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29 septembre 2014

Vers des rénovations obligatoires

Le projet de loi sur l'énergie de ce quinquennat va être étudié à l'assemblée dans l'hémicycle à partir de ce mercredi 1er octobre. Le projet original est passé en commission où plus de 2000 amendements ont été étudiés pour arriver à la version approuvée par la commission parlementaire sur le sujet. Pour l'occasion, Ségolène Royal a fait un passage à la radio ce dimanche pour défendre cette loi.

J'écrirai peut-être d'autres articles sur le sujet de ce projet de loi dans les prochains jours. Pour commencer, cet article porte sur l'article 5, qui modifie l'article de loi qui permet au gouvernement d’édicter la règlementation thermique. La nouvelle rédaction va donner pouvoir à l'état d'édicter l'obligation d'effectuer des travaux d'isolation lorsqu'on ravale une façade ou rénove une toiture.

Ce faisant, on s'engage de plus en plus vers un régime de rénovations obligatoires. C'est clairement une idée qui fait son chemin. C'est par exemple ce que soutient cette vidéo (The Shift Project): il est clairement proposé dans cette conférence d'obliger à faire des travaux d'isolation à la vente de certains logements. C'est aussi ce qui transparaît dans le paragraphe sur le bâtiment de ce billet d'Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans ce types de questions énergétiques.

À mon sens, cette idée est à double tranchant. Dans le meilleur des cas, elle peut effectivement atteindre son but d'accélérer le rythme de rénovation des bâtiments. Dans le pire des cas, elle peut freiner d'autres travaux — ceux qu'on veut lier à des travaux d'isolation — ou renforcer les blocages sur le marché immobilier, en agrandissant la différence entre la somme reçue par le vendeur et celle payée par l'acheteur. Le blocage peut s'opérer de plusieurs façons:

  1. La plus immédiate est celle du coût: en liant des actes qui n'étaient pas a priori liés jusque là, on impose une dépense supplémentaire à des gens qui n'en ont pas forcément les moyens ou l'envie. Une réponse très simple est alors de ne pas faire de travaux ou de faire des travaux qui ne tombent pas sous le coup des obligations. Par exemple, dans le cas d'une rénovation de toiture, on peut décider de ne plus faire que remplacer les ardoises ou les tuiles en trop mauvais état pour éviter l'obligation d'isolation imposée en cas de rénovation complète.
  2. Une autre est qu'il n'est pas évident que le coût de ces travaux imposés puissent être répercutés sur les locataires: on renforce donc la faiblesse des rendements locatifs en France … ce qui a normalement pour contrecoup de moindres dépenses d'entretien ou d'amélioration.
  3. La plus insidieuse est qu'on va vers un système normatif où il va falloir se justifier. Une justification a toujours un coût. De plus la normalisation de ces travaux peut les complexifier notablement. Pour en revenir à mon billet précédent, entre la règlementation thermique de 2005 et celle de 2012, il y a eu une multiplication par 5 de la longueur de la norme.

Sur une note plus polémique, ce type d'article contredit aussi directement les propos de Ségolène Royal lors de son passage radio où elle a souvent affirmé que les économies d'énergie imposées par cette loi allaient rapporter de l'argent. Pourquoi imposer aux gens des rénovations par la loi, si elles sont véritablement rentables pour eux? Dans ce cas, édicter des normes peut se révéler totalement contreproductif en les obligeant à se justifier de ce qu'ils auraient fait naturellement. Au contraire, de tels articles de loi montrent que les prix de l'énergie ne sont pas suffisamment élevés pour justifier d'investir fortement pour réaliser des économies d'énergie. Les travaux visés sont toutefois ceux qui sont le plus proches de la rentabilité, voire déjà rentables aux prix actuels: une étude de l'UFE de 2012, le lobby des électriciens, montrait que l'isolation des combles et l'isolation par l'extérieur avaient au moins des taux de rentabilité positifs dans la plupart des cas.

