Ce dimanche, le Monde nous a gratifié d'un article sur ceux qui se nomment électro-hypersensibles. On nous présente le cas de plusieurs personnes. Une femme se dit intolérante à diverses fréquences allant du 50Hz du courant électrique aux micro-ondes, elle semble vivre en permanence avec un bracelet anti-statique. Elle l'utilise pour se mettre à la terre, alors que, marchant pieds nus, sa conductivité électrique, que sous-entend la prise au premier degré de son affection, devrait lui permettre se décharger automatiquement. Un homme est aussi atteint après avoir eu une vie frénétique en travaillant sur plusieurs continents. Un autre se dit aussi atteint, de plus, il ne supporterait aucun produit chimique. À première vue, il s'agit d'un rassemblement de personnes souffrant effectivement d'une ou plusieurs affections handicapantes, puisque, par exemple, l'électricité est devenue omniprésente dans le monde moderne. Cela dit, rien ne dit que le diagnostic que ces personnes portent sur elles-mêmes soit le bon.

On s'aperçoit que la journaliste a tout de même une intime conviction: les téléphones portables sont bien responsables. Elle nous dit que ce sont des symptômes que nombre de médecins, démunis, attribuent encore régulièrement à des troubles psychiatriques ou psychosomatiques et que la controverse est loin d'être tranchée chez les scientifiques et divise la classe politique. Ainsi donc, il semble qu'il ait encore des médecins qui n'ont pas vu la lumière et qui osent encore attribuer ces symptômes à des causes psychiatriques. Il y aurait aussi une controverse scientifique. Les lecteurs réguliers de ce blog se rappelleront sans doute que j'ai déjà abordé ce thème par deux fois. On peut résumer le consensus scientifique en signalant que l'ANSES rappelait que les seuls résultats positifs obtenus à ce jour sur le plan thérapeutique sont ceux obtenus par des thérapies comportementales ou des prises en charge globales et qu'un article scientifique a montré que ces personnes étaient bien incapables de détecter les ondes auxquelles elles imputaient leurs maux. Il est aussi très étonnant qu'aucune explication ne soient apportée au fait qu'après plus d'un siècle d'utilisation du courant alternatif et des techniques utilisant les ondes radio, ce n'est qu'avec le téléphone portable que sont apparus ces électro-sensibles.

On se trouve ainsi dans un cas où la situation est présentée sous un jour tout à fait particulier et on ne peut s'empêcher de remarquer qu'on nous avait déjà fait le coup en 2008. La dispute politique, par contre, est bien réelle; elle est portée par les écologistes. Par une coïncidence extraordinaire, cet article est publié juste après la publication d'un rapport concluant à la multiplication par 3 du nombre d'antennes si on voulait passer en deçà du seuil arbitraire et sans justification de 0.6V/m en gardant une bonne qualité de service. En attendant, dans certains immeubles, on a du mal à capter le signal, alors que le téléphone portable est aujourd'hui le seul téléphone pour un certain nombre de ménages, grâce notamment à son faible coût puisque pour 2€ par mois et un appareil à 20€ on peut appeler de partout, alors qu'un ligne fixe réclame de l'ordre de 15€/mois d'abonnement et oblige à payer un raccordement de 50€.

La revendication qui est porté par le rassemblement qui nous est décrit mérite aussi le détour: la création de zones sans ondes. Cette revendication est impossible à satisfaire depuis que Marconi a inventé la radio, notamment à ondes courtes, que le courant alternatif alimente tous les équipements du confort moderne et que le téléphone satellite a fait son apparition. Elle est directement inverse à celle des élus et de la plupart des habitants qui ont réclamé à cor et à cri une bonne couverture par le téléphone portable, non sans succès puisqu'on a rapporté des cas de personnes sauvées par des messages envoyés depuis un endroit autrefois improbable. Cette revendication s'accompagne d'une menace d'utilisation de la violence puisque la zone blanche, on la prendra s'il le faut. Cette revendication a donc pour principal intérêt de faire passer ceux qui veulent limiter l'exposition pour des modérés préférant la paix.

Cette semaine, un journaliste a aussi fait part des raisons qui l'ont amené à quitter le journal qui l'employait. Son employeur le soupçonnait en fait de n'être guère impartial quand il voulait couvrir les évènements entourant la contestation de la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il faut dire qu'il qualifie de magnifiques 3 jours sur place en compagnie des contestataires. Pourtant d'autres échos laissent entendre un quotidien de racket et de vols dans les supermarchés pour les habitants, priés d'être contre l'aéroport sous peine de rétorsions bien réelles. On le voit, la réalité montrée dépend fortement du point de vue de celui qui tient le stylo ou, de nos jours, le clavier. Sans surprise, la vision relayée reflète les opinions politiques de l'auteur, sans que le lecteur n'ait de moyens rapides de vérifier quels faits auraient pu être occultés, voire même qu'on lui raconte en fait n'importe quoi. Autrefois, des puissants accréditèrent le récit d'un homme sans qu'il ne fût nécessaire qu'ils y crussent, car c'était expédient pour leur cause politique. Aujourd'hui, les choses n'ont peut être pas tant changé; si la cause politique a des chances de remporter un succès, il est loin d'être sûr que les malades qu'on nous montre bénéficient vraiment, à terme, d'un relais sans critique de leur croyances.