Du dieselisme passif
Par proteos le 30 novembre 2014, 16:21 - Pétrolages - Lien permanent
Mardi 25 novembre, les particules fines et le diesel ont refait surface dans les médias, toujours pour dénoncer l'ampleur scandaleuse de la pollution. Cela faisait suite à une présentation à la presse des résultats de mesures effectuées à l'aide d'un instrument embarqué à bord du ballon Generali qui flotte au-dessus du parc André Citroën, dans le 15ᵉ arrondissement de Paris. Cette fois-ci, la comparaison choc est que la pollution aux particules de moins de 1µm de diamètre équivalait aux dommages causés par le tabagisme passif.
Si on se rend sur le site de l'Institut National du Cancer, on constate que 1100 décès sont attribués chaque année au tabagisme passif sur l'ensemble de la France. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, on nous annonçait que la pollution aux particules était responsable de 42000 morts par an en France, ce qui avait suscité mon premier billet sur le sujet. Les articles et la présentation affirment que les particules d'un diamètre de moins de 1µm sont les plus nocives. En conséquence, on ne peut que s'émerveiller des progrès rapides de la lutte contre la pollution aux particules, puisqu'en seulement 2 ans et demi, le nombre de décès a été divisé par un facteur 40. Malheureusement, il semble que personne n'ait remarqué ces progrès dans la presse, puisque les articles sont toujours aussi négatifs et appellent toujours à pourchasser le diesel. Cette estimation est même inférieure à celle à laquelle je m'étais risqué dans mes billets précédents.
De plus, le seul jour du 13 décembre 2013 semble concentrer le feu des critiques, alors que les mesures ont été effectuées entre septembre 2013 et août 2014 et qu'un autre épisode de pollution aux particules a eu lieu en mars 2014. Ce n'est guère étonnant: il s'est avéré par la suite que plus de la moitié des particules n'étaient pas dues à la combustion, mais aux activités agricoles, puisque 51% étaient composées de nitrate d'ammonium et seulement 11% dérivaient de l'usage de combustibles fossiles. En conséquence de quoi, il y a dû y avoir relativement peu de particules de moins de 1µm, car la combustion de matières — dérivés du pétrole, bois — provoque essentiellement l'émission de ces particules. Si d'autres causes sont responsables d'un pic de pollution, la proportion de particules de moins de 1µm est moindre. En mars dernier, le diesel était le premier accusé; qu'il soit apparu après coup que le diesel n'ait joué qu'un rôle marginal dans le pic de pollution n'a pas suscité de retour dans la presse.
Avec les diagrammes publiés sur le blog {sciences²} de Libération, on s'aperçoit que les concentrations varient d'un facteur 30 sur l'année de mesures. En moyenne sur l'année, les concentrations sont plus proches du minimum que du maximum constaté lors d'un pic de pollution: les pics de pollution sont de courte durée et ils comptent relativement peu dans la moyenne. Si on regarde le cas des particules de moins de 10µm, on s'aperçoit que la moyenne est de l'ordre de 2 fois le minimum (cf graphe ci-dessous) Si on applique la même règle aux particules de moins de 1µm, au lieu d'un studio où on a brûlé 8 clopes, on trouve qu'en moyenne sur l'année, il y a autant de particules que si on avait brûlé 0.5 cigarette. Comme bien sûr on ne peut jamais atteindre le zéro équivalent-clope, il faut bien constater qu'on ne peut pas vraiment dire que la pollution à Paris est équivalente au tabagisme passif.
On peut aussi constater qu'une fois de plus, ce qui a été relayé dans la presse portait sur l'aspect négatif: rapporter la concentration de particules de moins de 1µm en termes de nombre est assez révélateur. En effet, les organismes de mesure de la pollution parlent plutôt en termes de masse globale des particules. Bien évidemment, une grosse particule va peser bien plus lourd qu'une petite: si la masse est proportionnelle au volume, une particule de 2.5µm pèse 15 fois plus qu'une particule de 1µm. On voit que le nombre de petites particules peut rapidement devenir proprement astronomique. Est-ce cela signifie qu'elles sont dangereuses à proportion de leur nombre? Pas forcément! Dans ce cadre, l'affirmation qu'aucun seuil réglementaire d’émissions n’a été encore fixé pour les nanoparticules
relève du mensonge pur et simple: comme les normes anti-pollution s'attaquent à la masse de toutes les particules émises lors du test, quelque qu'en soient leurs tailles, les particules de moins de 1µm sont bien évidemment incluses. De plus, la norme Euro 6 impose une limite en nombre, dans le but de s'attaquer directement aux émissions de particules de moins de 0.1µm!