Pour conclure, je suis partagé sur ce genre d'articles de loi: d'un côté ils sont relativement limités dans leurs conséquences immédiates et concernent des rénovations raisonnables, mais de l'autre la pente sur laquelle le gouvernement s'engage est très glissante. Ces obligations de rénovations peut d'abord se traduire par moins de rénovations. Mais la mesure peut rencontrer un succès certain et la tentation deviendra grande pour l'utiliser pour forcer toute sortes de travaux, nettement plus loin de la rentabilité. On aurait alors une réglementation qui aurait pour effet de freiner les rénovation à cause de l'obligation d'effectuer des travaux très loin du seuil de rentabilité et qui deviendrait sans doute aussi de plus en plus tatillonne pour parer à ceux qui tenteraient de la contourner. De plus, pour les locations, il faut accepter que les investissements se traduisent par une hausse des loyers, ce qui est tout sauf assuré!

24 août 2014

Du bilan de Cécile Duflot

Suite aux municipales et au remaniement qui a suivi, Cécile Duflot a choisi de ne pas rester au gouvernement. À l'époque, on comprenait déjà que c'était par désaccord sur la politique à mener par Manuel Valls, ainsi que dans une certaine mesure avec la politique qui avait été menée par le gouvernement Ayrault dont elle faisait partie. Depuis, elle a écrit un livre où il ressort du titre et des «bonnes feuilles» publiées dans la presse qu'elle est déçue de la politique menée et que son passage au gouvernement a été une désillusion. Cécile Duflot défend aussi régulièrement dans les médias son action de ministre en général, la loi qu'elle a fait voter en particulier (dite ALUR).

La parution de son livre et la rentrée qui s'annonce sont l'occasion pour elle de s'exprimer de nouveau, par exemple dans une interview au Monde. Dans la réponse à la deuxième question, elle y défend son bilan personnel et la politique qu'elle comptait mener. Il s'avère cependant que ses propos ne correspondent pas à la réalité.

  1. Elle commence par louer le contrôle des loyers au prétexte que c'est un engagement de campagne. Elle oppose aussi cette mesure aux solutions d'avant: elle prétend donc que le contrôle des loyers est une idée neuve. Bien sûr, il n'en est rien: la chose est suffisamment connue pour qu'il y ait consensus parmi les économistes sur sa nocivité. C'est ainsi que Paul Krugman en a fait le sujet d'une de ses premières tribunes. Le contrôle des loyers n'est pas non plus un inconnu en France, puisqu'il a été utilisé durant l'Entre-deux-guerres. Il semble qu'avant la 2e Guerre Mondiale, on estimait le manque de logements à 2 millions d'unités et que l'état général du parc de logements était désastreux. Les résultats à attendre du contrôle des loyers sont donc nocifs, surtout pour ceux qui cherchent à se loger. Que ce serait respecter un engagement de campagne ne signifie pas pour autant que les Français ne seraient pas déçus!
  2. Pour Cécile Duflot, il fallait arrêter de doper artificiellement l'immobilier à coups de défiscalisation. Il s'avère que Cécile Duflot a donné son nom à un dispositif de défiscalisation, créé par la loi de finances initiale pour 2013, la première du gouvernement Ayrault. Ce dispositif remplace le défunt Scellier. Il est donc utile des les comparer. Pour faire rentrer plus d'argent, à la fin de la mandature précédente, le Scellier ne permettait plus que de défalquer 13% de la valeur du logement sur 9 ans et 21% sur 15 ans. Le Duflot permet, lui, de défalquer 18% sur 9 ans! Certes, les plafonds de loyers ont été abaissés. Mais il est difficile d'y voir la fin du dopage par la défiscalisation! Si vraiment elle voulait la fin des défiscalisations, elle aurait pu au moins s'arranger pour que le dispositif ne porte pas son nom.
  3. Elle finit sa réponse en affirmant que le problème du logement cher est un problème spécifiquement français. Il s'avère en fait que la situation britannique est encore pire. Le magazine britannique The Economist — que, certes, Cécile Duflot ne lit sans doute pas — publie régulièrement des articles et des infographies sur ce sujet. La cause de ces prix élevés ne fait pas de doute pour The Economist: expansion démographique associée à trop de réglementations et à un zonage qui empêche de construire. Des causes qu'on entend souvent nommées pour expliquer la situation du marché immobilier français. Sous l'égide de Cécile Duflot, la loi ALUR a été votée, on dit qu'elle détient le record de longueur sous la Ve République. On conçoit donc qu'elle ne partage pas ces conclusions.

