Quid de Bayrou?
Par proteos le 18 avril 2012, 08:51 - Politique - Lien permanent
Après avoir dit que je ne voterai pas pour Nicolas Sarkozy puis que je n'irai pas non plus voter pour François Hollande, il est naturel de se tourner vers le seul candidat un tant soit peu sérieux qui reste encore: François Bayrou et son programme.
François Bayrou est sans doute le candidat auquel je ferais le plus confiance pour limiter les problèmes de la justice en France et mener une politique pénale plus humaniste que celle menée par le gouvernement actuel. François Hollande ne consacre réellement aucun engagement sur la politique pénale, il se contente de dire qu'il fera appliquer les peines et rénover les prisons. Mais il ne dit rien sur la manière de soulager l'engorgement des prisons. François Bayrou est sans doute le seul candidat qui insiste sur le besoin de limiter autant que faire se peut les emprisonnements pour les primo-délinquants et à dire un mot sur la réinsertion des détenus (p14). Au moins, il ne se contente pas des formules les plus vagues et il donne au moins quelques pistes pour parvenir à son objectif dans ce domaine.
C'est sans doute aussi le candidat le plus sérieux quant aux finances publiques. Il a pris les hypothèses les plus prudentes en matière de croissance et a les objectifs les plus ambitieux en termes de maîtrise des dépenses publiques en valeur. La conséquence est qu'il propose d'arriver au plus haut niveau de prélèvements obligatoires de tous les candidats en fin de mandat. Cependant, si on compare tous les candidats avec les mêmes hypothèses de croissance, on voit que Bayrou est nettement plus ambitieux. Alain Lambert publie sur son blog une telle comparaison, qui serait cependant plus crédible s'il n'y avait pas des différences inexplicables dans les situations de départ. Ses propositions d'augmentations d'impôts ne paraissent pas scandaleuses ni particulièrement idiotes, sauf pour des marottes difficiles à éviter en France, comme la taxe sur les transactions financières. Cependant, le chiffrage de l'Institut Montaigne tend à montrer que ce qui est annoncé dans ce domaine n'atteint pas les montants annoncés.
Côté dépenses, c'est assez vague, et c'est bien le problème. Bayrou compte faire en sorte de ne pas augmenter les dépenses publiques les 2 premières années de son mandat, alors que les réformes structurelles de l'état ne peuvent porter leurs fruits qu'à moyen ou long terme, mais certainement pas en début de mandat! Il propose de revoir les missions de l'état, mais n'en propose aucune — même anecdotique — à supprimer. C'est assez vague. De plus, il semble que la croissance économique soit faible cette année et la suivante. Bloquer les dépenses cette année et la suivante ne semble pas de bonne politique car cela renforcera cette faiblesse de l'activité économique. Il vaudrait mieux pour lui proposer des mesures qui pourraient porter leurs fruits à long terme.
Ainsi par exemple en est-il des retraites. Il propose de passer à un système par points qui offrirait une certaine liberté aux cotisants quant au moment où liquider leurs droits. Mais rien sur ce qu'il pense qui devrait être la norme en matière de temps de cotisation. Or ces données par défaut sont particulièrement importantes, les gens ayant tendance à s'y conformer ou alors à partir dès qu'ils le peuvent. S'il voulait réellement maîtriser les dépenses publiques, il aurait pu annoncer que la durée de travail aurait à s'allonger. Ce serait aussi un moyen d'augmenter l'activité économique et les rentrées fiscales: plus il y a de travailleurs, plus il y a d'activité économique et de rentrées fiscales. Les retraites sont un poste très important des dépenses publiques avec presque 12% du PIB, voire 15% du PIB si on inclut des prestations connexes comme les préretraites. Agir sur elles peut donc avoir un fort impact sur les dépenses publiques. C'est en plus un secteur où on peut prendre des engagements à long terme crédibles sur les finances publiques, réduisant progressivement le déficit sans casser la croissance.
Pour ce qui est du programme visant à favoriser la croissance, François Bayrou insiste sur le produire en France
. Malheureusement, il ne s'agit pas de se concentrer sur les avantages comparatifs de la France. Les déclarations qu'il fait à ce sujet montre qu'il s'agit plus d'une suggestion de protectionnisme. Dernièrement, Bayrou s'est saisi des problèmes de l'usine d'Angers de Technicolor pour dire qu'il était scandaleux que France Télécom se fournisse en matériel électronique ailleurs qu'en France et qu'il serait facile de corriger cela parce que l'état était actionnaire de l'opérateur historique. La vérité, c'est que cette usine est emblématique du déclin de l'activité d'une entreprise qui n'a pas su gérer les évolutions de l'électronique grand public. De même, sa suggestion selon laquelle les Français sont réellement prêt à payer plus pour acheter «made in France» me fait penser aux déclarations de Philippe Séguin lors de la campagne de 1995, où il fustigeait les pompes à essence automatiques. Il me semble me rappeler qu'il avait dit à l'époque que les Français accepteraient de payer l'essence 10 francs le litre — alors à 5 francs — pour préserver les emplois des pompistes. Bref, cela me laisse penser que François Bayrou fait une erreur de diagnostic sur l'état de l'économie française.
Sur un autre plan, j'ai souvent l'impression que Bayrou cherche à faire une sorte de moyenne entre la droite et la gauche. Par exemple, il vaut taxer les loyers excessifs
, une version édulcorée de l'encadrement des loyers du PS. Lorsqu'on a l'impression que Sarkozy cherchera plus à augmenter la durée de cotisation et Hollande les taux des cotisations retraites, Bayrou ne propose rien. Il veut aussi que les renouvelables représentent 40% de la production électrique française en 2030, une version intermédiaire entre le PS et les proposition de Sarkozy — et qui témoigne d'une méconnaissance des réalités de la production d'électricité, certes moindre que celle affichée par le PS. Or, dans bon nombre de cas, prendre la position intermédiaire ne signifie pas qu'on prenne l'option la plus intelligente, au contraire. Et cela laisse à penser qu'il voudrait bien ne rien changer, dans la droite ligne de ce qu'il a fait lors de son passage au ministère de l'Éducation Nationale.
Je suis donc peu convaincu par François Bayrou. En plus de son programme peu convaincant, il a été abandonné par la plupart des gens qu'il avait rassemblés autour de lui en 2007, après avoir été abandonné par l'aile dite libérale de l'UDF au milieu des années 90. Cela se voit dans son discours qui me paraît moins construit qu'en 2007. Cela pose question quant à ses capacités d'élaborer les compromis et de réaliser le rassemblement dont il prêche partout la nécessité. S'il envoie des signaux plutôt positifs sur les finances publiques, son programme économique laisse au contraire penser qu'il risque de casser la croissance en agissant trop sur les finances publiques au début du mandat, mais par assez sur les tendances à long terme des dépenses, ni qu'il puisse sérieusement améliorer les perspectives de croissance. François Bayrou ne me semble pas avoir les qualités personnelles nécessaires ni faire des propositions de qualité suffisante pour j'aille voter pour lui.
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