On a déjà évoqué ici par deux fois. Depuis lors, le gouvernement a présenté ses idées de recettes complémentaires et le parlement a voté la loi de finances rectificative modifiant l'ISF.

Tout d'abord, on s'aperçoit que le nouvel ISF conserve le même principe que l'ancien en taxant le stock de capital, calculé de la même façon, mais que le nombre de tranches diminue et qu'elles sont désormais libellées en taux moyen et non en taux marginal. Les déclarations d'un certain Nicolas Sarkozy selon lesquelles cette réforme devait consister à taxer non le stock de capital mais les revenus qui en étaient tirés sont donc restées lettre morte. On peut légitimement se demander si certaines déclarations sur la politique des mois suivants ne sont pas tout simplement improvisées.

Comme annoncé au mois de mars dernier, les taux seront désormais de 0.25% — entre 1.3M€ et 3M€ — et 0.5% — au-delà de 3M€. Le gouvernement a toutefois voulu lisser les sauts d'imposition au franchissement des seuils. Libeller l'impôt en taux moyen fixe au sein des tranches provoque des sauts lorsqu'on change de tranche. On peut en attendre des sous-déclarations et sentiment d'injustice pour ceux qui sont de très peu du mauvais côté de la barrière. On peut voir le taux moyen d'imposition avec la nouvelle et l'ancienne version de l'impôt sur l'image ci-dessous. final_reforme_2011.jpg Il est frappant de constater que le gouvernement a souhaiter conserver un effet de seuil de 1500€ à l'entrée dans la première tranche. C'est sans doute dû au fait que le rendement de l'ISF dépend beaucoup des patrimoines se situant un peu au-dessus de 1.3M€. Cet effet de seuil est sans doute une première pour un impôt sur les personnes physiques. Il est aussi frappant que les transition entre les tranches sont brutales, pour la deuxième transition, le taux marginal est de 4.25% alors que le taux des emprunts d'état à 10 ans est de 3%! Autant dire que, pour ceux dont le patrimoine dépasse de peu les seuils, la tentation de le minorer sera extrêmement grande.

La suppression de la première tranche et la réduction des taux, particulièrement fortes pour le haut de l'ancien barème, ont été estimées à 400M€ et 1.4G€. C'est cohérent avec les estimations effectuées avec les moyens du bord sur ce blog. Comme le bouclier fiscal coûtait 800M€, il restait à trouver 1G€. Finalement, le choix a été fait de se reporter sur l'impôt sur les successions. C'est sans doute l'impôt le plus efficace sur le stock de capital. Par diverses mesures techniques, le gouvernement compte récupérer environ 900M€ en 2012. Ces ajustements peuvent d'ailleurs donner lieu à des expériences économétriques pour 2 d'entre eux: les donations sont désormais réintégrées sur 10 ans au lieu de 6 ainsi que l'instauration d'une surtaxe de 5% au-delà de 900k€ pour les successions. Les travaux sur les décès au printemps 2011 pourraient se révéler intéressants, même si le laps de temps entre l'annonce des mesures finales et leur mise en œuvre, environ 3 mois, est court. On peut aussi penser que le rendement de ces mesures est surestimé à court terme — mettons 2 ans — les personnes concernées ont certainement anticipé au moins les changements de règles d'âge sur les donations. Cependant, on ne peut constater une fois de plus que le gouvernement revient sur des mesures qu'il avait prises auparavant. Ces 10 dernières années, le gouvernement s'était efforcé de favoriser les donations; la loi TEPA avait aussi diminué le rendement de l'impôt sur les successions de 1.2G€. Ces mesures ont eu une faible durée de vie.

Pour tenter de compenser exactement les pertes fiscales le gouvernement a aussi décidé de prendre des mesures au rendement et à la légalité douteuse. Il a donc décidé de taxer les résidences secondaires des non-résidents et de faire payer les exilés fiscaux. Les rendements sont douteux car pour les résidences secondaires, cela ne concerne que ceux qui sont partis depuis plus de 6 ans dont le nombre ne paraît pas bien connu. Pour ce qui est de la herse fiscale nouvelle façon, des montages à l'aide de holdings doivent pouvoir circonvenir la mesure. Ainsi, en vendant au prix de revient à une holding spécialement créée après l'exil, puis en vendant la holding, il doit être possible d'ignorer cette taxe. De plus, pour ce qui est des résidences secondaires, le rendement des taxes foncières était apparemment limité par des traités de double imposition, ce qui fait que la taxe sera sans doute d'une légitimité douteuse au regard de ces traités. Pour ce qui est de la herse fiscale, elle est sans doute contraire au droit européen comme sa version antérieure mise en place sous le gouvernement Jospin.

Ces nouvelles péripéties fiscales montrent aussi que ce gouvernement a les plus grandes difficultés à faire des choix fiscaux intelligents et à s'y tenir. De la loi TEPA, il ne reste que la partie «heures supplémentaires». Il s'est rapidement avéré que le bouclier fiscal était une mesure masochiste qui ne réglait rien, le crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunts a eu une efficacité nulle et a été supprimé à partir de cette année, les mesures sur les successions viennent d'être inversées, la partie sur le financement des PME a été diminuée en loi de finances 2011 et son intérêt va aussi s'estomper avec la baisse de l'ISF. Quant aux mesures sur les heures supplémentaires, le seul effet constaté est l'effet d'aubaine.

Quant à la fiscalité du patrimoine, le rapporteur, Philippe Marini, remarque qu'il est caractérisé par des taux faciaux très élevés accompagnés de niches fiscales pour rendre l'ensemble supportable. Mais plus loin, il propose comme réforme de la fiscalité du patrimoine ... la création de nouvelles niches fiscales favorisant sans doute les sujets qui lui sont chers. On retrouve là l'incapacité à faire des choix qui confine à la schizophrénie: il y a visiblement une grande difficulté à abandonner la maîtrise du comportement du citoyen que procurent les niches fiscales mais on se lamente en même temps devant le monstre qu'on a créé.