Fin novembre dernier, le Conseil d'État censurait les arrêtés interdisant la culture du MON810. Cela a donné lieu à des réactions des plus prévisibles, y compris sur ce blog. Un point restait cependant peu clair: le ministre de l'environnement, Mme Kosciusko-Morizet, avait juré que le gouvernement publierait de nouveaux arrêtés invoquant la clause de sauvegarde et interdisant de nouveau la culture de la plante honnie.

L'arrêt de la CJUE pose ainsi des conditions pour la validité de l'invocation de la fameuse clause de sauvegarde (§81): l’article 34 du règlement n° 1829/2003 impose aux États membres d’établir, outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Pour un OGM autorisé depuis 1995 aux USA et qui a fait l'objet de plusieurs milliers d'articles scientifiques, trouver de nouvelles indications susceptibles de passer un tel test, sans qu'il n'en ait été question en large et en travers dans la presse semble relever de la gageure. On attendait donc plus d'informations sur la stratégie — à n'en pas douter brillante — qu'allait adopter le gouvernement pour parvenir à ses fins.

Aujourd'hui, le ministre de l'environnement a fait quelques déclarations sur ce sujet. En effet, depuis 2 mois, on ne voyait plus rien venir et les agriculteurs commencent maintenant à s'approvisionner en vue des semis. Mme le ministre a donc déclaré que le gouvernement activera la clause de sauvegarde avant la période des semailles mais pas trop tôt avant pour que la Commission européenne n'ait pas le temps de la remettre en cause et qu'il s'opposera à la culture du Mon 810, donc ce n'est pas la peine d'acheter des semences de Mon 810.

On voit donc avec quelle confiance le gouvernement va de nouveau activer la clause de sauvegarde: pour ne pas laisser la commission le temps de réagir, on attendra le dernier moment. Cela devrait aussi permettre d'annihiler les efforts de Monsanto — qui, à coup sûr, agira en référé — pour faire annuler les nouveaux arrêtés. Les arguments scientifiques qui seront avancés par le gouvernement ne semblent donc pas suffire au ministre, ce qui est surprenant, puisqu'on nous dit depuis toujours que le MON810 est dangereux.

Le gouvernement cherche donc ouvertement à priver d'effets une décision de justice visant à corriger un excès de pouvoir. Dans la dépêche, on cherche aussi vainement toute trace de condamnation des actes des militants anti-OGM, alors que ce gouvernement se fait fort de pourchasser les délinquants. Encore des actes à mettre au crédit de ce gouvernement.