient cultiver ces hypothétiques plantes sans autorisation délivrée par la Commission Européenne. Elle a fait preuve jusqu'à présent d'un empressement tout relatif, puisque seuls 3 OGMs ont jamais été autorisés à la culture. Ce débat sera donc un marché de dupes.

Les écologistes ne font même plus mystère de l'illégalité de l'interdiction. José Bové déclare immédiatement au Figaro que ce qui motive la décision du Conseil d'État, ce sont les règles européennes, qui sont claires. Seuls des arguments scientifiques peuvent interdire l'exploitation d'un OGM. Et de se dire prêt à la violence sous couvert de désobéissance civique. Christian Bataille, membre de l'OPECST, a beau tonner contre les Torquemada et enfin dire les choses comme elles sont, cette politique continuera aussi longtemps que l'opposition aux OGMs restera vivace et peut-être au delà. Les opposants ont réussi — fait sans précédent! — à tuer la recherche publique en France sur le sujet et à bloquer toute autorisation d'OGMs, au point de désespérer le principal promoteur commercial, Monsanto.

Les péripéties et les déclarations du gouvernement montrent aussi qu'en France, on ne peut profiter des libertés individuelles que si elles ne déplaisent pas à la majorité accompagnée d'opposants particulièrement bruyants, ce qui en est la négation même, les libertés individuelles étant surtout utiles quand le grand nombre conteste vos droits. Et c'est sans doute là, le plus grave.