François Hollande étant le favori de cette élection présidentielle et le principal opposant du sortant, Nicolas Sarkozy, il semble naturel de s'intéresser à son programme. Vu la situation actuelle du budget de l'état et de la sécurité sociale, essayer de se faire une idée de son impact financier est important.

Avec ses 60 engagements, le candidat socialiste présente un chiffrage partiel de ses mesures. On voit qu'il s'y félicite que le taux de prélèvements obligatoires ne dépassera pas 47% du PIB, valeur atteinte quasiment dès le début du mandat, alors qu'il s'agit d'un record en temps de paix. L'affirmation selon laquelle c'est comparable à celui affiché par la majorité sortante est fausse: selon l'INSEE, le taux de prélèvements obligatoires est de 43.8% en 2011; selon un document annexé à la loi de finances pour 2012, il sera de 44.5% (p19).

Il affiche aussi une baisse des dépenses publiques par rapport au PIB, ce qui, compte tenu de ses hypothèses de croissance, conduit à estimer la croissance des dépenses publiques à 1% par an en sus de l'inflation. Il faut remarquer que le candidat socialiste est celui qui prévoit la croissance la plus forte parmi les candidats principaux. Cela pose un problème quand à la stabilité après 2013 du taux de prélèvements obligatoires: ils ont tendance à augmenter plus vite que le PIB à cause de la progressivité de certains impôts (ex: IRPP) et de la corrélation d'autres avec la croissance (ex: IS). On peut donc supposer deux choses: soit les mesures qu'il va acter après sa prise de mandat sont pour une bonne part des mesures de trésorerie qui n'auront donc pas d'effet à long terme, soit il baissera les impôts en cours de mandat si la croissance se réalise, comme Jospin l'avait fait, précédent qui n'incite pas à l'optimisme quant à la qualité de gestion de cette phase. Prévoir la plus forte croissance permet aussi au candidat socialiste d'être celui qui fait les promesses les plus coûteuses et d'être celui qui compte le plus sur la croissance pour réduire le déficit.

Le graphe représentant le financement des mesures principales pose un premier problème: il mélange dans les recettes à la fois des hausses d'impôts et des économies. Les hausses d'impôts comptent pour 15.5G€ des 20G€ de financement. Parmi les économies qu'il compte réaliser, il affirme que la maîtrise des effectifs de l'état lui rapportera 2.1G€. On peut en douter au vu des résultats du non remplacement d'un fonctionnaire sur 2: Hollande promet que le nombre de fonctionnaires restera stable, il ne peut donc que faire moins bien. On voit aussi mal comment des effectifs constants peuvent représenter une économie.

Se reporter au chiffrage d'une officine sans affinité particulière avec le PS est intéressant pour donner un éclairage, je me suis donc tourné vers celui de l'Institut Montaigne. L'institut est en accord global avec le PS pour ce qui est des dépenses nouvelles: en faisant la somme de tous les mesures représentant une perte pour les finances publiques on trouve 19.4G€ contre 20 annoncés par le PS. Quant aux augmentations d'impôts, elles atteignent 38.3G€, il n'y a aucune mesure d'économie chiffrée ou recensée. Comme le candidat socialiste prévoit d'augmenter les prélèvements obligatoires de 2.5% du PIB soit environ 50G€, il manque donc 12G€ dans ce recensement et qui donc devront être annoncés ultérieurement, probablement après juin 2012, puisque François Hollande a annoncé qu'il annulera de fait le dernier collectif budgétaire de Sarkozy.

Parmi les plus gros postes d'imposition supplémentaire, on trouve des alourdissements de charges sociales. Ils concernent l'épargne salariale, les cotisations retraite et les allègements de charges pour les bas salaires. À eux trois, ils forment un gros tiers des alourdissements d'impôts rendus publics. Ils ne sont adoucis par rien, ils vont donc se solder directement par une baisse des revenus des salariés et des indépendants. La même chose peut être dite de la fin des exonérations sur les heures supplémentaires qui, si elles constituaient un pur effet d'aubaine, ne s'en traduisait pas moins par une hausse des revenus de ceux qui en profitaient. Cela trouve une traduction sur l'action de François Hollande sur l'assurance maladie et les retraites: il ne propose aucune mesure d'économie (engagements 18 à 21). C'est particulièrement dommageable. Car plus il y a de retraités, moins il y a de rentrées fiscales. Parce que la base taxable est moindre, qu'ils bénéficient d'un traitement favorable du point de vue de l'assurance maladie — CSG allégée et absence des cotisations patronales — et qu'il y a moins de recettes dues à l'activité économique perdue du fait du faible nombre de travailleurs, le gouvernement devrait s'attacher à repousser l'âge de la retraite. Mais, au contraire, François Hollande propose de faire partir un certain nombre de gens plus rapidement et, en taxant plus sévèrement ceux qui restent, les encourage à faire valoir leurs droits le plus rapidement possible.