Comme d'habitude, cet évènement a été rapidement récupéré par les opposants au diesel. Il n'est besoin que d'observer que le fioul domestique, qui n'est rien d'autre du diesel auquel on a ajouté un colorant rouge, ne fait l'objet d'aucune mention. Or, l'usage du fioul pour se chauffer en hiver est bien mieux corrélé aux pics de pollution que la consommation de gazole! Inutile donc de rappeler aussi que la combustion du bois est le premier émetteur de particules de moins de 1µm, qu'en moyenne les 2/3 des particules en Île de France viennent d'ailleurs, que les normes anti-pollution mettent les voitures neuves essence et diesel au même niveau ou presque. Le mal est forcément le trafic parisien fortement diésélisé et il faut bannir les voitures diesel. Même si je considère que le diesel bénéficie d'un avantage fiscal infondé et que je suis favorable à l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle du super 95, je remarque que la campagne de diabolisation du diesel est mensongère et s'attaque surtout à des problèmes qui se posaient il y a 20 ans.
Commentaires
L'article du Monde sur la dernière intervention de notre chère ministre de l’Écologie révèle des sommets de bêtise sur le sujet des particules fines : par exemple, laisser la parole à un ramoneur parisien sur le sujet des émissions de particules fines (que peut-on attendre de lui sinon défendre l'usage des cheminées ?). Même l'association Que Choisir y va de son couplet, avec une telle mauvaise foi que le journaliste de l'AFP (ou du Monde, ce n'est pas précisé) qui a écrit cet article s'est senti obligé démentir (au moins indirectement) l'affirmation de l'association (par sa mention « station [noter le singulier] installée en bord de périphérique et ne concernant donc pas toute la région Ile-de-France »). Au passage, il aurait aussi pu ajouter que le bord du périphérique, ce n'est pas non plus les rues de Paris intramuros.
L'article équivalent sur Libération cite même Ségolène Royal : « J’ai été moi-même très surprise, surtout des chiffres qui ont été utilisés, a-t-elle indiqué. On nous a fait croire que les feux de cheminée polluaient plus que les voitures diesel. Il faut être un peu raisonnable. » Les mesures effectuées ne sont rien, la croyance est tout.
HollyDays,
on peut d'abord noter une fois de plus le sens politique de Mme Royal. Et en miroir que cette histoire de feux de cheminée révèle des travers de la politique française.
Au fond, l'interdiction n'est peut-être pas la meilleure manière de procéder. Il serait sans doute plus utile de faire la pub pour les avantages des inserts et des poêles modernes:
Mais pour ça, il aurait fallu en parler souvent, par exemple, à la place du diesel et de ses particules! Mais on préfère souvent l'idéologie aux constat techniques et scientifiques, d'où le commentaire de Mme Royal sur la comparaison diesel / feu de bois.
@ Proteos
« En conséquence, on ne peut que s'émerveiller des progrès rapides de la lutte contre la pollution aux particules, puisqu'en seulement 2 ans et demi, le nombre de décès a été divisé par un facteur 40. »
Apparemment, vous avez péché par optimisme en rédigeant ce billet.
Environ 1 an plus tard, les nouveaux chiffres qui circulent, ce sont 400 000 morts par an (mais cette fois, ce serait pour l'Europe entière, sans préciser, bien sûr, ni de quels pays il s'agit – pays de la zone euro, Union Européenne, pays d'Europe de l'Atlantique à l'Oural, pays de l'Eurovision, pays de la Coupe d'Europe de football, etc. – ni de quelles causes de décès on parle).
Cf. la pétition initiée suite à la fraude de Volkswagen, qualifiée en moins de 2 jours de « dieselgate » (et pas de « Volkswagengate »...) : https://www.change.org/p/pour-une-e...
Un petit extrait, dans lequel chaque phrase est à sauter au plafond (assertions sans preuve, chiffres non sourcés voire carrément fantaisistes, généralisations abusives, etc.) :
« Au-delà du cas Volkswagen, d'autres constructeurs sont concernés car il est de notoriété publique que les tests en vigueur sous-estiment largement les émissions réelles des véhicules. Dans les faits, 9 véhicules diesel sur 10 dépasseraient les seuils autorisés.
Résultat, environ 40 millions de citoyens européens sont aujourd’hui exposés à un air pollué et dangereux, contenant notamment des taux élevés de particules fines mais aussi de dioxyde d'azote, reconnus gravement nocifs pour la santé.
Le coût de cette pollution est immense sur le plan humain: on parle de 400.000 morts prématurées chaque année en Europe. C'est aussi un gouffre financier, puisque la pollution coute chaque année environ 766 milliards d'euros à l'Union européenne. »