Le COR publie un rapport chaque année, comme la loi de réforme des retraites de Hollande l'invite à le faire, pour réactualiser ses projections. La presse s'est essentiellement fait l'écho du constat que l'équilibre des régimes de retraites était renvoyé aux calendes grecques.

Il est vrai qu'une fois de plus, les prévisions sont révisées à la baisse. Cela se passe par des biais plus ou moins subtils. Par exemple, le COR est obligé, par décret, de prendre comme base de prévision le programme de stabilité en cours tel qu'envoyé à la Commission Européenne. À chaque fois que la France révise le programme, c'est à dire chaque année, le COR change la base de ses prévisions. Il se trouve — pur hasard, sans doute — que les révisions de la croissance du PIB dans les différents programmes de stabilité de cette décennie se sont faites à la baisse. Tout ce que peut faire le COR pour contester ces prévisions est d'écrire dans son rapport ce qu'il leur reproche. Cette année, le COR a aussi rallongé l'intervalle dans lequel le modèle économique converge vers une croissance de long terme. Étant donné que la croissance de ces dernières années est inférieure à celle des scénarios optimistes de long terme, cela diminue le solde de presque tous les scénarios. La révision des prévisions démographiques va aussi dans ce sens, puisque le COR prend en compte la diminution du taux d'activité des jeunes gens ainsi que la baisse de l'immigration, toutes choses qui créent un manque de ressources à court et moyen termes. Enfin, on peut mentionner la fin du scénario le plus rose du COR, sans doute victime de la réalité économique qui sévit depuis la crise de 2008 ou plus généralement, du net ralentissement de la hausse de la productivité.

En effet, il fut un temps où il y avait une unique hypothèse de long terme, avec une hausse des revenus d'activité par tête de 1.8% par an, équivalente à la hausse de la productivité. Avec la crise, on a vu apparaître 3 scénarios (2007 & 2010), puis 5 depuis 2012. Tous les scénarios ajoutés étaient plus pessimistes que l'originel, sauf un introduit en 2012. Ce scénario qui prévoyait une hausse tendancielle des revenus d'activité de 2% par an en sus de l'inflation est donc éliminé cette année. On peut donc remarquer que le scénario originel est (de nouveau) le plus optimiste … le scénario le plus pessimiste perdure, quant à lui. Et pour cause, il n'est pas si loin de la réalité constatée ces dernières années. On peut finalement visualiser le degré d'optimisme ou de pessimisme des différents scénarios grâce au graphe suivant: croissance_scenarios.jpg On peut voir que le scénario le plus pessimiste est essentiellement la poursuite des tendances de la décennie, plus un rattrapage entre maintenant et 2025. Les autres scénarios s'échelonnent jusqu'à une croissance annuelle du PIB de 2% par an à peu près. Dans mes précédents articles, je n'ai pas caché que je pensais que le scénario le plus pessimiste était le plus crédible; le présent rapport ne fait que fournir à mon sens que des éléments montrant que les 2 scénarios les plus crédibles sont les 2 plus pessimistes.

Avec ces perspectives en baisse, il n'est pas étonnant de constater que tous les cas annoncent des déficits plus conséquents. Si de fait à l'horizon 2025, tous les scénarios se ressemblent, puisque le gouvernement impose le taux de croissance jusqu'en 2022, à plus longue échéance, on voit que ce sont les simulations dans les cas les plus favorables qui sont les plus touchées. C'est le signe de l'impact important de l'allongement de la période de transition. Cela dit, à l'horizon 2040 — soit un peu moins de 25 ans — le scénario le plus pessimiste voit un solde dégradé de 0.4% du PIB par rapport aux précédentes simulations. Si le scénario anciennement médian arrive toujours à équilibrer le système, il ne le fait plus qu'à partir de 2050 environ. Pour bien comprendre la dégradation des prévisions, fin 2014, le COR prévoyait que dans ce scénario, le système serait légèrement excédentaire à partir de 2030 environ. La comparaison des graphes est parlante. Tout d'abord le graphe des prévisions de décembre 2014: COR-prev2014.jpg Puis maintenant les prévisions de juin 2017. Le scénario B (en vert ci-dessus) est équivalent au scénario "1.5%", la courbe avec des triangles. COR-prev2017.jpg On retrouve bien le fait que le pire scénario est pratiquement celui qui subit le moins de dommages. On voit aussi nettement se dessiner un problème de financement tout le long de la décennie 2020. On eut pu croire que le gouvernement sortant se serait senti le devoir d'éviter cette situation. Malheureusement, il n'en a rien été. Le gouvernement a préféré se féliciter du retour à l'équilibre de la seule CNAV, poursuivant ainsi l'œuvre du quinquennat.

Il faut aussi noter que le COR rappelle désormais, tant dans sa présentation à la presse que sur son site internet, qu'il n'y a que 3 paramètres fondamentaux pour équilibrer le système de retraites: le ratio du nombre de retraités au nombre de cotisants, le ratio de la pension moyenne au salaire moyen et enfin le taux de cotisation. En ce sens, il est inutile d'espérer la fin des réformes paramétriques: une réforme dite «systémique» sert en fait à décider à quels paramètres toucher et comment. Mais évidemment, il existe un engagement — légal (!) — de ne plus augmenter les taux de cotisation; les divers candidats, dont l'élu, se sont bien entendu engagés à ne pas baisser les retraites ainsi que de ne pas repousser l'âge légal. Pour le dire simplement, certains engagements contenaient au minimum des ambiguïtés.