Supprimer des niches fiscales en matière sociale est sans doute souhaitable, mais il vaudrait mieux redistribuer le produit de ces recettes sur l'ensemble des salariés. Quant à diminuer les allègements de charges, il s'agit de casser un des principaux moyens de favoriser l'emploi, notamment peu qualifié, en France. En face de cela, le candidat socialiste propose de créer des contrats de mentorat dont on sait très bien qu'ils ont une efficacité nulle et relèveront d'un pur effet d'aubaine. Il propose aussi une resucée des emplois-jeunes et d'embaucher des profs, clientèle obligée du PS. Bref, cette partie du projet socialiste me paraît particulièrement néfaste et comporter des mesures visant à gaspiller de l'argent. Elle va conduire aussi à la perpétuation de la stagnation du pouvoir d'achat des travailleurs, dont une des causes est la hausse des prélèvements sociaux, comme cela a été montré par le rapport Cotis.

Sur l'imposition des entreprises, il propose d'abaisser l'IS pour les petites et de l'augmenter pour les grandes; l'effet prévu par l'Institut Montaigne est négatif: les grandes entreprises iront enregistrer encore plus qu'avant leurs bénéfices ailleurs en Europe. Le candidat socialiste prévoit aussi des mesures de trésorerie sur le report déficitaire: quand une entreprise a fait des pertes, elle a le droit des les imputer sur les bénéfices des années suivantes. Hollande veut limiter l'ampleur de cette imputation pour l'étaler dans le temps. Les entreprises qui ont fait des pertes seront donc ravies de devoir fournir de la trésorerie à l'état, alors même que ces pertes ont diminué la leur. Le candidat socialiste veut aussi augmenter la taxe professionnelle, ce qui va sans doute décourager les investissements. Or, vus les salaires pratiqués en France dans l'industrie, des investissements conséquents en machines sont nécessaires pour que l'embauche soit intéressante. Il veut aussi taxer les banques à 50% sur leurs bénéfices: l'effet final sera de réduire la part des prêts risqués, les PMEs se plaindront donc encore plus qu'aujourd'hui et ne fera que renforcer le poids de la banque d'état qu'il veut créer... À part cela, il veut aussi soudoyer des entreprises pour qu'elles s'installent en France. Peut-être devrait-il commencer par ne pas augmenter les impôts qui les décourageraient de venir. Une nouvelle fois, je pense que ces mesures ne sont pas les bienvenues: les grands groupes internationaux pratiquent l'optimisation fiscale au maximum, les autres entreprises ont des difficultés: leur taux de marge est relativement bas.

Le candidat socialiste veut enfin imposer le capital de façon plus lourde que le travail: non seulement, les revenus seront imposés comme le travail, mais il compte aussi taxer le stock de capital ainsi que les transactions. Cela dit, comme il a annoncé qu'il y aurait une limite à 85% des revenus pour la somme de l'IRPP et de l'ISF, on peut d'ores et déjà prévoir ce qui va se passer: les gens concernés vont minimiser leur revenu taxable, comme cela se faisait avant 1995. Si c'est trop difficile en raison de la chasse aux niches fiscales, on peut prévoir des départs: même dans la situation prévalant avant 2008, Camille Landais avait estimé que les fuites cumulées équivalaient à 20% de l'effectif des 3 dernières tranches de l'ISF, celles pour lesquelles c'était véritablement intéressant. On peut aussi prévoir un grand avenir aux sociétés holding, situées dans des juridictions moins importunes, pour loger les gros patrimoines: on n'y sera pas frappé par la taxe sur les transactions et les revenus y seront préservés. Rappelons aussi qu'investir a pour but de préserver la valeur du capital, ce qui fait que s'il n'y a aucune chance réaliste d'obtenir un rendement après impôt meilleur que l'inflation, les investissements vont diminuer. De même, s'il y a trop d'impôts, la prime de risque réelle va diminuer au point qu'elle ne justifiera plus de se donner la peine de prendre des risques. Une prise en compte des réalités des revenus financiers serait donc peut-être de bon aloi.

Pour conclure, je trouve que le programme en matière fiscale et de dépense publiques de François Hollande me semble néfaste. Il est porté par une désapprobation du capitalisme et des revenus de l'épargne. Il perpétue aussi la hausse des prélèvements sur le travail qui érodent le pouvoir d'achat. Tout cela ne va pas inciter à plus d'activité économique, surtout pour ce qui est des prélèvements sociaux supplémentaires. Il ne prévoit rien ou presque comme économies ou incitations générales à l'activité. Il n'y a notamment aucune proposition sérieuse visant à limiter le coût des retraites et de l'assurance maladie.