Après avoir donné mon avis — négatif — sur le président sortant, il est naturel de s'intéresser à son opposant principal, François Hollande, le candidat du PS.

Le premier problème que me pose François Hollande est que je suis opposé à un bon nombre de ses propositions. Pour mémoire et au fil de ses 60 engagements:

  • Sa banque des PME (n°1) confiée aux régions, qui ressemble à s'y méprendre à ce qui s'est déjà fait dans le passé, avec les SDRs ou, dans un autre genre, le Crédit Lyonnais. Le fait que les politiques se précipitent pour maintenir à flots toutes les entreprises un tant soit peu médiatiques de leur région ne peut qu'inquiéter quant à la bonne gestion de ce type d'organismes.
  • Son soutien à l'agriculture bio (n°6) alors qu'elle ne présente pas d'avantages réels, ainsi que sa défense des services publics ruraux qui se résume bien souvent à maintenir ouverts des bureaux de postes où personne, même les habitants du village, ne va.
  • Sa proposition de séparation des activités bancaires entre spéculation et «activité utiles» (n°7). C'est une resucée du sketch du bon et du mauvais chasseur. Il faut aussi noter que parmi les banques et institutions financières ayant connu des faillites retentissantes, figuraient nombres d'établissements «classiques» plombés par des prêts immobiliers.
  • La n°10 qui laisse croire qu'on ne fera plus d'efforts pour contenir les coûts salariaux de l'état et qu'on ne réorganisera plus.
  • Ses propositions sur les retraites et l'assurance maladie, qui ne fixent aucun cap et semblent surtout alourdir les coûts pour les contribuables (n°18-20)
  • Sa proposition de blocage d'encadrement des loyers (n°22), idiotie bien connue des économistes, ainsi que la n°23 qui est une spoliation de l'état central au profit de collectivités qui ne le méritent pas toujours.
  • Le contrat de génération (n°33) ressemble à ce qui a déjà été fait au cours des années 80 et 90 sans succès, les emplois jeunes d'avenir (n°34) tombent dans la même catégorie. Par ailleurs, si ces emplois «d'avenir» avaient une utilité sociale justifiant leur salaire, il faudrait les embaucher tout court.
  • Les propositions sur l'éducation me semblent surtout faire de la drague aux enseignants sans chercher à résoudre les problèmes (n°36 et 37).
  • Ses propositions sur le nucléaire et les prix régulés de l'énergie (n°41 & 42). La proposition sur la tarification progressive du gaz et de l'électricité me semble être une première mondiale dans l'achat de marchandises.
  • Ses propositions sur l'art (n°44) sont purement démagogiques et inadaptées à la situation financière de l'état.
  • François Hollande propose une modification idiote de la Constitution sur la laïcité (n°46) et un nouveau round de décentralisation (n°54), alors que les collectivité locales ne se sont pas du tout montrées responsables à la suite du dernier round. L'inflation des personnels des collectivités locales est particulièrement problématique, et le moins qu'on puisse dire, c'est que certains emplois n'apparaissent pas indispensables. Il propose (n°55) aussi d'inscrire dans la Constitution la concertation avec les syndicats, qui n'a rien à y faire.

Je suis donc opposé à au moins un tiers des mesures proposées par François Hollande. Son programme fiscal me paraît trop porté sur la dépense et ses augmentations d'impôts, en plus de financer des dépenses inutiles, vont rogner le pouvoir d'achat des salariés. Il me paraît donc essentiellement nuisible.

Il est vrai que se fier à un programme qui de toute façon n'est déjà plus exactement ce que veut faire le candidat peut prêter à sourire. Cela dit, l'expérience montre que l'élu applique certaines des promesses de campagne. Ces promesses appliquées sont assez souvent parmi les plus idéologiques et les plus mal venues du programme. Ainsi Nicolas Sarkozy a fait passer la loi TEPA, a créé un ministère de l'immigration et tenu un discours globalement xénophobe au cours de son mandat, comme promis. Par ailleurs, les programmes sont un moyen pour les politiques de montrer quelles sont les options qu'ils préfèrent dans la gestion des affaires publiques. En quelque sorte, quand on est en désaccord avec bon nombre de propositions, cela montre qu'on est en désaccord avec la tonalité de la politique qui sera menée et du discours qui sera tenu. Cela est renforcé par le fait qu'une part du pouvoir des dirigeants politiques découle de leur ministère de la parole.

Le programme de François Hollande me paraît aussi problématique en ce qu'un certain nombre de propositions ont fait l'objet de développements moins que convaincants. Il propose de supprimer la HADOPI (n°45) en la remplaçant par quelque chose d'incompréhensible. L'écoulement du temps et la publication de tribunes n'a rien changé à cet état de fait, au contraire, et il semble qu'en fait Hollande s'évertue à ne pas mécontenter l'industrie du divertissement, tout en semblant aller dans le sens du vulgaire auprès de qui la HADOPI est particulièrement impopulaire (à raison). Il en est de même pour les propositions sur l'énergie et le nucléaire: je l'ai déjà écrit, la politique proposée est idiote, rassemble tous les poncifs politiquement corrects sur le sujet, se contrefiche des faits et consiste à lâcher la proie pour l'ombre. Dit autrement, lorsqu'on creuse un peu les propositions de François Hollande, j'ai souvent l'impression de tomber sur des faux-semblants ou que ce qu'il propose est en fait profondément nuisible.

Le programme compte aussi des mesures de pur affichage. Elles se distinguent par leur mièvrerie. Ainsi, dans la proposition n°40, il nous dit qu'il garantira pour tous les jeunes, valides ou non, la possibilité de pratiquer le sport dans un club ou une association. Les handicapés pourront faire du sport en club, mais bien sûr il est loin d'être évident qu'il y aura un club prêt à les accueillir à côté de chez eux! Il en rajoute une couche dans la n°32 où il nous ressort une proposition de Chirac: Je garantirai l’existence d’un volet handicap dans chaque loi. Quand il modifiera la Constitution pour y inscrire une référence à la loi de 1905, il y aura donc un volet handicap dans cette loi constitutionnelle! Au fond, quand je lis cela, je me dis qu'on se moque de moi. Et c'est malheureusement corroboré par l'analyse des mesures sur l'énergie ou la HADOPI.

De l'autre côté, je ne vois guère de raisons positives de voter pour François Hollande. Il a donc été particulièrement peu clair sur l'inversion des mesures Sarkozy sur la HADOPI ou sur la justice et la politique pénale, par exemple.

Bref, les désaccords sur les mesures qu'il veut prendre, les analyses un peu creusées que j'ai pu lire ici ou là et celles que j'ai faites moi-même, l'impression au final qu'on se moque de l'électeur me détournent de François Hollande. Certes, la tactique commandait à François Hollande d'en dire le moins possible, de concilier des options diamétralement opposées pour ne pas perdre d'électeurs en faisant des propositions impopulaires ou en s'aliénant des alliés potentiels comme les Verts. Mais il me semble qu'il faille, quand la situation l'exige, dire les choses clairement et ne pas dédaigner les faits. Je ne vois pas vraiment pourquoi j'irai voter pour François Hollande. Comme j'ai une opinion défavorable des deux favoris, il est probable que je n'irai pas voter au second tour.