Après avoir expliqué pourquoi je n'étais convaincu par aucun des candidats les plus proches du centre du l'échiquier politique en France, Nicolas Sarkozy, François Bayrou et François Hollande, il est à peu près évident qu'il ne reste personne sur qui porter mon choix et c'est pourquoi je n'irai pas voter.

Tout d'abord, il n'aura sans doute pas échappé au lecteur que la tendance politique de carnet est relativement libérale. Cela m'empêche de voter pour des candidats issus de partis à tendance dictatoriale, que ce soit les trotskistes tendance sectaire ou postmoderne, l'alliance des communistes et de scissionnistes du PS, le Front National, les Verts. Dupont-Aignan est, quant à lui, franchement anti-libéral et Jacques Cheminade, peu sérieux.

Jacques Cheminade, justement, me semble montrer une partie des problèmes de la politique en France. Voilà quelqu'un qui s'était déjà présenté à l'élection présidentielle de 1995 et n'avait pas réussi depuis à refaire surface. Apparemment, il a réussi à convaincre des maires de lui donner des signatures par son discours sur le système financier, compensant ainsi le reste de son programme lunaire. Il est remarquable qu'un candidat aux tendances complotistes, notamment sur le système financier, ne paraisse pas si exceptionnel dans cette campagne: tous les autres candidats se disent contre la finance, en guerre contre elle, etc. C'est une excellente imitation des politiques classiques, son programme spatial mis à part. La similitude me semble en grande partie au manque de rationalité dans le débat public français et à l'omniprésence d'un discours avant tout émotionnel. Le discours sur la finance entre très bien dans ce cadre: une analyse rationnelle commencerait par dire qu'on a besoin de la finance, et qu'elle n'est donc pas un ennemi, mais que c'est la gestion, notamment prudentielle, du secteur qui a pêché. La situation dépeinte serait nettement moins manichéenne, puisqu'on remarquerait sans doute qu'une des origines de la situation actuelle se situe dans le grand nombre de prêts immobiliers accordés qui ont alimenté une bulle immobilière.

Cette omniprésence de l'émotion était déjà largement visible dans la campagne du non au référendum sur le traité constitutionnel. Les propos les plus irrationnels se sont succédé, les portraits les plus manichéens ont été présentés comme la norme. Une solution alternative a été présentée, elle ne constituait qu'en un maquillage du traité proposé, ce dont on ne peut pas dire que cela ait contribué à la crédibilité des politiques.

Les politiques ont aussi usé d'une vieille tactique: ne pas parler des éléphants qui bloquent le couloir. On les comprend bien: le premier qui annonce une mesure impopulaire mais nécessaire pourra être contré par les autres qui ne s'attacheront plus alors qu'à démonter cette mesure tout en évitant de dire ce qu'ils feront ou bien en tenant des discours totalement démagogique visant à nier la réalité. C'est ainsi qu'on n'a pas beaucoup parlé des dépenses publiques et des façons de les réduire. Les changements qu'il faudra probablement apporter aux régimes des retraites ont été largement mis sous le tapis, pas question d'évoquer les sacrifices à faire de façon un tant soit peu détaillée. On peut éventuellement deviner que Hollande voudrait augmenter les cotisations sociales, Sarkozy plus l'âge de départ en retraite, mais cela n'a jamais été clairement dit. De même, on ne peut pas dire qu'on se soit beaucoup attardé sur les dépenses de santé, l'armée — qui servira sans doute de variable d'ajustement une fois de plus —, etc. Quant à creuser les propositions soit-disant un peu plus détaillées, cela m'a souvent amené à me dire qu'on se moquait de moi et du reste de la population par la même occasion. Et surtout, on a évité de dire des choses qui peuvent faire perdre nombre d'électeurs, en n'utilisant que des formules vagues laissant entendre qu'il y aurait des efforts à faire, mais on s'est au contraire concentré sur ce qui caresse dans le sens du poil et est totalement accessoire, comme la taxation des hauts revenus, l'étiquetage de la viande halal... Comme l'a bien retranscrit la une de The Economist, on a assisté à une campagne de déni.

Ce n'est certainement pas une nouveauté: on a très peu parlé des retraites en 2002 et 2007, alors qu'il était aussi évident que des changements devraient avoir lieu. Ces 2 précédents devraient inciter à demander que les thèmes importants soient réellement abordés, les laisser en friche ne donne finalement pas un véritable mandat démocratique. Il me semble que cela montre un manque de qualité parmi le personnel politique, incapable de dire ce qu'il pense nécessaire ou souhaitable, ou bien se réfugiant réellement dans le déni. Dans tous les cas, on voit mal ce que l'élu pourra tirer réellement comme mandat du résultat des urnes: rien de saillant n'ayant été résolu, il bénéficie à la fois d'un mandat relativement libre, à part sur certaines mesures idéologiques, mais n'aura aucune légitimité pour faire appliquer les décisions dures qu'il devra pendre, n'en ayant pas parlé avant. On parle plus en plus de transparence dans le processus décisionnel, mais, au moment où on doit choisir des élus et donc leurs idées, cette transparence manque cruellement.

Une autre raison est que je suis bien éloigné de l'axe central de la politique française. Le libéralisme a quasiment disparu du radar en France, aucun parti ayant des élus ou une audience certaine ne peut sérieusement s'en revendiquer. Cela distord la perception de ceux qui s'en sentent proches: finalement la majeure partie des hommes politique apparaissent éloignés et il est difficile de les classer par ordre de mérite. Il m'est bien difficile de dire aujourd'hui qui serait le meilleur ou, ce qui est strictement équivalent, le moins mauvais président du fait de la trop grande distance qui me semble séparer leurs opinions, telles qu'elles ressortent de leurs discours, des miennes.

Le manque de qualité et la distance aux idées les plus courantes dans le débat politique rendent finalement inévitable un certain retrait par rapport au choix à faire le jour du vote. Je n'irai donc pas voter dimanche prochain, ni sans doute le dimanche dans 2 semaines.