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14 octobre 2010

Retour sur Tracfin & Julien Dray

À la fin de l'année 2008, des informations sont publiées par les journaux Le Monde et Le Parisien selon lesquelles Julien Dray est soupçonné de divers délits financiers au détriment de plusieurs associations proches du PS comme SOS Racisme. En janvier 2009, l'Est Républicain publie une note de Tracfin relatant divers mouvements sur les comptes de Julien Dray, de personnes qu'il connaît ainsi que d'associations dont il est proche. Ainsi, il est fait mention de mouvements qui peuvent sembler douteux aux yeux du vulgaire entre les comptes des associations et ceux de leurs responsables. Julien Dray n'est pas un de ces responsables mais en est un proche, et des mouvements connexes visant ses comptes sont mentionnés, dont des mouvements très importants liés à sa passion pour les montres de collection. Bref, ces informations mettent en cause l'honnêteté de certaines personnes engagées en politique mais aussi jettent le discrédit Julien Dray en faisant connaître les sommes importantes qu'il engage dans sa passion. Quoiqu'il puisse être intéressant pour le public de connaître de la gestion de certaines associations intervenant dans le débat public et dont la conception de la rigueur comptable ne semble pas correspondre aux standards actuels en la matière, on peut s'interroger sur plusieurs points douteux.

Le premier est de savoir s'il est sain de voir étaler la vie privée, même d'un homme politique, alors que celle-ci n'a pas d'influence directe sur les positions dans le débat public. Les réactions suite à la publication de la note sont à cet égard révélatrices. Autant sinon plus que les pratiques douteuses dans la comptabilité de SOS Racisme, la passion de Julien Dray et les montants mis en œuvre constituent un motif d'opprobre. Trouver un moyen de jeter un jour peu flatteur sur cette passion est aussi une occasion de nuire à la carrière publique de Julien Dray. La manière dont a été révélée la note montre aussi une certaine déloyauté puisque Julien Dray n'en aura connaissance que par l'Est Républicain, alors que des articles ont déjà été publiés dans la presse un mois auparavant. Julien Dray a exprimé lui-même son point de vue dans une suite d'entretiens (parties 1, 2, 3, 4). La lenteur proverbiale de la justice (ou de la police, en l'occurrence) française participent aussi de ce côté nuisible. Cette affaire ne s'est conclue qu'à la fin de l'année 2009 par un simple rappel à la loi… Un an pour procéder à des vérifications de comptabilité!

Le deuxième est la manière dont le rapport a été monté et notamment le point de départ. Ce point est nettement plus spéculatif, car on ne saura jamais réellement quel est le point de départ. Il y a 2 hypothèses principales, soit Tracfin a été d'abord alerté sur les mouvements des comptes des proches de SOS Racisme, soit par les mouvements sur le compte de Julien Dray. La première hypothèse semble assez bizarre dans la mesure où les chèques qui auraient transité sont de quelques milliers d'euros au plus, pour des gens qui ne sont sans doute pas des smicards. On sait aussi que certains peuvent retirer 50000€ en liquide toutes les semaines sans que l'alerte ne soit donnée. La deuxième hypothèse, c'est que ce sont les mouvements sur qui ont donné l'alerte chez Tracfin. Julien Dray manie des sommes importantes du fait de sa passion. Ces sommes peuvent alerter Tracfin car elles représentent sans doute parfois une année de son indemnité de député. Julien Dray est aussi le centre de l'enquête, non seulement on parle de SOS Racisme, mais aussi de l'association qu'il a fondé comme véhicule de soutien à son action d'homme politique. Dans les deux cas, l'action de Tracfin est nettement plus intrusive que le fait de regarder s'il n'y a pas blanchiment d'argent ou fraude fiscale. Dans la première hypothèse, pourquoi aller s'interroger sur l'association de Julien Dray? Dans la seconde, comment se fait-il qu'en partant des mouvements de fonds finançant sa passion, Tracfin regarde aussi les comptes de proches alors que les mouvements vers et de ceux-ci sont d'un ordre de grandeur plus faible? Il semble que dans ce cas comme dans bien d'autre, un organisme profite de son pouvoir d'enquête et de surveillance officiellement limité à certaines infraction pour mener en fait une surveillance opportuniste nettement plus générale. En clair, si Tracfin n'outrepasse pas ses droits légaux, sa légitimité est mince quand il s'agit de procéder à des enquêtes de ce type, sur la légalité de la comptabilité d'individus ou d'associations. Ces vérifications relèvent en fait du pouvoir habituel du fisc, pouvoir qui jouit d'ailleurs de contraintes affaibli par rapport à d'autre enquêtes. Le fisc enquête régulièrement sur la comptabilité d'entreprises et d'associations et procède certainement à des redressements pour celles qui en ont une conception trop exotique. Mais on voit mal pourquoi un organisme dédié à des infraction a priori plus graves vient faire ici.

Pour finir, une conclusion que ceux qui entretiennent une dispendieuse passion peuvent tirer est qu'il vaut mieux avoir des réserves d'argent hors de la vue de tels organismes. Cela leur permet non seulement d'échapper aux ennuis pour eux-mêmes mais aussi de protéger les gens avec qui ils ont des relations courantes de la curiosité de l'état. On conçoit bien que les convictions et le métier d'homme politique de gauche de Julien Dray l'empêchent d'utiliser de tels moyens, mais cela n'est pas valable pour tout le monde. Ce n'est pas la moindre des ironies que d'encourager ainsi des gens honnêtes à utiliser des moyens dont seuls les délinquants ou les criminels devraient avoir vraiment intérêt à se servir.