Depuis le départ de Cécile Duflot, les déclarations gouvernementales se sont succédé pour essayer d'amoindrir l'impact de la loi ALUR. C'est ainsi que Sylvia Pinel a annoncé peu ou prou que certains pans de la loi ne seraient pas appliqués et qu'on allait réduire le nombre de documents demandés lors de l'achat d'un appartement en copropriété. Ce changement d'attitude fait suite à la matérialisation d'une baisse d'activité dans le secteur de la construction. Ce revirement, moins de 6 mois après la promulgation de la loi, ne laisse pas d'étonner: les effets néfastes de la loi ALUR étaient prévisibles et dénoncés depuis l'annonce des lignes directrices. Il montre qu'en fait, de nombreuses personnes au PS pensaient que cette loi allait avoir des effets néfastes, c'est d'ailleurs l'impression qui se dégage à la lecture de certains articles: François Hollande ne paraissait pas bien convaincu par le contrôle des loyers, par exemple. Certaines mesures prévues à l'origine, comme la garantie universelle des loyers, ont vu leur portée être amoindrie de peur des conséquences financières. Il est dommage que les éventuels opposants internes n'aient pas été plus entendus…

Ces péripéties me font penser que la campagne présidentielle n'a fait que renforcer certains illusions au sein de la gauche. Que l'idée qu'un surcroît de règlementations dans le domaine de l'immobilier, comme l'instauration d'un contrôle des loyers, puisse permettre de résoudre les problèmes de manque d'offre n'ait pas été contestée, alors que l'histoire montre le contraire, m'étonne toujours. Plus généralement, cela montre bien que bon nombre de choses promises par le candidat Hollande ne pouvaient se réaliser, parce qu'elles étaient trop irréalistes, et que si jamais certaines promesses étaient honorées, des effets néfastes apparaîtraient rapidement. Je dois aussi admettre ma surprise devant l'aplomb de la défense de Cécile Duflot: elle affirme des choses dont il est facile de vérifier qu'elle sont fausses. Sa défense de son bilan est renversante: soit elle a fait le contraire de ce qu'elle voulait — sur la défiscalisation par exemple —, soit ça n'avait aucune chance de marcher — comme le contrôle des loyers.

30 juin 2013

L'idéologie au pouvoir

Cécile Duflot, ministre du Logement, etc. donne ce dimanche une interview à la Provence, titrée Trop d'excès dans l'immobilier suite à la publication de son projet de loi, modestement qualifié d'historique par le site du gouvernement. Cette interview est un concentré d'idéologie, ce qui présage mal des résultats à venir.

Mme le minsitre remarque dès l'abord que, en 10 ans, les loyers ont augmenté de 40% dans les zones les plus tendues. Selon elle, c'est donc dans les zones où il y a relativement le moins de logements disponibles par rapport à la demande que les prix ont le plus augmenté. En d'autres termes, elle constate une pénurie dans certaines villes; en fait, principalement à Paris et dans sa banlieue. La solution proposée est le contrôle des prix, puisque les propriétaires qui dépasseraient le montant maximum devront ramener le prix du loyer au niveau fixé par le préfet: l'administration fixera autoritairement un niveau maximal de prix. Or, ce dernier est plutôt associé à des pénuries, parfois sur les produits les plus mondains. Dans le secteur du logement, les conséquences d'une règlementation tatillonne sont connues: de grandes difficultés pour les candidats à la location pour trouver un logement, des conditions non monétaires confinant au délire. Cela permet aux économistes de publier des articles récurrents ou de se faire la main au début d'une carrière d'éditorialiste. Toujours est-il qu'en France, il est sans doute plus facile d'emprunter 200k€ sur 20 ans que de louer un appartement à 750€/mois. On peut simplement constater que tenter de résoudre une pénurie par le contrôle des prix est sans doute une première.

Mais ce n'est pas tout! En effet, une possibilité sera offerte aux propriétaire de louer plus cher que le plafond s'ils justifient de caractéristiques particulières du logement. Mais attention: À tout moment, la commission de conciliation ou le juge pourront ordonner un retour au maximum légal fixé par le préfet. En d'autres termes, on renforce la crainte des propriétaires de se faire avoir par leur locataire qui pourra demander à faire baisser son loyer à tout moment.

