J'avais donné mon avis — franchement négatif — sur la proposition d'instaurer une tarification dite progressive de l'énergie en septembre dernier. Les raisons de mon avis négatif pouvaient être résumées ainsi:

  1. une très grande complexité rendant le système ingérable et ne résolvant certainement pas tous les cas d'injustice qu'on pouvait imaginer
  2. une intrusion inutile et inefficace dans la vie privée des gens
  3. la création d'une inégalité de traitement entre les énergies distribuées par un réseau et les autres sans qu'elle soit justifiée
  4. le manque de légitimité à lutter contre la consommation d'énergie comme telle sans considérer les inconvénients réels de chaque type d'énergie

Après diverses avanies, le texte de loi a été adopté. Les parties sur le bonus-malus avaient été réécrites mais sans modifier l'idée générale ni régler tous les problèmes que je signalai à l'époque. Les parlementaires de droite avait alors décidé de déférer la loi au Conseil Constitutionnel. Aujourd'hui, il a rendu sa décision accompagnée des habituels commentaires. Le Conseil a censuré les articles qui créaient le système du bonus-malus dans le secteur de l'énergie.

La raison apparente est que le bonus-malus ne respectait l'obligation qui est faite à la loi de traiter les situations similaires de la même façon. En l'occurrence, le Conseil soulève deux problèmes. Le premier est que dans les immeubles chauffés par un réseau de chaleur, tous les logements n'ont pas de compteur, les dépenses sont réglées en commun dans les charges locatives. Comme le législateur entendait taxer chacun pour des consommations jugées excessives, on voyait tout de suite qu'il y avait un problème puisque sans compteur, il y aurait eu un risque de punition collective.

Pour en venir à la deuxième raison, il est intéressant de lire les commentaires qui accompagnent la décision. En effet, à l'origine, il s'agissait (p11) de favoriser les économies d'énergie, de lutter contre la pollution et notamment l'effet de serre et faire porter la hausse prévisible des prix de l'énergie par ceux qui consomment le plus. Malheureusement, dans ce cas, le cas du bonus-malus était réglé pour le Conseil: l'exemption des énergies hors réseau allait directement à l'encontre des objectifs proclamés, malgré les protestations de bonne foi du rédacteur de la loi. On peut simplement remarquer qu'exonérer le fioul, combustible qui émet plus de CO₂ que toutes les énergies livrées par un réseau — réseau de chaleur, électricité, gaz — relevait effectivement de la pure fumisterie.

La possibilité de ce possible malheur se faisant de plus en plus précise à mesure que le temps avançait, le gouvernement les parlementaires socialistes ont réécrit les dispositions du bonus-malus et ont à cette occasion changé les motifs de l'instauration du bonus-malus. La raison officielle devint donc les coûts élevés d’investissement nécessaires au développement de la distribution de ces énergies et, pour l’électricité, du coût supplémentaire des nouvelles capacités de production. D'emblée, on peut remarquer que ça a moins de gueule et qu'on sent moins l'urgence pressante d'instaurer une telle usine à gaz. Des esprits forts soutiendraient sans doute qu'il s'agissait là d'un pieux mensonge, chose à laquelle, bien sûr, un gouvernement ou groupe parlementaire portés sur la moralisation de la vie publique ne s'abaisseront jamais. Mais même ainsi le bonus-malus ne trouve pas grâce aux yeux du Conseil. Cette fois-ci, le Conseil remarque que le réseau bénéficie à d'autres que les particuliers, comme par exemple les commerces — qui tiennent d'ailleurs boutique dans des bâtiments souvent destinés à l'habitation dans les étages supérieurs (p12).

Une nouvelle fois, on ne peut qu'être frappé par l'amateurisme de l'actuelle majorité et du gouvernement sur les sujets énergétiques. On avait remarqué à l'époque où le bonus-malus avait été proposé au vote la première fois qu'une grande part des objectifs de départ pouvaient être atteints plus simplement et plus sûrement par l'imposition d'une taxe d'accise comme la TIPP TICPE, éventuellement accompagnée par la distribution de chèques d'une valeur équivalente à la somme nouvellement levée. Une solution proposée sous le nom de «chèque vert» par des gaspilleurs bien connus comme la fondation Nicolas Hulot. Il est vrai que cette solution avait été évoquée — et par là souillée — par le gouvernement précédent qui a le grand tort de ne pas être de la même couleur politique que l'actuel. On a alors eu droit au montage d'une invraisemblable usine à gaz, dont on voyait dès le départ qu'elle n'atteindrait aucun de ses objectifs officiels, puis un gros mensonge — le changement des motifs — pour tenter de sauver cet ouvrage majeur, mais surtout pas évidemment une quelconque prise en compte réelle des critiques. Finalement, le gouvernement et le parlementaire qui a porté ce projet ne récoltent là que ce qu'il méritent: à force d'ignorer les conseil que la raison donne, ils ont préféré s'obstiner dans une voie sans issue.