Après avoir abordé le thème de l'action de Nicolas Sarkozy vis-à-vis de l'institution judiciaire, il est naturel d'aborder le thème des libertés publiques. Ce champ est large, il ne sera sans doute pas abordé en totalité.

La mesure la plus médiatisée dans ce domaine est sans doute la création de la HADOPI, dont le principe de fonctionnement consiste en la surveillance généralisé des réseaux peer to peer. C'est en fait la poursuite d'une revendication des industries culturelles qui aiment énormément le protectionnisme, qu'elles ont réussi à renommer «exception culturelle». Lors des discussions de la loi DADVSI, un article visant à faire condamner d'une amende les actes de contrefaçon commis par Internet avait été voté, mais retoqué par le conseil constitutionnel. Séparer les contrefaçons par la valeur des biens contrefaits aurait permis de distinguer valablement les grosses des petites, mais cela aurait mécontenté l'industrie du luxe. L'astuce a alors consisté à créer une infraction, le manque de sécurisation de son accès internet, que même les professionnels sont en mal de garantir. Comme il s'agit d'un contentieux qu'on attend massif, cette infraction a été adossée à un système limitant autant que possible les contestations, en obligeant de fait les gens à prouver leur innocence et en recourant à l'ordonnance pénale, spécialement modifiée pour que les industries culturelles puissent demander des dommages et intérêts. Pour finir, il a aussi été décidé de dévier du mode classique de répression et de réparation qui s'est imposé peu à peu depuis la fin de l'Empire romain, les amendes, en décidant d'une sanction en nature, la coupure de l'accès internet. Il est vrai qu'il est tout à fait proportionné de couper un tel service, pour ce qui ne sont finalement que des contentieux pécuniaires, alors qu'internet s'est imposé comme un outil à tout faire.

On ne peut pas dire que les industries culturelles ait fait beaucoup pour mériter un tel soutien: depuis l'arrivée d'algorithmes puissants de compression et pendant la progression de l'ADSL parmi la population, elle n'a rien fait pour monter une offre permettant de séduire des clients. Les plateformes légales ont été créées par des spécialistes du domaine, comme Apple ou Amazon. Les plateformes illégales se distinguaient par l'abondance et la rapidité de leur offre. Au lieu d'essayer de faciliter la vie des clients et d'en attirer plus, les industries ont insulté ces clients potentiels en les traitant de pirates et les ont gênés en tentant d'imposer des verrous divers et variés. Dans ce contexte, imposer un mécanisme aux sanctions disproportionnées, comme la HADOPI, montre le peu d'égards qu'on porte à la liberté d'action des citoyens.

Le gouvernement a fait adopter la LOPPSI, dont une bonne part des articles consiste à donner plus de prérogatives à la police, dont l'aspect le plus connu est celui de censurer tout site qui lui déplairait, ou à procéder à de la répression bête et méchante. Parmi l'augmentation des prérogatives de la police figure la possibilité d'espionner les ordinateurs, et par là leurs utilisateurs. C'est en quelque sorte une adaptation aux goûts du jour des écoutes téléphoniques. Ce n'est pas très rassurant: les magistrats sont extrêmement friands de leur version légale, au point que le ministère ait du mal à toutes les payer et qu'elles sont en forte croissance. Il est aussi apparu en marge de différentes affaires que la loi sur les écoutes n'était pas forcément toujours respectée et que même des hommes politiques de second plan se pensent écoutés, ce qui n'augure rien de bon pour le citoyen lambda.

Depuis le début des années 2000, le gouvernement a aussi singulièrement renforcé les pouvoirs de la police au nom de la lutte contre divers types de criminalité, comme le terrorisme ou la pédophilie. Le plan Vigipirate est au niveau rouge depuis juillet 2005 sans discontinuer. Le gouvernement en a aussi profité pour étendre le fichage de la population sous divers prétextes. C'est ainsi que, comme on peut le voir dans une procédure type décrite sur le blog de Maître Éolas, que le simple fait d'être suspect suffit à voir son ADN prélevé pour alimenter le fichier ad hoc. Cette manie du fichage vient de culminer avec l'adoption à l'assemblée d'une loi visant à ficher la plupart des Français et que la police pourra consulter pour un nombre non négligeable de raisons.

Pour finir, fidèle à lui-même, le parlement français a voté une loi visant à condamner la négation du génocide des Arméniens, heureusement invalidée par le conseil constitutionnel.

Un fois de plus, force est de constater que le gouvernement de Nicolas Sarkozy s'est soldé par une régression. Il n'a peut-être pas engagé la tendance, mais il l'a volontairement perpétuée. On en est arrivé à un point où les exigences de fichage sont devenues délirantes et sans rapport avec le gain en sécurité. Le parlement passe des lois vétilleuses, destinées à pourchasser des nuisances mineures ou simplement pour éviter d'avoir à répéter des faits dans le débat public. Il serait temps que cette tendance s'inverse.