Cécile Duflot enchaîne ensuite par sa proposition d'une garantie universelle des loyers. Cette nouveauté a déjà fait l'objet d'un billet d'Alexandre Delaigue, dont il ressort que ce n'est sans doute pas une bonne idée. En effet, on verrait sans doute les impayés augmenter … et la facture retomberait sur les locataires et propriétaires qui n'essaient pas de profiter du système. À terme, le poids de l'assurance incomberait d'ailleurs surtout aux locataires, par un effet proche de l'incidence fiscale: les propriétaires intègreront ce nouveau coût au prix demandé et l'offre de logement a une borne supérieure à court terme, ce qui ralentit la concurrence, comme le montre la hausse des loyer en zone tendue. Comme visiblement les assureurs privés sont réticents à assumer un risque qu'ils jugent incontrôlable, c'est l'état qui va prendre le risque à sa charge via un nouvel établissement public.

On arrive alors aux mesures que veut prendre le ministre pour augmenter l'offre via la construction de logements. La première batterie de mesures consiste en l'installation de nouvelles niches fiscales, dont on croyait pourtant qu'il fallait les faire disparaître. C'est ainsi que la TVA sera abaissée pour certains types de constructions où l'accès serait accordé sous conditions de ressources. Il faut tout de même rappeler que presque les 2/3 de la population est éligible au HLM, avec ce nouveau type de logement, la quasi-totalité de la population devrait être éligible à une réduction de prix. Mme Duflot fait aussi la publicité de la niche fiscale qui porte son nom, dont elle dit qu'il est distribué par les promoteurs immobiliers dans l'esprit qui a contribué à sa création : construire des logements là où on en a besoin, à des niveaux de loyers inférieurs au marché, comme sans doute ses prédécesseurs le Scellier, le Robien, etc. Cela dit, il faut reconnaître que construire n'importe où a fini par régler le problème de la hausse continue des loyers dans certaines villes.

On en arrive à un autre problème provoqué par la règlementation foisonnante: les recours contre les permis de construire. Cécile Duflot se propose de pourchasser ceux qui transigeraient avec les promoteurs parce que certains seraient des professionnels des recours voire des mafieux qui devront verser des dommages et intérêts si leur recours est jugé abusif. Cependant, les associations de défense de l'environnement seront préservées de ce type de poursuite. Après cette reconnaissance que ces associations sont des professionnels des recours, on peut donc prévoir une soudaine hausse du dépôts de statuts en préfecture. On peut aussi remarquer l'instauration d'une nouvelle catégorie de justiciers autorisés, comme ceux qui défendent la nature sauvage en harcelant les sauveteurs de pinsons. Toujours est-il que transiger pour de l'argent apparaît comme néfaste par rapport au fait de camper sur ses positions pour empêcher la construction d'immeubles. Or, c'est plutôt à cette deuxième espèce qu'appartiennent ceux qui intentent des recours, quitte à laisser à l'abandon de vieux entrepôts et des maisons insalubres et décrépites, plutôt que d'accepter l'installation de logements neufs dans leur quartier. Mais procéder ainsi aurait sans doute obligé à couper les ailes aux recours venant des associations écologistes envers tout ce qu'elles détestent, des antennes relais aux projets d'infrastructure.

Au fond, on voit là que c'est l'idéologie qui semble guider Mme le ministre; le monde se partage entre bons et méchants: propriétaires responsables encouragés contre marchands de sommeil pourchassés, infâme recours mafieux contre juste action d'une association écologiste, marché livré à lui-même excessif contre état bienveillant et raisonnable, ignoble logement insalubre contre roulotte et yourtes pimpantes. Comme bien d'autres lois sur le logement, celle-ci n'atteindra certainement pas ses buts, tellement elle va dans la mauvaise direction: renforcer encore et toujours la règlementation. On pourrait bien sûr essayer l'inverse, mais il s'agit là d'un prêche dans le désert, comme le montre la date de cette dernière tribune: 2005.